Édouard Beaulieu naît le 30 août 1889 à Nomeny, 25 km au nord de Nancy (Meurthe-et-Moselle – 54), fils d’Eugène Beaulieu, 30 ans, jardinier, et d’Adèle Jacob, 28 ans, son épouse.
Édouard Beaulieu est mobilisé au cours de la Grande guerre (1914-1918). Son frère, Alfred Beaulieu, né le 11 janvier 1892 à Nomeny (54), domicilié à Rosny-sous-Bois, est tué à l’ennemi le 15 janvier 1917 à Beuvraigne (Somme), alors qu’il est mobilisé comme marsouin au 43e Régiment d’Infanterie Coloniale. Édouard Beaulieu fait l’objet d’une citation devant les troupes pour son courage et revient mutilé à 25 %. (de quelle manière ?)
Le 9 septembre 1922 à Rosny-sous-Bois, il se marie avec Christiane Collin. Ils ont – au moins – un fils,René, né le 22 décembre 1922 au Perreux-sur-Marne (Val-de-Marne – 94).
Au moment de son arrestation, la famille est domiciliée au 39, rue Hussenet à Rosny-sous-Bois [1] (Seine / Seine-Saint-Denis).
Édouard Beaulieu est monteur électricien. Son dernier employeur est l’Imprimerie française, au 123, rue Montmartre à Paris.
Lors des élections complémentaires du 15 janvier 1933, Édouard Beaulieu est élu conseiller municipal communiste de Rosny-sous-Bois. Il conserve son siège aux élections des 5 et 12 mai 1935. En 1939, à l’occasion du 150 anniversaire de la Révolution française, il participe à la publication et à la diffusion des Cahiers de doléances de Rosny.
Le 9 février 1940, un arrêté du Conseil de préfecture de la Seine proclame la déchéance de son mandat municipal.
- Le Populaire, quotidien édité par la SFIO,
édition du 17 février 1940.
Archives de la préfecture de police, Paris.
Le 1er août 1940, son fils René est arrêté à la suite d’une distribution de tracts, avec Faustin (dit Gaston) Jouy et Eugène Omphalius.
Sous l’occupation, la police française (RG) considère Édouard Beaulieu comme un « communiste notoire,(participant) à la propagande clandestine ».
Le 5 octobre 1940, il est arrêté lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
En avril 1941, Édouard Beaulieu y est rejoint par “Gaston” Jouy, camarade arrêté avec son fils.
Entre temps, le 8 février, la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine a condamné celui-ci à quatre mois de prison.
Le 4 mai, l’épouse d’Édouard Beaulieu écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter une autorisation de visite à son mari accompagnée de son fils (René, après sa libération ?).
Le 6 septembre 1941, Édouard Beaulieu et “Gaston” Jouy sont parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.
Le 9 février 1942, Édouard Beaulieu est parmi les 52 « communistes » de Rouillé (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager). Édouard Beaulieu y est rejoint par “Gaston” Jouy, puis par son fils, arrêté comme otage le 28 avril. Enfin, Eugène Omphalius arrive du camp français de Voves le 20 mai…
Entre fin avril et fin juin 1942, Édouard Beaulieu est sélectionné – avec son fils et quatre autres Rosnéens – parmi plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Édouard Beaulieu est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45212, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, le père et le fils Beaulieu sont dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Avec Georges Guinchan, et bien qu’il soit lui-même électricien, Édouard est affecté au pénible Kommando des couvreurs (Dachdeckerkommando), dont le Kapo – un “vert” – et ses assistants exercent une violence criminelle.
Son fils René meurt du typhus à l’hôpital (Block 20) quatre jours avant lui. Ses camarades n’osent pas l’en informer.
Édouard Beaulieu meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).
Après la guerre, le conseil municipal de Rosny-sous-Bois donne son nom à une rue de la commune.
Son nom est également inscrit, avec celui de son fils René, sur une plaque commémorative à l’intérieur de la mairie (lui-même était conseiller municipal), à l’entrée de la salle des fêtes, et sur le Monument aux morts de Rosny-sous-Bois, place des Martyrs de la Résistance et de la Déportation.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-07-1987).
Notes :
[1] Rosny-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, page 174.
Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron (aujourd’hui Claude Pennetier), citant : Arch. dép. Seine, DM3, versement 10451/76/1, listes électorales – Arch. préfecture de police. 101 ; Ba 1697- Arch. com. Rosny-sous-Bois.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 386 et 394.
Georges Guinchan, Aide-toi, le Ciel t’aidera, Les Hôpitaux-Neuf, 2001 (mémoires publiées à compte d’auteur), p. 72, 74 et 75.
Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, site internet, archives en ligne, registre des naissance de Nomény, année 1889, cote 2 Mi-EC 399/R1, acte n° 15, vue 39/108 ; pour son frère Alfred, année 192, acte n° 1, vue 55/108.
Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 2374 (camps d’internement…).
Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1W89 (dossier individuel).
Archives départementales de la Vienne, cote 109W75 (camp de Rouillé).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 60 (31517/1942).
Site Mémorial GenWeb, Rosny-sous-Bois, relevé de Christiane Level-Debray (02/2004), informations sur le nommé Alfred Beaulieu complétées par Robert Dupays (03-2009).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 25-09-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.