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Henri, Jules, Asselineau naît le 27 février 1893 à Entrains-sur-Nohain, non loin de Clamecy (Nièvre – 58), fils de Jules François Asselineau, 35 ans, manœuvre, et de Maria Provot, 27 ans, son épouse, au sein d’une famille paysanne du Nivernais.
Pendant un temps, domicilié au 1 rue des terrasses à Troyes, Henri Asselineau travaille comme employé de commerce.
À compter du 27 novembre 1913, il est incorporé au 3e groupe aéronautique à Lyon. Le 1er janvier, il passe au 1er groupe d’aérostation.
Le 2 août 1914, il part “aux armées” avec la 3e compagnie d’aérostiers, unité non combattante. Le 14 septembre 1915, la commission de réforme de Belfort le classe dans le service armé. Le 25 avril 1916, affecté à la 7e compagnie d’aérostiers, il est détaché à Saint-Cyr (Seine-et-Oise) pour un stage d‘automobiliste. Le 15 décembre suivant, il entre à l’hôpital Dominique Larrey de Versailles pour maladie (amygdalite). Deux semaines plus tard, le 29 décembre, il entre au dépôt. Le 21 janvier 1917, il passe au 46e régiment d’infanterie (au dépôt).
Le 18 avril suivant, il passe au 246e R.I., bataillon de réserve du précédent, unité alors non combattante, mais dans la “zone des armées”. Le 19 mai, il est évacué pour maladie (bronchite). Il est soigné jusqu’au 10 juin dans deux “ambulances” successives, puis bénéficie d’une permission de sept jours. Il rejoint son corps le 23 juin, mais est évacué dès le 10 juillet pour une rechute d’amygdalite, étant admis à l’hôpital d’Arcis-sur-Aube. Il rejoint son corps le 10 juillet.
Le 15 août, il passe aux “unités combattantes”, au sein de la 21e compagnie. Le 17 octobre suivant, étant en permission de dix jours, il est admis à l’hôpital Beghin de Saint-Mandé pour entérite. Le 27 octobre, il rejoint son corps (unité non combattante, CID ?).
Le 16 novembre 1917, il passe de nouveau aux “unités combattantes”, au sein de la 21e compagnie. Depuis le 18 octobre, le régiment tient le secteur de Craonnelle et Vauclerc, au sud de l’Ailette. L’installation est très difficile dans des terrains marécageux où tout le monde est en permanence dans la boue et dans l’eau. Le soir du 13 novembre, l’artillerie allemande déclenche un violent bombardement par “obus toxiques” (ypérite, gaz asphyxiant) : 9 officiers et 500 hommes sont évacués pour intoxication. Le lendemain, les effets du bombardement de la nuit se font encore durement sentir et nécessitent l’évacuation de 4 officiers et 170 soldats ; les intoxiqués sont principalement atteints aux yeux et aux poumons. Les jours suivants, 2 officiers et 294 hommes sont encore évacués. Le régiment est relevé dans la nuit des 27 au 28 novembre.
Au printemps 1918, son régiment (incorporé dans la 55e division d’infanterie ; général Mangin) tient le front dans la commune d’Autrêches (“extension” du département de l’Oise vers celui de l’Aisne, à l’est).
Le 27 mai, l’armée allemande déclenche la troisième bataille de l’Aisne à partir du Chemin des Dames, offensive qui s’étend depuis Reims jusqu’au secteur où il se trouve.
Le 1er juin 1918, Henri Asselineau “disparaît” à Chevillecourt, lieu-dit du village d’Autrêches (208 disparus ce jour-là ; 141 disparus la veille).
Fait prisonnier, il est interné en Allemagne, puis rapatrié six mois plus tard, le 25 novembre 1918.
Le 17 avril 1919, il passe à la 20e section de secrétaires d’état-major et de recrutement. Le 1er septembre 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un “certificat de bonne conduite”, et se retire au 8 rue Louis Bosquet à Vincennes.
À partir de mai 1924, différentes commissions militaires de réforme lui diagnostiqueront une sclérose des sommets avec pleurite de la base droite (reliquat de pleurésie), avec signes d’emphysème pulmonaire, et oppression nocturne, lui octroyant une pension de 15 % qui deviendra permanente.
Il reprend un emploi d’employé de commerce, comme comptable.
Sa protestation contre la guerre et son idéal de justice et d’égalité le conduisent à adhérer au Parti communiste (SFIC) dès sa création en 1920,
En juin 1921, il demeure au 22 rue Rambuteau à Paris 4e (Marais).
Le 22 octobre 1921, à Paris 3e, il se marie avec Eugénie P., 24 ans, employée de commerce, domiciliée à la même adresse.
