Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Fabienne Frédérique Landy naît le 27 avril 1921 à Villefranche-sur-Cher (Loir-et-Cher), fille de Constant Eugène Landy, 28 ans, employé à la Compagnie de Chemin de fer du Paris-Orléans, et d’Isabelle Louise Leloup, 21 ans, son épouse. Fabienne est l’aînée de ses deux frères, Gaëtant Henri, né en 1926, et Robert Gabriel, né le 19 février 1930, tous deux à Villefranche, et de sa sœur Sonia Simone, née en 1932 à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire – 37).

En 1931, la famille habitait déjà au 28 cité Jean-Jaurès, dans cette commune. En 1936, la famille est domiciliée au 26 rue Émile-Zola, toujours à Saint-Pierre.

À l’issue de ses études, Fabienne est sténodactylo.

Dès avant la guerre, elle est sympathisante du parti communiste.

En 1942, elle est active dans la lutte clandestine au sein du Front national [1] : elle tape des tracts clandestins à la machine à écrire. Avec Line Porcher (voire ce nom), elle “partage” cette machine : par précaution, celle-ci est cachée tantôt chez l’une tantôt chez l’autre.

Au cours de cette année 1942, à la suite d’arrestations effectuées dans la région parisienne, qui décapitent une partie de la direction nationale du Parti communiste clandestin, les policiers français découvrent certains documents leur révélant l’organisation et l’activité de responsables tourangeaux. L’arrestation de ceux-ci et les perquisitions opérées par la “Gestapo” amènent la saisie de la presque totalité des listes de membres du PC, ainsi que le rôle distribué à chacun au sein de l’organisation. Ces découvertes sont la base d’une série d’arrestations massives échelonnées sur juillet et août 1942, à la suite desquelles un grand nombre de communistes, militants ou simplement sympathisants, sont appréhendés.

Le 23 juillet 1942, Fabienne Landy est arrêtée chez ses parents par la police allemande.

Elle est détenue à la Maison d’arrêt de Tours, rue Henri-Martin.

À l’aube du 6 novembre 1942, Fabienne Landy est parmi les dix-sept prisonnières extraites de leurs cellules pour monter dans deux cars stationnant devant la prison. Dans l’un d’eux se trouve déjà Marcelle Laurillou, restée détenue depuis deux mois à l’école prison Michelet .

Les véhicules s’arrêtent rue de Nantes et les dix-huit détenues sont menées dans la gare de Tours par une porte annexe, échappant ainsi aux regards de la population. Sur le quai, des soldats allemands montent la garde devant le wagon à compartiments où elles doivent prendre place.

Tours, la gare de la ligne Paris-Orléans (P.O.) dans les années 1920. La porte de service par laquelle les Tourangelles ont été conduites vers un train se trouve au fond de la rue de Nantes, à droite. Carte postale colorisée, collection Mémoire Vive.

Tours, la gare de la ligne Paris-Orléans (P.O.) dans les années 1920.
La porte de service par laquelle les Tourangelles ont été conduites vers un train se trouve au fond de la rue de Nantes, à droite.
Carte postale colorisée, collection Mémoire Vive.

À midi, leur train s’arrête à la gare d’Austerlitz, à Paris. On les fait entrer dans une petite salle d’attente équipée de bancs, où des bénévoles de la Croix-Rouge distribuent à chacune un bol de bouillon “Kub” et une tranche de pain noir. Un agent de police française est là pour les accompagner aux toilettes.

Après une attente de plusieurs heures, les prisonnières – toujours encadrées par des soldats – doivent monter dans deux autobus de la STCRP (future RATP).

Dans la soirée, elles arrivent dans la brume au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122.

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122), surplombée par un mirador. © Musée de la résistance nationale (MRN), Champigny-sur-Marne (94).

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

À la Kommandantur du camp, derrière le portail d’entrée, Fabienne Landy est enregistrée sous le matricule 1179. Puis les Tourangelles sont conduites en contrebas du fort. Les gardiens leur annoncent qu’il est trop tard pour les installer dans le bâtiment de caserne : elles seront enfermées dans une casemate pour la nuit. Il est également trop tard pour leur donner à manger : à cette heure, il n’y a plus rien aux cuisines. Mais d’autres prisonnières ayant appris leur arrivée obtiennent l’autorisation de leur apporter des biscuits extraits de leurs propres colis et de la tisane chaude, qui leur procurent surtout un réconfort moral. Dans ce local souterrain humide et glacé, elles ne parviennent pas à dormir.

Le lendemain, elles sont conduites au premier (?) étage du bâtiment. Exceptées trois militantes communistes qui sont intégrées aux premières internées, les Tourangelles rejoignent la chambrée du fond.

Au cours du mois de janvier, un photographe civil des Lilas est amené dans le périmètre de promenade pour y réaliser des portraits des détenu(e)s devant un drap blanc tendu sur les barbelés, chacun(e) étant identifié(e) par une réglette indiquant son matricule.

Selon le registre du camp, le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en cars au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22,1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain (?), Fabienne Landy fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris).

Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites en camions découverts à la gare de marchandises de Compiègne, sur la commune de Margny, et doivent grimper dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

TransportAquarelle

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen [2], tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été brutalement descendues et alignées par cinq sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…). © Gilbert Lazaroo, février 2005.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Parvenues à une baraque d’accueil, une première moitié des déportées est emmenée vers la “désinfection” et l’enregistrement ; en l’occurrence essentiellement les occupantes de la chambrée “communiste” de Romainville, probablement en fonction de leur numéro d’enregistrement dans ce camp. L’autre groupe, incluant les Tourangelles, parmi lesquelles Fabienne Landy, passe la nuit à attendre, assis sur les valises, adossé aux planches de la paroi.

Le lendemain, dans ma matinée, ce deuxième groupe reçoit la visite de Mala Zimetbaum, dite « Mala la Belge », détenue arrivée en septembre 1942 (matricule n° 19880) devenue interprète et coursière (Läuferin). Après s’être présentée, celle-ci leur conseille, entre autres : « Surtout n’allez jamais au Revier (hôpital [3]), c’est là le danger. Je vous conseille de tenir jusqu’à l’extrême limite de vos forces. (…) Perdez-vous dans la masse, passez le plus possible inaperçues. »

Fabienne Landy est enregistrée sous le matricule 31784. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rang de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois quarts, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Fabienne Landy a été retrouvée, puis identifiée par des rescapées à l’été 1947 [4]).

La jeune fille entre au Revier de Birkenau après avoir contracté la diarrhée, sans être pourtant très gravement atteinte. Ses compagnes Hélène Solomon, infirmière au Revier, et le docteur Hautval essaient de lui venir en aide. Mais Fabienne est transférée au Revier du camp des hommes où le médecin SS lui fait une piqûre intra-cardiaque de phénol. Elle meurt le 25 février 1943, selon le témoignage de ses compagnes.

Début mai 1945, sa famille apprend sa mort par Hélène Fournier, seule rescapée parmi les dix-huit Tourangelles.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts 1939-1945 de Saint-Pierre-des-Corps, près de la mairie, au 34 avenue de la République.

Notes :

[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

[2] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

[3] Revier. Selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation KB.

[4] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n° 21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 166.
- Le cahier de Mémoires d’Héléna Fournier, transcrit par sa petite-fille, Carole Toulousy-Michel.
- Site MémorialGenWeb, relevé n° 14485, par Catherine Rouquet (08-2003).

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 17-04-2022)

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