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Hélène Solomon.

Hélène Henriette Langevin naît le 25 mai 1909 à Fontenay-aux-Roses (Seine / Hauts-de-Seine), chez ses parents, Paul Langevin, 37 ans, professeur au Collège de France, et Emma Desfosses 34 ans, son épouse, alors domiciliés au 53 rue Boucicaut. Les témoins pour la déclaration de la nouveau-née à l’état civil sont un autre professeur du Collège de France et un directeur d’école.

Hélène est élevée à Paris avec ses deux frères, Jean Théodore, né le 18 décembre 1899 à Paris 5e, André Jacques, né en 1901 à Palaiseau (Seine-et-Oise), et sa sœur, Madeleine, Marie, née le 29 janvier 1903 à Paris 13e, chez ses parents, alors domiciliés au 21 boulevard Saint Marcel.

En 1926, la famille est installée au 10 bis boulevard de Port-Royal à Paris 5e. Hélène commence par fréquenter l’école communale de la rue Monge, puis va au lycée Fénelon qu’elle quitte après avoir obtenu son diplôme de fin d’études secondaires.

À partir de 1927, la famille habite au 10 rue Vauquelin, un logement de fonction au sein de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris, qui forme des ingénieurs dans ces spécialités, et dont Paul Langevin est directeur depuis 1925, y faisant progresser la recherche et la science fondamentale.

Le 24 juillet 1929, à Paris 5e, étant étudiante, Hélène épouse Jacques Iser Solomon, né le 4 février 1908 à Paris 18e, alors étudiant en médecine ; plus tard, celui-ci sera chargé de recherche en Physique théorique au Centre national de la recherche scientifique. Les témoins au mariage sont Antoine Béclère, pionnier de la radiologie et de la radiothérapie, membre de l’Académie de Médecine, et Georges Urbain, professeur de Chimie à La Sorbonne, membre de l’Institut.

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Jacques Solomon. Photo d’un passeport.

En 1934, Jacques Solomon adhère au Parti communiste. Il enseigne à l’Université ouvrière et collabore aux Cahiers du Bolchevisme ainsi qu’à L’Humanité. Il est l’un des secrétaires de l’Union des intellectuels français pour la justice, la liberté et la paix. Le couple habitera au 3, rue Vauquelin à Paris.

Le 30 octobre 1940, le père d’Hélène, Paul Langevin, alors âgé de 68 ans, est arrêté dans son bureau de l’École supérieure de physique et de chimie sur ordre du Sturmbannführer Karl Bömelburg, ou Boemelburg, chef de la section IV (Gestapo) de la police de sûreté allemande à Paris (désigné comme « conseiller »), et emprisonné 38 jours au secret à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Les protestations, la manifestation des étudiants devant le Collège de France le 8 novembre 1940 (« Libérez Langevin »), font réfléchir les Allemands, qui le relâchent le 15 décembre 1940 et le placent en résidence surveillée à Troyes (Aube).

En 1942, Hélène et son mari font partie du Front national universitaire : rédaction de L’Université libre – qui paraît depuis novembre 1940 et qui en est à son 50e numéro – de La Pensée libre ; un numéro de cette dernière publication est en préparation lors de leur arrestation.

Le 1er mars 1942, Jacques Solomon est arrêté à Paris. Il était filé par les policiers des brigades spéciales de la préfecture de police depuis l’arrestation de Georges Politzer, le 14 février précédent. Hélène est arrêtée le lendemain, au moment où elle retire de la consigne de la gare Saint-Lazare une valise qu’elle y a portée la veille, préparatifs pour déménager d’urgence, à cause des arrestations qui se succèdent depuis deux semaines dans leur groupe.

Le 10 mars, après quelques jours dans les bureaux des Renseignements généraux, Hélène est conduite au dépôt. Le 23 mars, elle est transférée à la Maison d’arrêt de la Santé, au secret.

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Photo anthropométrique prise le 17 mars 1942.
Arch. de la préfecture de police. Droits réservés.

Le 23 mai, Jacques Solomon est fusillé au fort du Mont-Valérien avec Georges Politzer ; Hélène est autorisée à lui dire adieu dans la prison.

Le 24 août 1942, Hélène fait partie des détenues – dont trente-cinq futures “31000” – transférées au camp allemand du fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis). Elle y enregistrée sous le matricule n° 685, juste devant Marie-Claude Vaillant-Couturier.

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122), surplombée par un mirador. © Musée de la résistance nationale (MRN), Champigny-sur-Marne (94).

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122), surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Le 22 janvier 1943, Hélène Solomon fait partie des cent premières femmes otages transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquant « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

TransportAquarelle

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…). © Gilbert Lazaroo, février 2005.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Hélène Solomon y est enregistrée sous le matricule 31684. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil.

Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Le Block 26, en briques, dans le sous-camp B-Ia de Birkenau ; perspective entre les châlits. La partie inférieure, au ras du sol, est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues. Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible de s’assoir. Photo © Mémoire Vive.

