Lucie, Andrée, Lable naît le 14 mai 1905 à Nevers (Nièvre), chez ses parents Antoine Lable, 35 ans, peintre en bâtiment, et Hélène Blois, 29 ans, son épouse, domiciliés au 6, rue Creuse. Lucie est la deuxième d’une famille de cinq enfants. Un premier frère, Georges, né le 15 octobre 1897 à Nevers, décède prématurément le 20 mai 1900. Puis viennent Marcelle, née le 27 février 1903 à Nevers, et Suzanne, née le 23 février 1907. Alors que Lucette a à peine six ans, la famille se transporte à Tours (Indre-et-Loire), sans doute parce que le père y a trouvé un meilleur emploi. Dans cette ville naissent Albert, le 15 janvier 1910, et Georges, le 10 octobre 1913.
Lucie – “Lulu” – va à l’école communale jusqu’au certificat d’études primaires, puis apprend le métier de culottière.
Le 29 avril 1923, à Tours, peu avant son dix-huitième anniversaire, elle se marie avec Camille Jean Pécheux, né le 2 mai 1900 dans cette ville, employé de commerce.
Leurs fille, Gisèle, Andrée, naît le 6 novembre 1923 à Tours. Mais le couple se séparera.
En 1935, Lucie Pécheux adhère au parti communiste, et au Secours populaire de France en 1937, sans y occuper aucune fonction. Dans ce cadre, elle rencontre René Despouy, responsable de la section de Tours/Saint-Pierre-des-Corps des Jeunesses communistes, et Jean Pottier, né le 15 juin 1913 à Tours, menuisier-ébéniste, ayant adhéré au Parti communiste en 1937, secrétaire régional des Jeunesses communistes en 1938, avec qui elle se mettra en ménage.
Jean Pottier est mobilisé en septembre 1939. N’ayant pas été fait prisonnier lors de la Débâcle, il est démobilisé à l’été 1940, et s’installe dans la capitale, habitant un logement modeste, situé sous les combles d’une maison bourgeoise, au 5, rue de l’Odéon (Paris 6e).
Lucie Pécheux y habite à partir du 15 octobre suivant. Jean Pottier travaille (en dernier lieu) à la maison Queriel, un atelier de menuiserie au 81, rue Saint-Dominique, Paris 7e. Lucie est mécanicienne en confection à la maison Magfa, sise au 5 et 7 rue des Arquebusiers (Paris 3e). Gisèle, fille de Lucie, vit avec eux. À l’été 1941, elle travaille à la maison Abraham, au 46, rue de Turenne (Paris 3e), confectionnant des imperméables.
Bien que leur logement soit exigu, le couple héberge des clandestins de passage, dont, à partir du premier trimestre 1942, René Despouy, alors âgé de 26 ans et à la direction nationale des JC clandestines.
Jean Pottier mène la vie des militants communistes : le jour, il travaille, la journée terminée, il colle des affiches, transporte des brochures. Afin de noter ses rendez-vous clandestins, il utilise un ancien carnet de Gisèle dans lequel celle-ci avait inscrit deux adresses de ses propres relations, dont celle d’Adèle Salomon [1], une camarade d’atelier quand elle travaillait à la maison Abraham. Par l’intermédiaire de Despouy, Jean Pottier entre en contact avec Maurice Quedec et sa compagne, Lucie Mansuy, domiciliés au 14, rue Desnoyers (Paris 20e).
De son côté, Lucie recueille des fonds pour les combattants clandestins, emmagasine des brochures dans une soupente.
