Photo anthropométrique prise le 17 mars 1942 par le service de l’identité judiciaire. © Archives de la Préfecture de Police (APP), Paris.

Photo anthropométrique prise le 17 mars 1942
par le service de l’identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de Police (APP), Paris.

Louise Magadur naît le 21 avril 1899 à Pont-Croix (Finistère), quatrième d’une famille de six enfants. Famille bretonne depuis deux siècles au moins. Son père, meunier, exploite une petite ferme attenante au moulin.

Après l’école communale à Pont-Croix et le certificat d’études, elle apprend le métier de couturière.

Elle vient à Paris en 1924, essaie divers gagne-pain et économise pour se payer des cours de coiffure.

En 1942, elle exploite seule un petit salon de coiffure, dans le 12e arrondissement.

Militante du parti communiste avant la guerre, elle est alors au Front national [1]. Elle héberge des militants, sert de boîte à lettres, grime, en leur teignant cheveux, barbe et sourcils, ceux qui doivent se rendre méconnaissables, distribue des tracts (à la Foire du Trône, par exemple), s’occupe de colis aux prisonniers de guerre, d’entr’aide aux familles de prisonniers dont les femmes vont manifester rue de Lille, devant l’ambassade d’Allemagne, pour réclamer des nouvelles.

Le 9 mars 1942, elle est arrêtée chez elle, par la police française des brigades spéciales, à la suite de Chassefière, un militant à qui elle avait servi de témoin lorsqu’il s’était fait établir une carte d’identité deux ans auparavant. Par ce lien son arrestation s’inscrit dans la suite de l’affaire Pican Cassedane qui a vu tomber un grand nombre de responsables communistes entre février-mars 1942, dont un grand nombre de futures “31000”. Interrogée, elle nie ; les policiers trouvent chez elle des tracts prêts à être distribués.

Paris. La préfecture de police vue depuis Notre-Dame. Carte postale des années 1900 (le bâtiment est alors la caserne de la Garde républicaine). Coll. Mémoire Vive.

Paris. La préfecture de police vue depuis Notre-Dame.
Carte postale des années 1900 (le bâtiment est alors la caserne de la Garde républicaine). Coll. Mémoire Vive.

Comme beaucoup de “31000” arrêtées dans cette affaire, c’est le Dépôt jusqu’au 30 avril, puis au secret à la Maison d’arrêt de La Santé jusqu’au 24 août 1942, date à laquelle, elle est transférée au fort de Romainville.

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122), surplombée par un mirador. © Musée de la résistance nationale (MRN), Champigny-sur-Marne (94).

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Chassefière est fusillé le 21 septembre 1942 au Mont Valérien avec 45 de ses compagnons détenus au fort de Romainville.

À Romainville, quand elle obtient le droit d’écrire et de recevoir des lettres, Louise Magadur en reçoit deux : la première lui annonce la mort de sa sœur, la seconde celle de sa mère, morte de chagrin. Le commandant du fort ne lui ayant pas accordé le droit d’écrire tout de suite à son père (on pouvait écrire deux fois par mois !), les gens de Pont-Croix disent qu’elle ne s’est pas dérangée pour l’enterrement de sa mère.

Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

D’après le témoignage de Charlotte Delbo, un soir en rentrant des marais, elle veut quitter les rangs pour puiser de l’eau au ruisseau. Un SS la pousse dans l’eau, l’y roule, puis lâche contre elle son chien qui la mord à la jambe. Elle entre au Revier [2] avec un gros abcès qui s’est infecté. Puis elle est victime du typhus. Par miracle, Louise peut rejoindre ses camarades en quarantaine le 3 août 1943.

Louise suit ses camarades rescapées, le 4 août 1944 à KL Ravensbrück puis le 5 mars 1945 au KL Mauthausen, où elle est libérée à Mauthausen le 22 avril 1945.

Six mois après son retour, Louise Magadur doit rouvrir son salon de coiffure afin de gagner sa vie. Ne pouvant rester longtemps debout du fait de sa jambe blessée qui est restée infirme, elle engage une ouvrière. Cauchemars et angoisses ne cessent jamais pour elle.

Elle prend sa retraite en 1961.

Homologuée “caporal” dans la Résistance intérieur française (R.I.F.), Louise Magadur décède le 12 mai 1992.

À son retour, Louise Magadur était la doyenne des rescapées du convoi : la seule née avant 1900 qui soit rentrée.

 

Notes :

[1] Front National : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les Lilas : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Le Revier, selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation KB.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 188.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : affaires traitées par la BS 2 (GB 103), dossier.
- Thomas Fontaine, Les oubliés de Romainville, un camp allemand en France (1940-1944), avec le concours du Conseil général de Seine-Saint-Denis, éditions Tallandier, 2005, pages 74 à 86.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrit, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué) ; 120 actes retrouvés pour les « 31000 » ; tome 3, page 1060 (12799/1943).
- Auschwitz 1940-1945, Les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, ouvrage collectif sous la direction de Wacław Długoborski et Franciszek Piper, éd. du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, Pologne, version française 2011, volume IV, La Résistance, Henryk Swiebocki, pages 134 à 136.

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 11-08-2024)

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