Le Block 26, en briques, dans le sous-camp B-Ia de Birkenau ; perspective entre les châlits.
La partie inférieure, au ras du sol, est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues.
Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible de s’assoir.
Photo © Mémoire Vive.

Au début de février 1943, une Polizei passe dans les rangs pendant l’appel du matin, et demande s’il y a parmi les “31000” des biologistes ou des chimistes. Hélène Solomon se désigne, comme quatre autres.

Le 21 mars 1943, elle est transférée de Birkenau au Stabsgebaude, près d’Auschwitz-I, pour être affectée au Kommando de « sélection des plantes » de Raïsko en formation, qui, à partir de juillet 1943, loge à Raisko même.

Hélène Solomon et Madeleine Dissoubray (31660) sont plus spécifiquement affectées au laboratoire de botanique, avec Claudette Bloch, où elles doivent réaliser des coupes transversales de racines de kok-saghyz – pissenlit de Russie devant permettre la fabrication de caoutchouc – et sélectionner les sujets possédant le rendement le plus élevé.

En janvier 1944, huit “31000” de Raïsko sont transférées au KL Ravensbrück, camp de femmes.

Le 4 août, elles sont rejointes par les trente-cinq qui sont passées par la quarantaine de Birkenau.

Le 14 août, Hélène Solomon fait partie des sept dernières “31000” de Raïsko transférées aussi à Ravensbrück, où elles arrivent le 16 août, sans être inscrites comme “NN”.

En octobre 1944, Hélène est envoyée comme infirmière aux usines Bosch, à Dreilinden, près de Berlin, se trouvant alors séparée de ses camarades “31000”.

À la suite des bombardements sur la capitale et sa banlieue, ce Kommando est replié sur le KL Oranienbourg-Sachsenhausen le 18 avril 1945.

Quelques jours plus tard, l’évacuation de ce dernier camp commence. Les déportés partent sur les routes en direction du nord, dans un couloir qui se rétrécit entre le front russe à l’est et le front allié à l’ouest. Escortés par les SS qui tuent les traînards, les prisonniers parcourent une dizaine de kilomètres par jour, laissant leurs morts dans les fossés et sur les routes.

Le 3 mai, les SS disparaissent. Hélène Solomon et un petit groupe de Françaises vont devant elles et rencontrent des soldats français qui les prennent en charge. Inutile de continuer à marcher ; il faut attendre l’armistice. Elles attendent dans un cantonnement américain, un ancien camp de vacances de la Jeunesse hitlérienne transformé en centre d’accueil.

Le 8 mai, la radio annonce la capitulation du IIIe Reich signée par le haut commandement des forces armées allemandes. Les déportées peuvent se mettre en route. Par camion, elles gagnent une gare d’où elles prennent un train qui traverse la Hollande et les dépose à Lille le 14 mai 1945 au soir. Centre d’accueil : formalités de rapatriement, vestiaire, carte d’identité, prime de rapatriement (200 marks).

Hélène réussit à téléphoner à ses parents, qui l’attendent à la gare du Nord le lendemain. Quand elle apparaît, elle provoque un court instant de stupeur : en Allemagne, elle avait pris une capote gris-mauve de la Luftwaffe et des bottes d’uniforme allemand, car il faisait très froid cette année-là au mois de mai ; il a même neigé le 1er mai.

Le 21 octobre 1945, Hélène Solomon est élue députée communiste de Paris à l’Assemblée constituante – elle compte parmi les 33 première femmes députées – puis est réélue en juin 1946. Mais, très éprouvée par la déportation, elle doit renoncer à se présenter, en novembre de la même année, aux élections législatives, et c’est seulement en 1948 qu’elle peut reprendre une activité professionnelle en entrant comme bibliothécaire au Centre de documentation du CNRS.

Le 13 décembre 1947, elle témoigne à Cracovie (Pologne) au procès de quarante gardiens d’Auschwitz, dont Maria Mandel (Après Auschwitz n°18, déc.1947)

Le 29 octobre 1958, à Paris 5e, Hélène Solomon se remarie avec André Parreaux.

En 1965, interrogée par Ch. Delbo, elle souffre encore – et de plus en plus – d’une très forte asthénie, d’une grande fatigabilité, d’arthrose cervicale et lombaire, de décalcification.

Hélène Parreaux décède le 16 janvier 1995.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 269.
- Site Wikipedia : Jacques Solomon, Hélène Langevin.
- Auschwitz 1940-1945, Les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, ouvrage collectif sous la direction de Wacław Długoborski et Franciszek Piper, éd. du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, Pologne, version française 2011, volume IV, La Résistance, Henryk Swiebocki, pages 134 à 136.
- Chochana Boukhobza, Les femmes d’Auschwitz-Birkenau, éditions Flammarion, mars 2024, chapitre La musique et la mort, pages 281-283 : Les femmes de Rajsko.
- Pépita T., message correctif (07-2020).

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 1-07-2024)

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