Auschwitz-I, le 3 février 1943 Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Auschwitz-I, le 3 février 1943
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Madeleine Van Hyfte naît le 17 mai 1908, à Walwick ou Vandewick (États-Unis), fille d’Alfonse Van Hyfte et de Léonie Geiregat, dans une famille de cultivateurs belges de trois enfants, établis à Bassevelde (section de la commune d’Assenede depuis 1977), en Flandre-Orientale, où elle vit de 1912 à son mariage.

En 1937, en Belgique, elle épouse Pierre Bertrand Galesloot, né le 11 août 1909 à Bruxelles (Belgique), de nationalité néerlandaise, photographe, et s’installe avec lui à Forest-les-Bruxelles.

Pierre Galesloot exerce sa profession de photographe à la maison Apers, à Bruxelles. Il y a comme collègue de travail Franciscus “François” Wouters, voyageur de commerce en photogravure, mais également militant internationaliste actif (OMS ???). Pierre Galesloot est membre du Syndicat professionnel des photographes et photograveurs.

Ayant probablement fuit l’invasion allemande, le couple Galesloot arrive en France en 1940. À partir le 9 septembre, ils logent au Style Hôtel, 17 rue Claude-Bernard (Paris 5e). Pierre ne trouve pas d’emploi.

Pressenti par François Wouters, alors mandaté en France, Pierre Galesloot rejoint la filière d’impression parisienne du Front national [1]. Il travaille clandestinement dans un atelier, loué par Arthur Tintelin au nom de “Lombart”, au 91 rue de Vaugirard (Paris 6e), dont le matériel lui a été fourni par le Parti communiste, lequel lui verse un salaire.

Utilisant les appareils techniques appropriés, Pierre Galesloot y procède à la photographie en réduction des tracts et document en provenance d’ateliers de composition, produisant le cliché zinc plan destiné à la gravure avant impression dans d’autres ateliers.

À la mi-mars 1942, exploitant des informations obtenues lors des enquêtes ayant précédé et suivi les arrestations de l’affaire Pican-Cadras, des inspecteurs de la brigade spéciale 1 (BS1) des Renseignements généraux de la préfecture de police commencent la filature d’un résistant qu’ils désignent provisoirement comme « Ambroise », du nom de la rue Saint-Ambroise (Paris 11e) où il a été repéré la première fois, alors qu’il rencontrait le responsable non-identifié (?) d’un atelier de gravure situé au 81 rue Saint-Maur – peut-être situé dans l’arrière-cour -, entre la rue Saint-Ambroise et l’avenue de la République. Onze policiers en civil suivent alors tous les contacts qui s’enchaînent entre militants et artisans clandestins, repérant notamment les adresses où ceux-ci pénètrent (les “logeant”). Sans le savoir, Arthur Tintelin met les inspecteurs sur la piste de l’appareil technique de propagande du Parti communiste clandestin, le réseau des “imprimeurs”, plus précisément sur les ateliers de gravure et de photogravure qu’il coordonne et dont il rémunère les artisans.

Pierre Galesloot est repéré le 25 mars à 11 heures au cours d’une filature de Tintelin et provisoirement dénommé “Vaugirard”.

Le 13 avril, à 15 h 45, Arthur Tintelin pénètre dans l’atelier de la rue de Vaugirard. Il en sort à 18 heures en compagnie de Galesloot, quel les inspecteurs ne suivent pas  (probablement déjà “logé”…).

Dans la nuit du 17 au 18 juin 1942, le commissaire Fernand David, chef de la BS1, déclenche le vaste “coup de filet” policier concluant trois mois de surveillances et filatures (“affaire Ambroise/Tintelin”) avec l’arrestation d’une soixantaine de personnes, appartenant soit au réseau des “imprimeurs”, soit à celui des Jeunesses communistes clandestines de la région parisienne, ayant “partagé” des agents de liaison communs, notamment Renée Pitiot.

Paris. La préfecture de police vue depuis Notre-Dame. Carte postale des années 1900 (le bâtiment est alors la caserne de la Garde républicaine). Coll. Mémoire Vive.