Par l’intermédiaire d’une collègue de travail de Lucie, le couple effectue les démarches permettant de fournir à leur “hôte” une nouvelle “planque”, dans un logement au 14, rue Oberkampf…
Charlotte Delbo relate : Jean Pottier « participe à des coups de main comme l’affaire de la rue de Buci : le dernier dimanche de mai 1942, un groupe de francs-tireurs ameute les ménagères à l’heure du marché – c’est plutôt l’heure de la queue au marché – rue de Buci. L’un d’eux, juché sur une petite voiture, les harangue. En un clin d’œil les éventaires sont renversés, les denrées distribuées. La police cerne le quartier, quatre des hommes sont pris – ils seront guillotinés à la Santé en juillet 1942, Pottier s’échappe. » [2] Mais ce n’est pas pour cette action – dans laquelle son nom n’a pas été cité par d’autres participants – qu’il est arrêté…
En effet, à la mi-mars 1942, exploitant des informations obtenues lors des enquêtes ayant précédé et suivi les arrestations de l’affaire Pican-Cadras, des inspecteurs de la brigade spéciale 1 (BS1) des Renseignements généraux de la préfecture de police commencent la filature d’un résistant qu’ils désignent provisoirement comme « Ambroise », du nom de la rue Saint-Ambroise (Paris 11e) où il a été repéré la première fois, alors qu’il rencontrait le responsable non-identifié (?) d’un atelier de gravure situé au 81 rue Saint-Maur (situé peut-être dans l’arrière-cour), entre la rue Saint-Ambroise et l’avenue de la République. Onze policiers en civil suivent alors tous les contacts qui s’enchaînent entre militants et artisans clandestins, repérant notamment les adresses où ceux-ci pénètrent (les “logeant”). Sans le savoir, Arthur Tintelin met d’abord les inspecteurs sur la piste de l’appareil technique de propagande du Parti communiste clandestin, le réseau des “imprimeurs”, plus précisément sur les ateliers de gravure et de photogravure qu’il coordonne et dont il rémunère les artisans. Puis, d’autres filatures permettent aux inspecteurs de repérer différentes ramifications de l’organisation clandestine, pour lesquelles le couple Pitiot (considéré comme “charnière”) sert d’agents de liaison ; Renée, pour la “branche technique“, Gustave, pour la “branche politique”.
Dans la nuit du 17 au 18 juin 1942, le commissaire Fernand David, chef de la BS1, déclenche le vaste “coup de filet” policier concluant trois mois de surveillances et filatures par l’arrestation d’une soixantaine de personnes, appartenant soit au réseau des “imprimeurs”, soit à celui des Jeunesses communistes clandestines de la région parisienne.
Le 18 juin, à 6 h 30, on frappe à la porte du logement du 5, rue de l’Odéon : « Madame Pécheux ? télégramme ». Ce sont les brigades spéciales : Jean Pottier et Lucie sont arrêtés. La perquisition effectuée simultanément amène la découverte d’un tract de L’Avant-Garde du 25 mai 1942, d’un carnet agenda et de plusieurs feuillets de papier portant différentes adresses. Gisèle, alors âgée de dix-sept ans, est déjà à son travail : mécanicienne à la maison Pion, sise au 58, rue du Faubourg-Poissonnière, elle fait partie d’une équipe qui commence à six heures. Les policiers vont l’y chercher. René Despouy est arrêté à son nouveau domicile de la rue Oberkampf.
Tous sont emmenés dans les locaux des BS, puis conduits au dépôt de la préfecture de police (la Conciergerie, sous le Palais de Justice, île de la Cité). Lors de son interrogatoire, Lucie Pécheux réfute toute discussion politique et tout travail militant commun avec son compagnon ainsi qu’avec Despouy. De son côté, Jean Pottier admet seulement avoir eu une activité à la base, à la demande de Despouy, en diffusant du matériel de propagande, en apposant des papillons et traçant des inscriptions sur les murs. Mais il déclare n’avoir eu avec le couple Quedec-Mansuy que des relations amicales et non militantes.
Le 28 juin, en même temps que sont libérées dix-sept personnes considérées comme n’ayant pas été impliquées dans l’un ou l’autre réseau, soixante-quatre hommes et femmes (parmi celles-ci de nombreuses épouses) sont conduit.es au « dépôt près la préfecture de police » – la Conciergerie, sous le Palais de Justice, île de la Cité -, parmi lesquelles Lucie Pécheux, Alice Boulet, Madeleine Dechavassine, Lucienne Despouy, Madeleine Doiret, Adrienne Hardenberg, Madeleine Galesloot, Angèle Girard, Jeanne Guyot, Marguerite Joséphine Houdart, Suzanne Maillard, Lucie Mansuy, Vittoria Nenni-Daubeuf, Yvonne Picard, Renée Pitiot, Jacqueline Quatremaire, Raymonde Salez, les sœurs Carmen Serre/« Renée Lymber » et Lucienne Serre-Thévenin.
