Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René Baulieu naît le 22 décembre 1922 au Perreux-sur-Marne [1] (Seine / Val-de-Marne), il est le fils d’Édouard Beaulieu, élu conseiller municipal de Rosny-sous-Bois (Seine / Seine-Saint-Denis) en 1933 et 1935, et de Christiane Collin, son épouse.

Au moment de son arrestation, René Baulieu est domicilié chez son père, au 39, rue Hussenet à Rosny-sous-Bois.

Rosny-sour-Bois. L’école des garçons et la gare (à gauche) dans les années 1930. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Rosny-sour-Bois. L’école des garçons et la gare (à gauche) dans les années 1930.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

René Beaulieu a pour ami le jeune Georges Guinchan, qui suivra ses parents à Montreuil-sous-Bois et qu’il retrouvera à Royallieu.Il est ajusteur.

Le 1er août 1940, René Beaulieu est arrêté « pour distribution du journal L’Avant-Garde », avec Faustin (dit Gaston) Jouy, Eugène Omphalius et Albert Rossé, tous de Rosny.

Le 22 octobre, René Beaulieu est placé sous mandat de dépôt ou d’écrou.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 8 février 1941, lors d’une audience au cours de laquelle sont jugés 50 militants et militantes communistes (dit « procès des cinquante »), dont dix-sept futurs “45000”, la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine condamne René Beaulieu à quatre mois d’emprisonnement. S’il a passé l’intervalle en détention préventive, il est probablement libéré, à la différence de ses camarades qui restent détenus en internement administratif (à vérifier…)

Le 28 avril 1942, René Beaulieu est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). René y retrouve son père qui y a été transféré depuis le camp français de Rouillé (Vienne) le 9 février précédent. “Gaston” Jouy est arrivé du même camp le 18 mars. Enfin, Eugène Omphalius les retrouve le 20 mai, venant du camp français de Voves (Eure-et-Loir)…

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, René Baulieu est sélectionné – avec son père et quatre autres Rosnéens – parmi plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Baulieu est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45213 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, le père et le fils Beaulieu sont dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 8 septembre, René Beaulieu est admis à l’ “hôpital” des détenus d’Auschwitz-I, au Block 20 (maladies contagieuses).

Il meurt du typhus à Auschwitz 14 septembre 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp. Il n’a pas 20 ans.
Son père, qui a été affecté au Kommando des couvreurs (Dachdeckerkommando) avec Georges Guinchan, meurt quatre jours plus tard.

Le nom de René Beaulieu est inscrit, avec celui de son père (ancien conseiller municipal), sur une plaque commémorative à l’intérieur de la mairie de Rosny-sous-Bois, à l’entrée de la salle des fêtes, et sur le Monument aux morts, place des Martyrs de la Résistance et de la Déportation.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-07-1987).

Notes :

[1] Le Perreux-sur-Marne : Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, page 174.
- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron (aujourd’hui Claude Pennetier), citant : Arch. dép. Seine, DM3, versement 10451/76/1, listes électorales- Arch. préfecture de police. 101 ; Ba 1697- Arch. com. Rosny-sous-Bois.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 386 et 394.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “occupation allemande” : BA ? (…).
- Archives de Paris ; archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941 (D1U6 3719, jugement du samedi 8 février 1941.
- Georges Guinchan, Aide-toi, le Ciel t’aidera, Les Hôpitaux-Neuf, 2001 (mémoires publiées à compte d’auteur), p. 72, 74 et 75.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 60 (n° 30446/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), relevé dans les archives (01-2009).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le  8-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.