- Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Marguerite Maurin naît le 14 janvier 1906 à Moings (Charente-Maritime [1] – 17). Ses parents sont boulangers à Jarnac-Champagne, où Margot va à l’école communale jusqu’au certificat d’études, puis à Javrezac. Elle a une sœur et deux frères.
En 1927, à Cognac (Charente – 16), elle épouse Lucien Vallina, né le 4 mars 1906 à Bolivar en Espagne, venu en France à l’âge de quinze ans. À force de volonté et de sacrifices, après avoir travaillé comme bûcheron, celui-ci – passionné de mécanique – a acquis le métier plus qualifié de chauffeur poids-lourd.
Margot et Lucien ont trois enfants : Jean, né le 10 juillet 1926 à Cognac, Lucienne née en 1928 et Serge, né en 1934. Au moment de leur arrestation, les Vallina habitent rue des Bouthiers à Cognac.
En 1934, après l’avènement de la République en Espagne, Lucien y amène sa famille.
Deux ans plus tard, quand le général Franco déclenche la guerre civile, Lucien Vallina s’engage dans l’armée de la République où il devient aviateur. Quand l’avancée franquiste réduit les territoires républicains, Margot rentre en France avec ses enfants, tandis que son mari continue la guerre jusqu’au bout. Après son retour à Cognac, Margot recueille chez elle des réfugiés espagnols avec qui elle partage le peu qu’elle a, étant femme de ménage. Après les ultimes combats mené par l’armée du Frente Popular, Lucien Vallina fait partie des nombreux soldats républicains qui sont arrêtés à leur passage à la frontière : il est enfermé au camp français de Gurs (Pyrénées-Atlantiques). Multipliant les démarches, Margot réussit à l’en faire sortir.
En 1939, la famille Vallina habite une maison dont l’entrée principale est rue de Boutiers mais qui comporte une deuxième sortie rue de Cherves. La Charente toute proche peut également devenir une issue. La maison est accueillante aux clandestins, chaleureuse pour les couples obligés de se séparer.
Dès le début de l’occupation, Lucien Vallina est du premier groupe de combat, auquel succèderont les Francs-tireurs et partisans (FTP). Il encadre surtout des antifascistes Espagnols.
De son côté, Margot héberge des combattants, transmet les consignes chez Pateau à Saint-André-de-Cognac, chez Guillon, à la ferme de Saint-Sévère, recherche des cachettes pour les armes dans les fermes des Charentes, des abris pour les saboteurs, et c’est ainsi qu’elle envoie des hommes loger à la ferme de son amie d’enfance, Alice Cailbault, fait la liaison avec Annette Épaud à La Rochelle et Paulette Brillouet à Angoulême.
Annette Épaud connaît bien elle-même les Vallina et, en juillet 1942, une sœur de Margot habitant Cognac Saint-Jacques accueille en vacances son fils Claude.
En mai 1942, Margot et Lucien Vallina hébergent Ferdinand Vincent pendant une dizaine de jours. Ce militant communiste vient de plonger dans la clandestinité parce qu’on lui a annoncé qu’il était directement menacé. Les cadres clandestins qui le recrutent lui confient aussitôt des responsabilités au sein de la résistance armée communiste. Les deux hommes se trouvent peut-être des affinités comme anciens combattants d’Espagne. Dans cette période où Vincent est hébergé chez les Vallina, René Michel, responsable interrégional politique de l’organisation clandestine, conduit celui-ci chez Marc Blateau, à Matha, pour aller réceptionner en soirée un parachutage d’armes qui n’a finalement pas lieu. Une autre fois, avec Albert Dupeyron, il s’agit de cambrioler un ferme ; opération qui échoue encore. Fin juin, chargé de réorganiser les FTP du secteur de Jonzac, Ferdinand Vincent (alias Georges) entre en contact avec Roger Peltan, membre du réseau Kléber et chef des groupes FTP de la région, duquel il obtient les coordonnées de certains militants.
Début juillet, Vincent, Michel et Dupeyron effectuent un sabotage de voie ferrée près de Saintes. Le 5 juillet, un déraillement de train a lieu à Taillebourg, 13 km au nord de Saintes (17), et, dans la nuit du 9 au 10 juillet, un autre à Port Hublé, entre Saintes et Chaniers.
À la mi-juillet 1942, vers 6 heures du matin, Ferdinand Vincent arrive chez les Vallina. Il est en fuite après un échange de coups de feu qui lui a permis d’échapper à un piège tendu par le commissaire Poinsot et la Gestapo devant la gare de Jonzac le soir du 8 juillet. Chez les Vallina, il trouve Yves Tasset, responsable militaire de la résistance communiste en Charente, qui s’y cache déjà. Tous deux décident de changer d’endroit et se rendent à la Rochelle. Ferdinand Vincent va se réfugier chez Annette Épaud tandis qu’Yves Tasset monte à Paris.