Fin 1924, il loge au 13 avenue de Paris à Créteil (Val-de-Marne).
Le 17 février 1927, son mariage est dissous à la requête et au profit du mari par jugement de divorce rendu par le tribunal civil de la Seine. Il habite au 24 boulevard de la République à Chatou (Seine-et-Oise / Yvelines).
Le 13 août 1927, à Chatou, Henri Asselineau se marie avec Georgette Lucienne Parquet, 23 ans, née le 16 novembre 1903 à Ecquevilly (Seine-et-Oise / Yvelines), manutentionnaire à Paris, habitant avec ses parents au 18 rue de la République. À la mi-octobre 1927, il déclare habiter cette adresse.
Le 29 juin 1931, le couple a une fille, Micheline.
En 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 35, rue Ribot à Chatou.
Henri Asselineau devient membre de l’ARAC (Association républicaine des anciens combattants) dès sa fondation (en novembre 1917 ?!) par Henri Barbusse et Paul Vaillant-Couturier. Militant actif, il est membre de la commission exécutive fédérale (fédération de la région parisienne) et secrétaire de la section de Chatou.
Il devient également un des secrétaires de la section locale du PCF. À Chatou, il est le porte-parole habituel de Parti communiste, et plusieurs fois son candidat aux élections locales. En 1936, il est le coprésident du Comité local du Front populaire.
Le 2 septembre 1939, avec deux de ses camarades, il est arrêté par la police municipale de Chatou pour distribution de tracts communistes. Il est probablement écroué à Versailles.
Depuis le 26 août 1939, la presse et les écrits communistes étaient interdits, car considérés par le gouvernement comme favorables à une puissance étrangère hostile, à la suite de la signature du pacte germano-soviétique. Pourtant au moment de l’arrestation de Henri Asselineau, le Parti communiste, tout en refusant de dénoncer ce pacte dit de “non agression” – dont il ignorait les clauses secrètes – était sur une position de défense nationale. Ainsi L’Humanité clandestine du 28 août publiait des extraits d’une déclaration de Maurice Thorez affirmant que si Hitler déclarait le guerre, il trouverait « devant lui le peuple de France, les communistes au premier rang pour défendre la sécurité du pays, la liberté et l’indépendance des peuples ».
Le 21 février 1940, Henri Asselineau est condamné par le 2e Tribunal militaire de Paris à trois ans de prison, cinq ans de privation de ses droits civiques et à 500 F d’amende, pour infraction au décret-loi sur la censure et la publicité des écrits (lorsqu’il est jugé, le Parti communiste avait dû adopter en octobre 1939 la thèse officielle de la IIIe Internationale qualifiant le conflit de “guerre impérialiste”).
Le 2 mars 1940, il est écroué à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (arrêt 3972).
Le 21 mars 1940, son pourvoi en cassation est rejeté.
Emprisonné également à la Maison d’arrêt de la Santé à Paris et à la Maison centrale de Poissy (78), il est évacué lors de la débâcle de juin 1940. Il est conduit dans une voiture cellulaire à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [1] (Maine-et-Loire), enchaîné avec 19 autres prisonniers.
Dans cette autre prison, sous le matricule 5990, il fait fonction de bibliothécaire. Il est libérable le 13 juin 1942.
Mais la Feldkommandantur de Saint-Cloud (92) exige son transfert en détention de police allemande, car elle l’a inscrit comme otage « sur une liste de personnes à proposer en cas de représailles ».
Le 21 juin 1942, il quitte Fontevrault par le train, emmené par deux gendarmes français qui le remettent aux Allemands au camp de Royallieu à Compiègne (Oise) le 22 à 11 heures (matricule n° 6003).
Parmi les “45000”, Henri Asselineau est l’un des militants qui connaît la détention la plus longue avant sa déportation.
Entre la fin avril et la fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny,et entassés dans des wagons de marchandises ; le train part à 9 h 30, dès que les portes sont verrouillées.
Le trajet dure deux jours et demi. N’étant pratiquement pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent essentiellement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Henri Asselineau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45179 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Henri Asselineau est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Il meurt le 1er septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].
Son nom est inscrit sur le Monument aux Morts de Chatou.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 30-04-1988).
Notes :
[1] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault au 19e siècle.
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Henri Asselineau, c’est le 31 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 378 et 393.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Yvelines, citant : Témoignage et documents de Georgette Asselineau, sa veuve (carte d’identité, carte de membre de la Commission exécutive fédérale de l’ARAC, carte postale du camp de Compiègne-Royallieu, datée du 25 juin 1942, relatant son transfert) – Archives municipales de Chatou – Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris.
Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : répertoire de registres d’écrou (2Y5 43), hommes de 1940 à 1941.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 34 (26499/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 3-11-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.