- Germaine PICAN – Auschwitz 31679
Germaine PICAN, née Morigot vient au monde le 10 octobre 1901 à Malaunay, banlieue rouennaise, dans une famille de trois filles. Le père était spécialisé dans la gravure des rouleaux qui servent à imprimer les indiennes appelées « rouenneries » dans la région. La mère s’occupait de la maison qui était une maison heureuse.
Germaine a fait ses études à l’école primaire de Malaunay, puis à l’école primaire supérieure de Rouen et à l’école normale d’institutrices.
Un engagement antifasciste
Elle épouse André Pican, un instituteur. Tous deux enseignent à Maromme, près de Rouen. Ils ont deux filles : Claudine, née en 1927 ; Simone, née en 1928.
André Pican est responsable du parti communiste en Seine-Inférieure.
La Résistance
André Pican est arrêté à ce titre en avril 1940, interné au camp de Neuvaines, Calvados, emprisonné ensuite à Bonne-Nouvelle, à Rouen, puis à Caen d’où il est libéré à l’arrivée des Allemands.
- André Pican
Il rentre en Seine-Inférieure, crée les groupes du Front national et les groupes de l’organisation spéciale qui deviendront peu après les F.T.P. Il rédige et imprime le journal régional, L’Avenir normand, pour la Seine-Inférieure et l’Eure, et La Vérité, pour Rouen et sa région.
Que fait Germaine, sa femme, pendant ce temps ? Restée, à son école à Maromme, elle assure les contacts entre l’organisation départementale que dirige son mari – qui vit dans la nuit – et les groupes locaux qui se sont constitués dans chacune des localités de la banlieue rouennaise. L’organisation est active, la propagande intense.
Une première arrestation
Soupçonnée d’en être l’animatrice, Germaine Pican est arrêtée le 20 juin 1941 à Rouen et internée à Compiègne où la rejoignent, en octobre 1941, la plupart de ses camarades de combat, pris dans une rafle à la suite d’un déraillement à Pavilly – déraillement préparé par André Pican.
Trente-six de ces combattants ont été fusillés ou sont morts en déportation.
Sans doute pour qu’elle la mette sur la piste de son mari, la police libère Germaine Pican le 12 décembre 1941. Elle se réfugie chez une amie institutrice en Eure-et-Loir, avec ses deux fillettes, jusqu’alors cachées chez des amis en Seine-Inférieure.
La police, qui a perdu la trace de Germaine Pican, cherche toujours son mari et publie sa photographie dans Le Journal de Rouen. La tête de Pican est mise à prix : 30 000 Francs. Mais il n’est plus dans la région. À fin décembre 1941, il a été nommé instructeur interrégional pour la Manche et l’Indre-et-Loire.
La reprise de la vie clandestine
Germaine rencontre son mari à Paris, deux fois, dans un café, et ils mettent au point les détails de leur prochaine réunion : ils habiteront Paris, dans un logement que leur laissera Renée Michaux qui doit être mutée dans le Sud-Ouest. Ils fixent leur troisième rendez-vous chez Marie-Louise Jourdan, qui leur sert de boîte à lettres.
L’arrestation dans l’affaire Pican-Cadras
Le 15 février 1942, au lendemain de son arrivée chez les Jourdan, croyant ouvrir la porte à André qu’elle attend, Germaine se trouve en face de six policiers français des brigades spéciales qui font irruption dans l’appartement, perquisitionnent fébrilement, découvrent des tracts sur l’exécution de Gabriel Péri.
Ils emmènent Germaine Pican et Marie-Louise Jourdan à la préfecture de police où elles sont interrogées. Aux Renseignements généraux, Germaine retrouve son mari, arrêté le même jour, quelques heures avant elle. On les conduit au dépôt.
- Germaine PICAN à la Préfectue de Police
- Photo anthropométrique prise le 16 février 1942.
Archives de la préfecture de police de Paris. Droits réservés.
- Photo anthropométrique prise le 15 février 1942.
Archives de la préfecture de police de Paris. Droits réservés.
Le 21 mars 1942, les Allemands prennent livraison des hommes de cette affaire. André Pican, bien que menotté, réussit à bousculer les policiers et à s’enfuir. Poursuivi, il se jette dans la Seine. Espère-t-il se sauver à la nage ? Peu probable, en face d’Allemands armés. Mais il compte peut-être qu’à la faveur du désordre créé par sa tentative d’autres pourront s’enfuir.
Un gardien du dépôt vient dire à Germaine : « Votre mari a essayé de fuir. Il n’a pas réussi, malheureusement ».
Le 23 mars 1942, Germaine Pican est transférée à la Santé – division allemande, au secret – où elle partage la cellule de Danielle Casanova. Elle est envoyée à Romainville le 24 août 1942.
André Pican a été fusillé au Mont-Valérien le 23 mai 1942.
Auschwitz N° 31679
À Birkenau, elle est l’une des rares qui ne soient pas entrées au Revier. Elle a eu le typhus debout.
Elle a fait partie du commando de Raïsko, mais n’y est restée que deux semaines. Prise à voler des oignons, elle y est renvoyée en punition.
Mais la mesure de quarantaine est venue quinze jours plus tard, le 3 août 1943, et elle en a bénéficié avec les autres.
Ravensbrück et Mauthausen
Elle a suivi le sort commun : Ravensbrück, du 4 août 1944 au 2 mars 1945, Mauthausen, où elle a été libérée le 22 avril 1945.
La fidélité après le retour
Elle a pris sa retraite d’institutrice en 1955.
« Avec mes deux enfants, j’ai regagné la petite maison de Maromme qui ne devait jamais retrouver sa chaleur ; ma Claudine, marquée par la guerre et la perte de son père, est morte deux ans après mon retour. J’ai donné le meilleur de moi-même à ce que je considérais désormais le plus attachant : ma cadette, l’école, mon parti. J’étais communiste et je le suis restée. C’est ce qui m’a aidée, car mon adhésion au parti communiste, qui date des années du Front populaire et de la lutte antifasciste, n’a jamais eu pour moi d’autre signification que celle d’un combat nécessaire pour le bonheur. »
Homologuée adjudant dans la R.I.F.
Source :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 227-229.
Alain Alexandre et Stéphane Cauchois, Résistance(s), Rouen, sa région, la vallée du Cailly entre histoire et mémoire, 1940-1944, éditions L’écho des vagues, avril 2015, pages 18-30.