Le 27 juillet 1942, une note émanant des renseignements généraux indique : « M. Poinsot part ce soir à 23 heures pour les Charentes avec les autorités allemandes et six inspecteurs avec chiens. Ils se proposent d’effectuer une action simultanée à La Rochelle, Saintes, Cognac et d’autres localités, en vue d’arrêter des groupes terroristes. » Policiers français et agents de la Gestapo sont notamment sur les traces du triangle de direction de la résistance communiste en Charente : Jean Barrière, René Michel et Yves Tasset [2]. Ils ont été bien renseignés, puisque les trois responsables interrégionaux ont tenu une réunion chez les Vallina au cours de cette journée, en compagnie du couple Dupeyron.
Le lendemain 28 juillet à 5 heures du matin, les inspecteurs français et la Gestapo arrêtent chez elle toute la famille Vallina [3] : le mari, la femme, le fils aîné, la cadette et le petit dernier.
Au même moment, une escouade de soldats allemands encercle la ferme des Guillon, Les Violettes, sur la commune de Sainte-Sévère, où elle trouve également les Dupeyron qui s’y sont rendus après la réunion de la veille pour y chercher des armes.
Simultanément, d’autres soldats investissent la ferme des Pateau, sur la commune de Saint-André-de-Cognac.
Enfin, un dernier groupe avec des inspecteurs français effectue une perquisition dans le café d’Anne Épaud à La Rochelle en espérant y arrêter Yves Tasset. Celui-ci ne s’y trouve pas, mais ils tombent sur Ferdinand Vincent et un jeune résistant communiste, Lucien Dufès, qui est abattu par les Allemands en essayant de s’enfuir.
Dans la camionnette qui emmène les Vallina à la gendarmerie de Cognac, Margot, dit à l’oreille de sa fille Lucienne, tout en la caressant comme pour la rassurer : « Ils vont te demander si tu connais celui-ci ou celui-là : tu ne connais personne. Si on te les montre, tu ne reconnais personne. » Aussi la petite ne bronche-t-elle pas, même quand le policier lui dit : « Ta mère nous l’a déjà dit. Tu veux qu’on tue ta mère ? »
- Cognac, Maison de correction et gendarmerie, v. 1900.
Carte postale (recadrée), collection Mémoire Vive.
Dans la matinée, Lucienne et Serge – respectivement treize et sept ans – sont remis aux gendarmes qui reçoivent l’ordre de les placer dans un orphelinat. Les gendarmes s’y refusent et finissent par trouver une tante, sœur de Margot, à qui ils confient les deux enfants. Entre temps, Jean Vallina, seize ans, qui participait aux expéditions du groupe de sabotage, voit torturer son père pendant des heures (entre autres, les policiers lui brûlent la plante des pieds).
Margot Vallina est emprisonnée à la caserne Boudet, rue de Pessac à Bordeaux, qui dispose d’une prison militaire, puis au fort du Hâ.
- Bordeaux. La rue du Palais-de-Justice et le Fort du Hâ.
Carte postale des années 1900. Collection Mémoire Vive.
Le 21 septembre 1942, Lucien Vallina est fusillé comme otage au camp militaire de Souge avec Marcel Blateau, Prosper Guillon et son fils Jean, Alexandre Pateau et d’autres époux de futurs “31000”, arrêtés dans d’autres circonstances. Ces représailles massives touchent Bordeaux bien que les actions de la résistance armée qui les déclenchent aient essentiellement été menées à Paris ; comme la dernière, frappant le grand cinéma Rex réservé aux troupes d’occupation (Deutsches Soldatenkino) le 17 septembre à 21h55 et faisant deux morts et dix-neuf blessés. [4]
Le 16 octobre 1942, Margot est parmi les 70 hommes et femmes – dont Ferdinand Vincent et 33 futures “31000” (les “Bordelaises” et les Charentaises) – transférés depuis le Fort du Hâ et la caserne Boudet de Bordeaux au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122.
- L’enceinte du camp allemand était complétée d’un mirador
surplombant la porte depuis l’intérieur de l’enceinte.
Carte postale des années 1900. Coll. Mémoire Vive
Marguerite Vallina y est enregistrée sous le matricule n° 954.
En ce même mois d’octobre, Albert et Ernest Maurin, frères de Margot, sont arrêtés et internés dans un camp en France.
Libéré après l’exécution de son père, Jean Vallina est de nouveau arrêté en novembre 1942.
Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages du Fort de Romainville sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain 23, Margot Vallina fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.
Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [5] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir.
Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
- Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.
Marguerite Vallina y est enregistrée sous le matricule 31732. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.
Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.
Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Margot Vallina a été retrouvée, puis identifiée par des rescapées à l’été 1947).
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive).
- Les châlits du Block n° 26. La partie inférieure, au ras du sol,
est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues.
Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible
de s’assoir. Photo Mémoire Vive.
Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail extérieurs.
La gorge enflée, Margot ne peut bientôt plus ni manger, ni respirer.
Marguerite Vallina meurt à Birkenau à fin février 1943, selon le témoignage des rescapées (l’acte de décès établi par l’administration SS du camp n’a pas été retrouvé, probablement détruit en janvier 1945).
Son fils, Jean Vallina, est déporté au KL Sachsenhausen le 28 avril 1943 (matr. 65317). Il est libéré le 21 avril 1945.
Les enfants apprennent la mort de leur mère en 1947. Jean Vallina, abonné au Patriote Résistant, mensuel de la FNDIRP, y voit la photo anthropométrique d’Auschwitz que l’Amicale d’Auschwitz vient de recevoir et qu’elle publie afin de retrouver la famille.
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 283-285.
René Terrisse, À la botte de l’Occupant. Itinéraires de cinq collaborateurs, Bordeaux, éditions Aubéron, 1998, chap. II, pp. 81-127 (surtout pp. 83 à 95).
Serge Klarsfeld, Le livre des otages, Les éditeurs français réunis, Paris 1979, Les otages de Bordeaux (20.9.1942), pages 174 à 179, et 233 à 246, fiche allemande, page 239-240.
Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
Claude Épaud, fils d’Annette Épaud : messages (pièces jointes) et conversation téléphonique (05-2010).
Concernant Jean Vallina, Livre-Mémorial de la FMD, I.95, tome 1, page 842.
Liste des photos d’Auschwitz « identifiées de camarades non rentrées », Après Auschwitz, bulletin de l’Amicale, n°17 septembre-octobre 1947, page 3.
MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 20-05-2010)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
[1] Charente-Maritime : département dénommé “Charente-Inférieure” jusqu’en septembre 1941.
[2] Jean Barrière est arrêté le 8 novembre 1942 par des inspecteurs français, sur dénonciation, alors qu’’il se rend un dimanche en fin de matinée à la gare de Saint-Michel (Charente) pour y retirer un paquet de tracts. Le 14 novembre, Yves Tasset est arrêté à la gare d’Angoulême après une fusillade suivie d’une chasse à l’homme ; c’est un cheminot qui finalement le maîtrise et le remet entre les mains des inspecteurs. À l’aube du 19 novembre, René Michel échappe d’abord au piège tendu alors qu’il revient dans sa planque, chez André et Angèle Brun, charcutiers à Champniers. Blessé d’une balle dans la cuisse par les Allemands, traqué, il est finalement appréhendé deux jours plus tard par des policiers français chez les époux Cadier à Courcôme. Condamnés à mort par le tribunal militaire de la Feldkommandantur d’Angoulème, René Michel et Jean Barrière sont fusillés le 5 mai 1943 dans la forêt de la Braconne avec quatre autres résistants. Torturé à Bordeaux, puis transféré au Fort de Romainville le 16 septembre, Yves Tasset est déporté le 16 août 1943 vers les KL Mauthausen puis Buchenwald. Il rentrera de déportation et témoignera contre Poinsot et Vincent dès le 23 août 1945.
[3] Selon Charlotte Delbo, les Vallina et le groupe auquel ils appartiennent ont été dénoncés par Ferdinand Vincent.
Le 8 juillet 1942, plusieurs clandestins ont rendez-vous à la gare de Jonzac pour aller déménager des armes, dont Albert Dupeyron. Mais l’un d’eux – responsable national des FTP pour le sud de la France – a été arrêté la veille. Le commissaire Pierre Poinsot, de la brigade anticommuniste du commissariat spécial de la préfecture de Bordeaux, part avec quatre officiers du Sipo-SD (Gestapo) pour guetter l’arrivée des résistants devant la gare. Un des participants, Gérard Blot, est maîtrisé par Poinsot qui l’a identifié (il sera conduit au Fort du Hâ, torturé puis fusillé). Pour se dégager et s’enfuir, Ferdinand Vincent n’hésite pas à tirer sur un allemand en civil qui se trouve être Dhose, chef de la Gestapo de Bordeaux participant à l’opération. Certains ont considéré qu’il s’agissait là d’une mise en scène pour déjouer les soupçons et permettre à Vincent de mener un travail d’infiltration. Mais celui-ci est réellement arrêté à La Rochelle, par des policiers qui effectuent une perquisition dans le café d’Anne Épaud pour y rechercher un autre clandestin. Un troisième homme, jeune communiste engagé dans l’action armée, est alors abattu par les Allemands alors qu’il essaie de s’enfuir. Cette arrestation inopinée a lieu le 28 juillet à 5 heures du matin, c’est-à-dire en même temps que celles des membres du réseau de caches d’armes, dont les Vallina. L’historien Guy Hontarrède suggère que Vincent pourrait alors travailler pour la Gestapo à l’insu de la police française, ce qui pourrait expliquer la situation.