Étant libérée, Gisèle retourne retourne dans le petit logement et, comme les policiers n’ont pas découvert la soupente, elle en retire les livres et les brochures qu’elle brûle un à un dans le poêle.
Le 13 juillet, le commissaire principal David demande au service de l’identité judiciaire de mesurer et photographier (méthode Bertillon) soixante-quatre personnes de l’affaire Tintelin détenues au Dépôt ; Jean Pottier passe devant l’appareil le lendemain, 14 juillet.
Le 22 juillet, un cadre policier de la préfecture transmet « une copie de la procédure “Tintelin et autres” au secrétaire Mulheisen, SD, chambre 215, 11 rue des Saussaies ».
Le 5 août 1942, trois membres de la M.O.I. (Main-d’Oeuvre immigrée) lancent deux grenades sur des militaires allemands qui s’entraînent au stade Jean-Bouin (Paris 16e) : deux d’entre eux sont tués, et vingt sont blessés, dont cinq grièvement. Cet attentat, est le plus meurtrier commis à Paris durant l’Occupation.
Le 10 août, par mesure de représailles, Carl Oberg, chef supérieur de la SS et de la police (HSSPf) en France décide l’exécution de quatre-vingt-treize otages sélectionnés en différents lieux de détention ; pour différentes raisons, cinq ne pourront pas l’être.
Le même jour, 10 août 1942, Lucie Pécheux est transférée du Dépôt au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis) – premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122 -, en même temps que 21 autres femmes de la même affaire. Elle y est enregistrée sous le matricule n° 612. Ses compagnes la surnomment “Lucette” (il y a parmi elles une autre “Lulu” : Lucienne Thévenin).
Le lendemain 11 août, après avoir été rassemblés pendant la nuit au fort de Romainville, 88 hommes sont conduits au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour y être fusillés dès l’aube ; parmi eux, trente hommes extraits du Dépôt, des membres du réseau des imprimeurs et de celui de jeunes communistes parisiens (Affaire Ambroise/Tintelin), dont Jean Pottier, René Despouy, Gustave Pitiot et Arthur Tintelin… [en tout, quatorze maris ou fiancés de futures “31000”]. Les corps sont incinérés au crématorium du Père Lachaise et les urnes funéraires dispersées dans différents cimetières.
Ce jour-là, le journal collaborationniste Le Matin publie un « Avis » signé d’un responsable SS : « Malgré plusieurs avertissements, le calme a de nouveau été troublé sur certains points de la France occupée. Des attentats ont été perpétrés contre des soldats allemands par des terroristes communistes à la solde de l’Angleterre. […] J’ai en conséquence, fait fusiller 93 terroristes qui ont été convaincus d’avoir commis des actes de terrorisme ou d’en avoir été complices ».
Au fort de Romainville, Lucie Pécheux confectionne pour sa sœur Marcelle une ceinture brodée avec la citation « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent », extraite des Châtiments, de Victor Hugo.
Le 21 octobre 1942, le tribunal civil de Tours prononce le divorce de Lucie et Camille Pécheux.
Le 22 janvier 1943, Lucie Pécheux fait partie des cent premières femmes otages transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquant « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Mais Betty Jégouzo a confirmé ce départ en deux convois séparés, partis un jour après l’autre du Fort de Romainville.
Lucie Pécheux écrit alors un long message qui parviendra à sa fille Gisèle, peut-être confié à un émissaire avant sa sortie du camp. (ponctuation modifiée dans la transcription)
———–
Le 22. .43
Ma Gigi chérie,
J’ai été bien contente de ta lettre explicative. J’aime mieux savoir tout. Et, tu as raison : si j’avais été là, ça ne se serait pas passé comme ça. Ce qu’il aurait fallu faire, c’était mettre tout de suite le loyer à ton nom. Enfin, c’est fait, ma chérie. Tu as du cran. Pauvre Gigi, tu as eu de la peine. Cela me fait mal de penser que ces sales gens ont profité que tu étais toute seule pour te faire des misères.
Moi qui voulais tant garder les affaires de mon petit Jeannot en souvenir, j’ai du chagrin à chaque fois que j’en parle. C’est terrible, tu sais, de savoir qu’il est mort. Heureusement que les camarades me remontent le moral. Comme je t’ai dit, on est des centaines de femmes qui sont dans mon cas. On les vengera, je te le promets.
