- Louise Loquet.
Orpheline à 8 ans
Née le 30 avril 1900 à Plouray, dans le Morbihan, Louise Le Du se retrouve orpheline à l’âge de 8 ans, avec trois frères. Ils sont les survivants d’une fratrie de huit enfants. Le frère ainé doit travailler à douze ans, Louise tient la maison. Les enfants essaient de gagner un peu d’argent.
Militante du Parti communiste dès la fin des années 20
À vingt ans, Louise part à Paris où elle trouve à se placer, puis elle travaille en usine, comme soudeuse sur des accumulateurs de batteries, travail très dur.
En 1927, Louise épouse Lucien Loquet, ouvrier électricien et membre du Parti Communiste. Elle adhère au Parti. De leur union, une fille naît en 1928.
La Résistance
Louise et son mari, entrent dans la Résistance communiste dès le début de l’occupation. Ils ont une machine à écrire et Louise rédige des tracts.
Son arrestation
Le 30 novembre 1942, Louise ne rentre pas à la maison, son mari et sa fille comprennent tout de suite. Louise a été arrêtée place Clichy lors d’une distribution de tracts.
Deux jours plus tard, la Gestapo perquisitionne le logement en vain. Lucien Loquet est arrêté à son tour, mais relâché.
Avec sa fille, ils font le tour des prisons à sa recherche, jusqu’à ce qu’une carte, datée du 20 décembre 1942, leur apprenne que Louise est internée au fort de Romainville. Elle y est enregistrée le 21 décembre sous le matricule n° 1335.
Auschwitz
Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).
Le lendemain, Louise Loquet fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.
Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.
Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
- Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.
Louise Loquet y est enregistrée sous le matricule 31797. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.
Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.
Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil.
- Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943,
selon les trois vues anthropométriques de la police allemande.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.
Les rescapées du convoi ne savent pas quand est morte Louise. Celle-ci ayant disparu à leurs yeux peu après l’arrivée du convoi du 24 janvier, elles supposeront que Louise, ayant de grosses varices, n’a pas dû tenir longtemps lors des appels interminables. Cependant, selon l’acte de décès du camp, Louise Loquet meurt le 10 avril 1943.
Aucun témoignage
Après la libération, la fille de Louise, alors âgée de 17 ans, recherche sa mère : l’Hôtel Lutétia, les gares, l’aérodrome du Bourget, la Croix-Rouge, les associations de déportés… jusqu’à un jour de décembre 1946, où elle rencontre Marie-Claude Vaillant-Couturier au bureau de l’Amicale d’Auschwitz qui lui révèle la vérité.
Charlotte Delbo témoigne : « Les parents de nos camarades mortes à Birkenau, leurs fils et leurs filles surtout, sont atteints comme d’une blessure seconde parce que nous, les survivantes, ne pouvons leur dire comment elles sont mortes. »
Charlotte explique : « Les femmes de plus de quarante ans restaient entre elles, dès Romainville, où la turbulence, la légèreté des jeunes les impatientaient souvent. Or les survivantes se trouvent en majorité chez celles qui avaient moins de trente-huit ans. Des petits groupes, formés de femmes plus âgées, ont disparu en entier. Pas une n’est revenue pour témoigner. »
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965, pages 184-186 (réédition 1998).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 738 (18428/1943).
MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 20-05-2012)
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