Les archives témoignent que, dès les premiers interrogatoires auxquels il est soumis les 31 juillet et 1er août – le deuxième étant directement conduit par le commissaire Poinsot – Ferdinand Vincent livre des noms, des rendez-vous et les adresses de dépôts d’armes. Il est bien directement responsable de l’arrestation d’Alice Cailbaut, de René et Hélène Antoine, de Marc et Claudine Blateau. Et, bien sûr, il “charge” ceux qui ont été pris en même temps que lui : les Dupeyron et les Guillon – arrêtés ensemble -, les Vallina.
Se mettant au service du commissaire Poinsot, il accepte même d’être transféré au Fort de Romainville pour faire le “mouton” auprès des résistants communistes qui y sont détenus et obtenir d’eux des informations sur l’organisation clandestine (découvrir un responsable nommé “Jo”), voire pour jouer les provocateurs, suggérant une évasion à Octave Rabaté. Il n’obtient pas le succès escompté, mais sa totale collaboration est appréciée par Poinsot et Dhose, qui décident de mettre en scène son évasion vers le 13 novembre, afin qu’il puisse mener un véritable travail d’infiltration. Dès le 19 novembre, Vincent envoie des rapports au Service d’action politique de Poinsot sur les contacts qu’il arrive à nouer, travaillant notamment avec Pierre Giret, un autre ex-communiste “retourné”.
En février 1943, la Sipo SD, consciente de son efficacité, recrute directement cet indicateur avant de lui confier les rênes d’une police supplétive, la Hauskapelle, de sinistre mémoire. À la libération, Vincent s’engage dans les Forces françaises libres. C’est sous l’uniforme français qu’il est reconnu à Berlin en mai 1945, par un déporté qui était une de ses victimes. Le 30 octobre 1948, Vincent est condamné à mort par le tribunal de la IVe région militaire (Bordeaux) et exécuté.
[4] Le 16 septembre 1942, la Sipo-Sd, qui a pris en charge de la politique des otages initiée par le haut commandement militaire, décide d’organiser des fusillades massives en représailles de plusieurs attentats organisés par la résistance armée contre les forces d’occupation depuis le 11 août précédent, date des dernières exécutions. Au moment de la décision, le nombre de « victimes expiatoires » (Sühnepersonen) est fixé à quatre-vingt-quatre selon un barême multipliant par deux le nombre des militaires allemands tués ou blessés lors de ces actions. La région parisienne ne disposant pas d’autant d’otages fusillables, il est décidé de prendre des hommes détenus à Bordeaux (deuxième grande ville de la zone occupée) soit pour les conduire au Fort de Romainville, camp d’otages, soit pour les exécuter au camp de Souge ; c’est la deuxième solution qui sera retenue pour des raisons de “sécurité”. Avant même les exécutions, le Docteur Horst Laube, responsable de la section II-Ju de la Sipo-SD en France, considère qu’il « ne serait pas recommandé de fusiller tout de suite tous les otages disponibles à Paris, afin qu’à l’avenir dans les cas imprévus, on puisse trouver à Paris des otages à tout moment ». Dans la mesure où le principe en avait déjà été fixé, la fusillade de Souge n’est pas une conséquence directe de l’attentat du Rex, mais celui-ci augmente le nombre d’otages désignés et c’est surtout à Bordeaux qu’est trouvé le “complément”. Le 18 septembre, Karl Oberg, chef supérieur des SS et de la police allemande en France depuis mai 1942, entérine les propositions : « J’ordonne en représailles l’exécution de 116 Français dont 70 à Bordeaux et 46 à Paris. » L’avis affiché précise : « …lesquels ont été trouvés coupables d’activités antiallemandes ou communistes ».
Fiche allemande :
20. VALLINA Lucien, 4.3.1906 Bolivar, Cognac.
V. est un vieux communiste, membre d’un groupe terroriste, comme tel hébergeait couramment chez lui des terroristes -recherchés depuis longtemps, a camouflé explosifs et armement, combattant de l’Espagne rouge.
Selon la terminologie allemande, il est évident que « vieux communiste » veut dire « communiste de longue date ».
[5] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.