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Roger, Henri, Joseph, Abada naît le 22 décembre 1920 au 4, place Defly (probablement un hôpital), sur la rive droite du Paillon à Nice (Alpes-Maritimes), fils d’Adrien Abada, employé d’administration, et de Thérèse Heitzler, son épouse, couturière, domiciliés dans cette ville.
En 1935, Roger Abada s’installe à Moulins-sur-Allier (Allier) avec sa mère, ses frères – dont René Heitzler, né le 21 avril 1924 dans le petit village de Crécy-en-Ponthieu (Somme) – et ses sœurs.
En juin 1936, Roger Abada adhère au Parti communiste – il a quinze ans – et entre au Comité fédéral des Jeunesses communistes de l’Allier.
Il est électricien aux Établissements Bardet, usine de machines à bois.
En 1941, la famille habite au 8, rue des Couteliers.
Au début de l’Occupation, Moulins est dans la petite partie nord du département située en zone occupée, à proximité de la ligne de démarcation sur la ligne de démarcation qui suit la rivière.
Avec ses camarades – rejoints par des réfugiés antifascistes espagnols -, Roger Abada constitue un groupe de résistance qui imprime et diffuse des tracts, réalise des sabotages.
La famille de Roger Abada, les Heitzler, est sous surveillance de la police, car, selon le commissaire de police, bien que « depuis l’Occupation elle ne manifeste plus, du moins au grand jour, aucune action à tendance extrémiste, (…) cette famille a manifesté avant la guerre des sentiments communistes acharnés et elle était le centre d’une propagande extrémiste active ». Le 19 mai 1941, le commissaire propose au préfet d’effectuer une perquisition au domicile de la famille « en vue d’y découvrir tous documents ou objets suspects concernant la Sûreté Nationale ». Mais, effectuée le 27 mai, cette visite domiciliaire ne donne rien. Selon une enquête de police ultérieure, « le domicile de sa mère (militante d’extrême-gauche) servait, à l’époque, de relais et de boîte aux lettres aux résistants communistes ».
Le 4 juillet 1941, Roger Abada est arrêté à son domicile en même temps que son jeune demi-frère René Heitzler par la police allemande. Tous deux sont conduit à la prison de Moulins, la “Malcoiffée”.
Le 23 juillet 1941, Roger Abada et René Heitzler sont transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Inscrit sous le matricule 1374, Roger Abada figure sur la liste des “jeunes communistes” établie le 31 décembre 1941.
Le 17 avril 1942, René Heitzler adresse au préfet de l’Allier une lettre dans laquelle il demande sa libération et qui est transmise aux autorités allemandes. Celles-ci acceptent de libérer deux détenus moulinois : René lui-même, âgé de 17 ans, et Jacques Dubost, âgé de 65 ans, tous deux hors des critères de sélection d’otage.
Entre fin avril et fin juin 1942, Roger Abada est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Roger Abada est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45157 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Roger Abada est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Affecté au Block 22, il travaille dans divers Kommandos : portage de matériaux de construction, serrurerie, garage des voitures SS.
Atteint par le typhus, il est admis à l’infirmerie dans le dernier trimestre 1942.
À sa sortie, Roger Abada met sur pied, avec l’aide d’Eugène Garnier et de Roger Pélissou, un groupe de solidarité parmi les survivants du convoi. Ils se constituent en “triangle” clandestin.
Roger Abada est alors contacté par Rudy Friemel, un des dirigeants du Comité International de Résistance, créé en août 1942 par des résistants autrichiens et allemands. Il devient le responsable du groupe français d’Auschwitz-I au sein du Comité International de Résistance, puis du Kampfkruppe (groupe de combat) entre décembre 1942 et septembre 1944.
En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).
À la mi-août 1943, Roger Abada est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”.
Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Roger Abada est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.
Le 7 septembre 1944, il est dans le petit groupe de trente “45000” transférés – dans un wagon de voyageurs ! – au KL [1] Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw. Inscrit sous le matricule 40965, il est affecté un atelier de l’usine AEG.
En février 1945, il est parmi les quinze “45000” évacués vers le complexe concentrationnaire de Dora-Mittelbau et répartis dans différents Kommandos.
Roger Abada (matr. 40965) est affecté à Nordhausen, comme René Besse, Clément Couderc et Pierre Monjault.
Le 5 avril, il s’évade à la faveur d’un bombardement du camp par l’aviation alliée, au cours duquel il est blessé. Dans une maison vide, il trouve des vêtements civils et s’intègre à la population mélangée de la débâcle, alors que des soldats allemands fusillent encore des déportés.
Le 11 avril, l’avant-garde de l’armée américaine passe rapidement sur la route : il est libre. Il traverse alors la ville de Nordhausen et se rend à Dora, dans un hôpital de campagne où il retrouve des camarades de son convoi.
Le 24 avril, Roger Abada est rapatrié en France par avion. Il commence sa convalescence au camp de Mourmelon, puis regagne Paris le 11 mai 1945.
Il rédige rapidement un récit sur l’activité des “45000” au sein du Comité International de Résistance (Kampfkruppe) pour l’ouvrage collectif Témoignage sur Auschwitz, édité fin 1946 par l’Amicale des Déportés d’Auschwitz sous l’égide de la FNDIRP.
Il retourne à Auschwitz pour le tournage d’un reportage diffusé dans l’émission télévisée Cinq colonnes à la une le 5 mai 1967 et intitulé Retour à Auschwitz.
- Roger Abada dans la cour séparant les Blocks 10 et 11
d’Auschwitz-I. © Institut national de l’Audiovisuel (INA).
Roger Abada décède à Paris 5e le 4 septembre 1987.
Son demi-frère, René Heitzler
En septembre 1942, celui-ci est de nouveau arrêté à Moulins. Le 21 janvier 1943, il est renvoyé à Compiègne : « Le frère de Roger Abada (…) est arrivé hier. Il est en bonne santé, mais est mangé par la vermine, il n’a pas de linge, nous l’aidons dans la mesure de notre possible » (lettre de Jean Auclair, datée du 22 janvier).
Le 24 janvier 1943, René Heitzler est déporté de Compiègne dans le convoi n° I.74 qui emmène 1526 hommes au KL Sachsenhausen et 230 femmes à Auschwitz (les “31000”).
Arrivé avec son convoi à Sachsenhausen le 25 janvier, René Heitzler reçoit le matricule n° 59227. Après la quarantaine, il reste au camp central. Puis, le 11 novembre 1944, il est transféré au KL Mauthausen (matr. n° 109848), pour être affecté au Kommando de Gusen le 18 novembre. C’est là qu’il succombe le 26 janvier 1945.
Notes :
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 313 et 314, 344, 350 et 351, 358, 360 et 393.
Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du centre de documentation juive contemporaine (CDJC), doc. IV-198.
Site de la commission Dora-Ellrich de la Fondation pour la mémoire de la Déportation.
Auschwitz 1940-1945, Les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, ouvrage collectif sous la direction de Wacław Długoborski et Franciszek Piper, éd. du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, Pologne, version française 2011, volume IV, La Résistance, Henryk Swiebocki, pages 131 à 137.
Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, délégation de l’Allier (AFMD-03), site internet.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 15-05-2019)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.