Merci à ton père pour son geste ; je vois qu’il ne te laisse pas tomber. Dis-lui qu’il me pardonne ce que je lui ai fait et (que) je ne lui en veux pas. Jean est mort en patriote, et il ne peut lui en vouloir.
Je te dis tout ça parce que, tu vois, nous sommes aujourd’hui à Compiègne. Mais demain nous partons, sûrement pour l’Allemagne.
Ne t’en fais pas ma chérie : nous espérons que la guerre va bientôt finir et que nous reviendrons bientôt.
Sois toujours (…/…) une petite femme sérieuse.
Sitôt que nous pourrons écrire, tu auras des nouvelles.
Fait part à tes grands-parents de la nouvelle, et à toute la famille.
Je pense à vous tous avant mon départ.
Je n’aurais jamais cru que nous serions déportées : faut vraiment que cela aille très mal. J’ai bon espoir que cela ne dure plus longtemps maintenant.
Je suis contente de t’avoir fait de petites choses.
Si tu voyais tous ces hommes qui sont partis, c’est incroyable, par milliers.
Et nous partons 216 femmes.
Allons, ma chérie, embrasse bien papa et maman, ainsi que mes sœurs et frères, belle-sœur et beau-frère, et cousins et cousines, et toutes les amies.
À toi, ma chérie, mes plus tendres baisers et surtout du courage. Je te confie à ton petit Jean.
Et si ton père veut venir te voir chez nous, je lui accorde l’autorisation.
Au revoir ma chérie, ma petit fille que j’aime le plus au monde.
Ta petite mère.
Lulu
———–
Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.
Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites en camions à la gare de marchandises de Compiègne – sur la commune de Margny – et montent dans les quatre derniers wagons à bestiaux d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies.
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen [2], tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
Lucie Pécheux y est enregistrée sous le matricule 31633.
Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.
Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rang de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie policière allemande : vues de trois quarts avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil.
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises.
Lucie Pécheux meurt au Revier [3] de Birkenau vers le 15 février 1943, selon le témoignage de rescapées (les documents établis par l’administration SS du camp et portant son nom ont tous été détruits au moment de l’évacuation des détenus en janvier 1945). “Lucette” a 37 ans.
Le 24 juin 1944, à la mairie du 10e arrondissement (?), Gisèle Pécheux, 21 ans, alors mécanicienne, se marie avec André Dromard, 23 ans, aide-cuisinier.
Gisèle n’apprend la mort de sa mère qu’au retour de ses compagnes de déportation. Le 16 octobre 1945, la secrétaire générale de l’Amicale d’Auschwitz (FNDIRP) signe un certificat selon lequel Lucie Pécheux est décédée au camp d’Auschwitz ainsi que l’attestent des témoignages de Renée Pitiot (31629) et de Madeleine Doiret (31644), prises dans l’affaire Tintelin et ses suites, rescapées du convoi ; sans qu’une date soit mentionnée.
Le 18 avril 1946, la direction du bureau national des recherches du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) lui délivre un certificat selon lequel sa mère n’a pas été rapatriée « à ce jour ».
Le 23 juillet suivant, Christiane Charua (31650) et Madeleine Dechavassine (31639) – également prises dans l’affaire Tintelin et rescapées du convoi – complètent et signent chacune un formulaire à en-tête de l’Amicale d’Auschwitz selon lequel Lucie Pécheux est décédée au camp d’Auschwitz à la date de « mars 1943 ».
Le 3 septembre 1947, Hélène Lable (72 ans) complète et signe un formulaire de demande de régularisation de l’état civil d’un “non-rentré” et un formulaire d’inscription de la mention “Mort pour la France” sur l’acte de décès de sa fille ; à la rubrique “motif de l’arrestation”, elle complète « Otage par mesure de représailles ». La commission de contrôle de |’Indre-et-Loire du ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre accorde la mention le 10 octobre 1947.
Le 1er juin 1948, Hélène Lable complète et signe un nouveau formulaire de demande de régularisation de l’état civil d’un “non-rentré” ; cette fois-ci, à la rubrique “motif de l’arrestation”, elle complète « hébergement d’un illégal ». Le formulaire est renvoyé pour elle au ministère par son fils Albert, qui habite rue des Cerisiers à Tours.