Paris. La préfecture de police vue depuis Notre-Dame.
Carte postale des années 1900 (le bâtiment est alors la caserne de la Garde républicaine). Coll. Mémoire Vive.

Après une semaine dans les locaux des Renseignements généraux, où elle est interrogée le 20 juin, Madeleine Galesloot est transférée au Dépôt de la préfecture de police.

Le 22 juillet, le dossier de procédure “Tintelin et autres” est transmis au SIPO-SD (police de sûreté nazie) de Paris, 11 rue des Saussaies.

Le 5 août 1942, trois membres de la M.O.I. (Main-d’Oeuvre immigrée) lancent deux grenades sur des militaires allemands qui s’entraînent au stade Jean-Bouin (Paris 16e) : deux d’entre eux sont tués, et vingt sont blessés, dont cinq grièvement. Cet attentat est le plus meurtrier commis à Paris durant l’Occupation. Le 10 août, par mesure de représailles, Carl Oberg, chef supérieur de la SS et de la police en France (HSSPf) décide l’exécution de quatre-vingt-treize otages sélectionnés en différents lieux de détention.

Le 10 août, Madeleine Galesloot est transférée parmi vingt futures “31000” au fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), où elle est enregistrée sous le matricule n° 629.

Le fort de Romainville, vue du côté nord. À l’intérieur de l’enceinte, on distingue le haut du bâtiment de caserne. Carte postale oblitérée en 1915. Collection Mémoire Vive.

Le fort de Romainville, vue du côté nord.
À l’intérieur de l’enceinte, on distingue le haut du bâtiment de caserne.
Carte postale oblitérée en 1915. Collection Mémoire Vive.

Le 11 août, après avoir été rassemblés pendant la nuit au fort de Romainville, 88 hommes sont conduits au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour y être fusillés dès l’aube ; parmi eux, des membres du réseau des imprimeurs, Arthur Tintelin, Pierre Galesloot (33 ans), Pierre Hardenberg, Louis Guyot, Henri Daubeuf, Eugène Houdart, Gustave Pitiot, Henri Maillard, et d’autres maris de futures “31000”, Marcel Éthis, Alphonse L’Huillier… Les corps sont incinérés et les urnes funéraires dispersées dans différents cimetières.

Le 22 janvier 1943, Madeleine Galesloot fait partie des cent premières femmes otages transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne ; leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquant « 22,1 Nach Compiègne uberstellt » (transférée à Compiègne le 22.1 ). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites en camions à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

TransportAquarelle
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été brutalement descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…). © Gilbert Lazaroo, février 2005.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Madeleine Galesloot y est enregistrée sous le matricule 31643. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rang de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois quarts avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation de Madeleine Galesloot a été retrouvée ; voir ci-dessus).

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Le Block 26, en briques, dans le sous-camp B-Ia de Birkenau ; perspective entre les châlits. La partie inférieure, au ras du sol, est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues. Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible de s’assoir. Photo © Mémoire Vive.

Le Block 26, en briques, dans le sous-camp B-Ia de Birkenau ; perspective entre les châlits.
La partie inférieure, au ras du sol, est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues.
Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible de s’assoir.
Photo © Mémoire Vive.

Atteinte par la dysenterie, Madeleine Galesloot meurt à Auschwitz le 1er mars 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Ses parents apprennent sa mort par les rescapées du convoi, en novembre 1945.

Notes :

[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 121.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossiers de la brigade spéciale anticommuniste (BS1) des renseignements généraux de la préfecture de police, GB 35, “Affaire Ambroise”, GB 36, “Affaire Ambroise”, “Affaire Tintelin”, GB 37, GB 50.
- Site Le Maitron, Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, prolongement sur internet des volumes du Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron (aujourd’hui Claude Pennetier), Université de Paris 1 : notices biographiques de Madeleine Galesloot, Pierre Galesloot, Franciscus Wouters et Arthur Tintelin.

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 2-08-2024)

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