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Lucienne

Deux sœurs rescapées d’Auschwitz

Lucienne THÉVENIN, née Serre (« Lulu »)

et sa sœur Jeanne SERRE (« Carmen »).

Les deux sœurs disent en cœur :

« notre famille a eu de la chance. Leur mère, arrêtée en septembre 1940 par les policiers français, remise à la Gestapo, emprisonnée à la Santé puis au Cherche-Midi, a été libérée en janvier 1941. Leur frère, Louis, déporté à Mauthausen, est rentré. Leur jeune sœur, Christiane, arrêtée au début de 1944 (à quatorze ans) par les miliciens de Sabiani à Marseille, a été relâchée grâce à une caution en argent qu’ont versée ses employeurs. Leur maison de Marseille a été bombardée, mais aucun des leurs n’a été touché. Georges Thévenin, le mari de Lulu, s’est blessé une jambe en tentant de s’évader (il était prisonnier de guerre en Allemagne), mais il est entier. Une chance extraordinaire. »

Une enfance à Marseille

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Lucienne, dite Lulu THÉVENIN

Le père était marin de commerce.

Lucienne, l’aînée, est née le 16 juillet 1917 à Marseille.

Jeanne est née à Ysserville-les-Ysserts (Algérie) en juillet 1919.

Elles ont été élevées à Marseille

Lucienne devient secrétaire. Jeanne travaille commise dans une brûlerie de café.

L’arrivée à Paris

En 1937, la mère et les enfants quittent Marseille pour venir à Paris. Lucienne continue de travailler comme secrétaire. Jeanne, après avoir exercé plusieurs emplois, travaille à la Manufacture nationale d’armes de Levallois lors de l’arrivée des Allemands à Paris.

Lucienne a épousé en 1939 Georges Thévenin qui, appelé avec sa classe en 1937, s’est trouvé sous les drapeaux à la mobilisation et a été fait prisonnier en 1940.

La Résistance

En 1939, à la déclaration de la guerre, Lucienne et Jeanne militent dans la Jeunesse communiste.

En juillet 1940, des milliers de tracts, parmi lesquels l’appel du parti communiste du 10 juillet 1940, passent entre leurs mains. Leur mère les entrepose chez elle, rue de la Huchette. La mère est arrêtée, libérée six mois plus tard. Les enfants se cachent.

En juin 1941, Lucienne confie le bébé qu’elle a eu l’année précédente à sa belle-mère et revient au combat. Elle a la responsabilité de la Jeunesse communiste pour le Ier, le IIe, le IIIe et le IVe arrondissement de Paris.

Issus de la Jeunesse communiste, les premiers FTP s’arment. Les deux sœurs s’occupent de recruter des combattants.

Jeanne est en outre chargée de l’impression. Elle va chercher le travail chez les imprimeurs (Daubeuf, Houdart, d’autres). Une fille qui n’a pas froid aux yeux : en un an, elle a déménagé quatorze fois, seule, les machines, les stocks de papier, le matériel de L’Avant-Garde, sur une voiture à bras qu’elle tirait en plein Paris.

Lucienne manque être prise au début de juin 1942 : mais ce jour-là elle n’était pas dans l’armurerie où la police l’attendait. Elle livrait justement des armes pour l’attaque du camp d’aviation de Mondésir que préparait son groupe (v. Gourmelon).

L’arrestation

Les deux sœurs sont arrêtées en même temps, le 19 juin 1942, avenue Trudaine, à Paris, chez des résistants : Jean et Marguerite Rodde, et leur fils Édouard, qui sont tous arrêtés.

Jean Rodde (cinquante-neuf ans) et son fils Édouard (trente-deux ans) ont été fusillés au Mont-Valérien le 11 août 1942.

Marguerite Rodde a été internée à Romainville d’où elle a été libérée le 3 septembre 1942, après l’exécution de son mari et de son fils. Elle est morte de chagrin en 1945.

Les deux sœurs passent trois jours aux Renseignements généraux et sont envoyées au dépôt.

Photo anthropométrique prise le 15 juillet 1942
par le service de l’identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de Police (APP), Paris.
Photo anthropométrique prise le 2 mars 1943
par le service de l’identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de Police (APP), Paris.

C’est là qu’un agent baptise Jeanne « Carmen » et c’est sous ce nom qu’elle a été populaire pendant toute la déportation. Plus que sous le nom de Renée Lymber, une identité d’emprunt sous laquelle elle a été inscrite dans tous les camps, car la police n’a jamais découvert son vrai nom.

Pendant longtemps, personne n’a su que Lulu et Carmen étaient les deux sœurs.

Du dépôt elles sont transférées à Romainville le 10 août 1942. En septembre, elles y voient arriver leur frère Louis, arrêté dans une affaire retentissante, celle de jeunes FTP qui ont livré une bataille rangée à des soldats allemands dans la forêt de Fontainebleau.

Auschwitz

Auschwitz N° 31 642 : Lucienne Thévenin, Lulu.

Auschwitz N. 31 637 : Jeanne Serre, Carmen.

Les deux sœurs ne se sont jamais quittées. Elles se tenaient toujours par le bras pour être sûres d’être prises ensemble. Pour quoi que ce soit.

Elles sont les deux seules sœurs qui soient revenues.

Les autres sœurs, cela n’a pas été le cas, les deux sœurs ont disparues ::les Richier, Noémie Durand et Rachel Fernandez, Charlotte Douillot et Henriette L’Huillier ; ou bien une sœur : Alizon, Tamisé, Gili-Pica.

Elles sont entrées au Revier ensemble, le 26 avril 1943, quand elles ont eu le typhus.

Elles sont allées ensemble à Raisko.

Ravensbrück et Beendorf

Elles ont été transférées à Ravensbrück ; le 7 janvier 1944, ont été prises pour Beendorf, la mine de sel, le 9 août 1944, ont été évacuées en avril 1945 (voir : Alizon et Cécile Borras.

La libération

Elles sont finalement arrivées en Suède et ont été rapatriées : Lulu le 23 juin 1945, Carmen le 28.

Le retour

Lulu a retrouvé son mari qui avait été blessé en tentant de s’évader de son stalag en 1943 et rapatrié comme grand blessé mais qui, à peine guéri, avait pris part aux combats de la libération ; elle a retrouvé son fils Paul que des amis avaient gardé.

Elle a repris sa vie de militante.

Elle est homologuée sergent dans la R.I.F.

Carmen est retournée à Marseille où elle s’est mariée. Elle a eu trois enfants. Elle a vécu pendant plusieurs années dans des conditions difficiles qui se sont améliorées lorsqu’elle a touché une pension, car elle non plus n’est pas rentrée indemne.

Elle est homologuée sergent dans la R.I.F.

Les deux sœurs se sont retrouvées à Marseille.

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Cécile et Lucienne à Marseille
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Cécile et Lucienne à Marseille

Source :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier , Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 277-279.