Le 25 août suivant, l’officier de l’état civil au ministère des ACVG dresse l’acte officiel de décès de Lucie Lable « sur la base des éléments d’informations figurant au dossier du de cujus » et en fixant la date en « mars 1943 ».
Le 21 novembre 1949, le secrétariat d’État aux Forces armées-Guerre établi un nouveau certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (RIF).
En 1950, sa tante Marcelle offre la ceinture brodée par sa mère à Maurice Thorez pour son cinquantième anniversaire.
Le 29 mai 1956, le service liquidateur du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France établit une attestation selon laquelle Lucie Pécheux a été arrêtée par la police française « sur dénonciation pour avoir hébergé gratuitement les résistants clandestins René Despouy et Jean Pottier, qui furent fusillé sur ordre du commandant allemand du “Gross Paris” pour leur action contre l’occupant. Jean Pottier avait entre autres participé à la manifestation de la rue de Buci qui avait pour but de dresser la population contre l’occupant. Madame Pécheux a donc bien été arrêtée le 18.6.1942, puis internée et déportée pour avoir contribué à la dite action antiallemande en hébergeant l’un des participants armés, le FTPF Jean Pottier ».
Le 11 janvier 1957, le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre délivre à Gisèle (ayant cause) la carte de déporté résistant établie au nom de sa mère (n° 2001 30.091).
Par le décret du 3 juin 1960, Lucie Lable (sic) – considérée comme Combattant volontaire de la Résistance – est décorée de la Médaille militaire à titre posthume.
Notes :
[1] Adèle (Pehtl) Salomon, âgée de 33 ans, est déportée à Auschwitz-Birkenau le 25 septembre 1942 par le convoi n° 37 au départ de Drancy avec ses vieux parents (70 ans), tous trois domiciliés au 60, rue Saint-Sabin à Paris 11e. Selon la liste :
488 – Pauline SALOMON, née Schwartz en 1872 à Jassy (Roumanie), sans profession,
489 – Avram SALOMON, né en 1872 à Jassy, sans profession,
490 – Pehtl SALOMON, née en 1909 à Jassy, célibataire, couturière
(source : site du Mémorial de la Shoah).
[2] L’affaire de la rue de Buci : le 4 avril 1942, le Parti communiste clandestin assigne comme but à l’Organisation spéciale (OS) « d’organiser des manifestations contre le rationnement, d’envahir en masse les restaurants et épiceries de luxe et de partager les vivres ». Le 31 mai suivant (anniversaire de la Commune de Paris), un magasin d’alimentation Eco implanté à l’angle de la rue de Buci et de la rue de Seine (Paris 6e) est envahi par des militantes pour une distribution de boîtes de conserve aux ménagères qui font la queue. Une bagarre avec les employées s’ensuit et la police intervient ; deux gardiens de la paix municipaux sont abattus au revolver par les hommes d’un groupe de protection. La police arrête une vingtaine de personnes dont Madeleine Marzin, qualifiée de « meneuse » et quelques hommes ; l’événement est qualifié par les autorités d’« attentat terroriste ». (sources : Wikipedia ; Jean-Marc Berlière, Polices des temps noirs, France 1939-1945, Perrin 2018, pages 189, 873, 986, 1262 ; http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article120797, notice MARZIN Madeleine, Marie par Jacques Girault, Daniel Grason, Jean Maitron).
[3] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.
[4] Revier, selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.
Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 225.
Archives départementales de la Nièvre, site du Conseil départemental, archives en ligne : registre d’état civil de Nevers NMD, année 1925 (4 E 194/174), acte n° 163 (vue n° 28/243).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : archives des Renseignements généraux de la préfecture de police (consultation sur écran), brigade spéciale anticommuniste, Affaire Tintelin Arthur Henri (GB 36, vues 290 à 301 / 563 à 564, et vue 574 pour Gisèle Pécheux) ; notes diverses du dossier Ambroise (G B 36), note pour la libération de Gisèle.
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de LABLE Lucie, Andrée (21P 471.130), recherches de Ginette Petiot (message 12-2018).
Archives communales d’Ivry-sur-Seine, fonds Thorez-Vermeersch.
Corinne Dromard-Abspoel, sa petite-fille (messages 11 et 12-2018).
Jackie Lable, son neveu, fils de son frère Albert (message 01-2020).
MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 7-08-2024)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).