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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Henriette Schmidt naît le 2 octobre 1912 à Essert, à l’ouest de Belfort (Territoire de Belfort), fille de Philippe Schmidt, 33 ans, métallurgiste, et d’Anna Leroux, sans profession. La famille a cinq enfants. Le père est un militant communiste.

Après l’école communale à Essert, Henriette suit le cours complémentaire de Belfort jusqu’au brevet élémentaire, puis entre à la recette municipale comme employée.

Secrétaire des Jeunesses communistes de la région de Belfort, elle est une militante très active pendant les grèves de Belfort de janvier 1930.

Le 26 novembre 1932, à Essert, elle se marie à Lucien Carré, fils d’un facteur de Belfort, « militant actif et vérifié » par la commission des cadres.

En 1932, à vingt ans, elle vient à Paris. Sans doute la direction des Jeunesses communistes a-t-elle vu en elle l’étoffe d’un dirigeant, puisque elle est désignée pour un stage de deux ans (1935-1936) dans l’École léniniste internationale (ELI), à Moscou, où sont formés des cadres militants. Sous le pseudonyme de Pauline, elle est bien notée : « académique : bon : politique : bon ; social : très bon : liaison masse : bonne. ; qualités particulières : rédaction ; organisation ».

À Moscou ; Henriette rencontre André Heussler, né le 14 décembre 1909 à Paris, ouvrier ébéniste, militant de métier qui est là pour un deuxième cycle de formation. Elle l’aime à la passion et divorcera pour l’épouser.

À son retour, en 1936, elle est élue au comité central des JC lors de leur 8e congrès et à la direction nationale de l’Union des Jeunes filles de France (UJFF) à l’issue de son 1er congrès qui se tient le 26 décembre 1936. Désignée comme administratrice des Jeunes filles de France, elle est élue secrétaire nationale en mai 1939.

Combattant volontaire en faveur de l’Espagne républicaine, André Heussler obtient la confiance d’André Marty qui le nomme commissaire politique de la 14e Brigade internationale du 2 décembre 1936 au 7 mars 1937 (seul français désigné à un tel poste de responsabilité) Au 9e congrès du PC qui se tient à d’Arles du 25 au 29 décembre, André Heussler est élu membre suppléant du comité central.

Le 25 août 1939 à Ivry-sur-Seine [1], Henriette se marie avec André Heussler, qui habite alors au 80, rue Denis-Papin. Elle garde toutefois son nom de jeune fille à l’Union des jeunes filles de France.

En septembre 1939, le parti communiste est interdit.

La Résistance

Les dirigeants, les cadres et bon nombre de militants continuent de faire vivre leur idéal dans l’ombre. Henriette travaille avec Arthur Dallidet (comme “Betty” Madeleine Jégouzo) à qui incombent les tâches administratives dans le parti communiste illégal. Sous la fausse identité de Pauline Courtot, elle est plus particulièrement chargée de mettre en place les premières « planques » techniques et de remettre dans le mouvement les camarades qui ont perdu contact pour quelque raison (retour de captivité, démobilisation, ou évasion). Quand, après son évasion de Châteaubriant le 18 juin 1941, Fernand Grenier revient dans la région parisienne, c’est Henriette qui lui trouve gîte et ravitaillement, papiers d’identité, documentation, et qui lui transmet les consignes.

À la fin 1941, dans un contexte mal éclairci, André Heussler reprend son ancien métier d’ébéniste à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), sous le faux nom de Marcel Lemoine. Selon une note de police non datée, il aurait « renié son appartenance au PC ».

De son côté Henriette va, vient, fait son travail ponctuellement, toujours sur le qui-vive. Mais il lui semble qu’elle est suivie. Par précaution, elle quitte son domicile.

L’arrestation

Le 4 octobre 1941 – quelque temps après -, elle y retourne juste pour prendre du linge, à la nuit tombée, en s’assurant que personne ne la suit. Elle tombe dans une souricière tendue par les policiers qui occupent l’appartement depuis une semaine.

Le 12 août 1942 vers 22 heures, accusé de trahison, son mari, André Heussler, est exécuté par ses camarades chez les parents d’Henriette Schmidt. Le poids de cette terrible accusation pèsera sur Henriette qui restera convaincue de son innocence.

Le 30 mai 1942, Arthur Dallidet, son responsable, est fusillé avec le groupe Politzer.

De la prison de la Roquette à Romainville

Henriette Schmidt est emprisonnée à la prison pour femmes de la Roquette, à Paris 11e.

Le 5 octobre 1942, elle est transférée – seule – au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [1] (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122, gardé par la Wehrmacht.

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L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Henriette Schmidt y est enregistrée sous le matricule n° 867.

Le 22 janvier 1943, elle fait partie des cent premières femmes otages qui sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites en camion à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [2] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été extraites de wagons et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Henriette Schmidt y est enregistrée sous le matricule 31699. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie de la police judiciaire allemande : vues de trois-quart avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation d’Henriette Schmidt a été retrouvée).

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive).

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Les châlits du Block n° 26. La partie inférieure, au ras du sol,
est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues.
Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible
de s’assoir. Photo Mémoire Vive.

Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Atteinte de dysenterie, Henriette Schmidt est admise au Revier [3] : elle a la langue si enflée, la gorge si enflammée, qu’elle ne peut plus avaler du tout ; à peine peut-elle respirer.

Elle meurt à Birkenau le 14 ou le 15 mars 1943, après avoir été admise au Revier.

Au lendemain de la libération de Belfort, en novembre 1944, la famille Schmidt apprend par le journal qu’Henriette est morte.

La famille

Le famille est en partie décimée suite à l’enquête sur la mort du mari d’Henriette Schmidt. Les témoins sont arrêtés : le père d’Henriette, Philippe Schmidt, et un gendre de celui-ci, Keiflin, sont déportés tous les deux au KL Neuengamme et meurent en déportation. S’agit-il de Philippe Schmidt, né le 16 juillet 1879 à Saint-Amand-Montrond (Cher), déporté dans le transport de 2004 hommes parti le 21 mai 1944 de Compiègne et arrivé trois jours plus tard au KL Neuengamme (matricule inconnu), peut-être transféré à Auschwitz où il serait mort, et d’Alfred Keiflin, né le 16 septembre 1901 à Essert (90), déporté dans le même convoi (matr. 30370), mort le 3 décembre 1944 à Hambourg ?

À une date restant à préciser, le Conseil municipal d’Essert donne le nom d’Henriette Schmidt à une rue de la commune.

Elle est homologuée soldat dans la Résistance intérieure française (RIF).

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 263.
- Simone Alizon, L’Exercice de Vivre, éditions Stock, avril 1996, 384 pages, ISBN 2-234-04614-9, code-barre 9-782234-046146 ; page 220.
- Auschwitz 1940-1945, Les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, ouvrage collectif sous la direction de Wacław Długoborski et Franciszek Piper, éd. du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, Pologne, version française 2011, volume IV, La Résistance, Henryk Swiebocki, pages 134 à 136.
- Rémi Skoutelsky, L’espoir guidait leurs pas, Les volontaires français dans les brigades internationales, 1936-1939, éditions Grasset, Paris, mai 1998, pages 72, 376.
- Notices de Claude Pennetier, site du Maitron en ligne, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Éditions de l’Atelier.
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, transport I.214, par Thomas Fontaine, Gérard Fournier, Guillaume Quesnée, tome 3, pages 658-659, 699 (Alfred Keiflin), p. 732 (Philippe Schmidt).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 15-02-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Ivry-sur-Seine et Les Lilas : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

[3] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.