Photo anthropométrique prise le 17 mars 1942
par le service de l’identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de Police (APP), Paris.

Marie LESAGE est née le 13 janvier 1898 à Doville dans la Manche, dans une famille nombreuse de petits cultivateurs.

Résistante au Front National [1]

Avant la guerre, Marie est une sympathisante communiste.

Pendant l’occupation Marie reçoit et héberge des combattants du Front national avec qui elle avait été mise en contact par l’intermédiaire de son beau-frère, Pierre, dit Paul, Vastel [2], gardien du cimetière d’Equeurdreville.

Une arrestation en lien avec l’affaire Pican-Cadras

Le 18 février 1942, on annonce la visite d’un responsable de Paris. Un camarade de Cherbourg va le chercher à la gare (chacun avait un morceau du passe « Cher » – « Bourg ») et le conduit chez Marie Lesage, qui tient un café rue Gambetta à Equeurdreville, dans la banlieue de Cherbourg. Le « camarade responsable » était un policier. [3]

Transférée à Paris pour l’interrogatoire aux Renseignements généraux, Marie Lesage est gardée au dépôt jusqu’au 23 mars 1942, puis emprisonnée à la Santé – au secret – jusqu’au 24 août 1942, et internée à Romainville jusqu’au départ.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Mais Betty Jégouzo confirme ce départ en deux convois séparés, partis un jour après l’autre du Fort de Romainville. Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise. Marie Lesage y est enregistrée sous le matricule 31671. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie appliqués par la police allemande : vues de trois-quart, de face et de profil.

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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Marie Lesage disparaît au regard de ses camarades quelques jours après l’arrivée, d’après Charlotte Delbo. Elle meurt à Birkenau le 19 mars 1943, selon l’acte de décès du camp.

Ses parents apprennent sa mort par les rescapées du convoi.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 180.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 712 (15989/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 15-05-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN” et toujours existante).

[2] Paul Vastel : arrêté le 14 août 1942, il est fusillé à Saint-Lô en octobre suivant.

[3] L’affaire Pican-Cadras  : l’arrestation de Marie Lesage a été rendue possible par des enquêtes de police menées d’abord en région parisienne : En effet, le 21 janvier 1942, les Renseignements Généraux repèrent André Pican, cadre important du PC clandestin, à Paris. Cela va entraîner une longue série de filatures débouchant sur plus d’une centaines d’arrestations de militants communistes, parmi lesquelles celle de Félix Cadras, secrétaire à l’organisation pour la zone occupée, qui centralise à son domicile clandestin les documents permettant d’établir des contact avec la province. Le jour de son arrestation, les inspecteurs des RG trouvent ces documents, et notamment toute une série de “passes” sur lesquels des adresses ou des rendez-vous sont notés. Ces passes sont transmis à des inspecteurs en province, entraînant la chute d’autres résistants. Certaines futures 31000 seront arrêtées de la même manière, comme Madeleine Dissoubray et Alida Delasalle de Rouen.