Albert Beaure naît le 24 novembre 1887 à Choisy-le-Roi [1] (Seine / Val-de-Marne – 94), fils de Pierre Beaure, 35 ans, mégissier, et de Mélanie Magdelaine, son épouse, 32 ans, blanchisseuse, domiciliés au 34, rue de l’Épinette. Il a peut-être un frère aîné, Amédée, né le 29 avril 1883.
Pendant un temps, il habite chez ses parents, voie des Roses, à Choisy, et travaille comme emballeur.
Le 6 octobre 1908, il est incorporé au 115e régiment d’infanterie afin d’y accomplir son service militaire. Le 21 mai 1909, il est désigné comme musicien (grosse caisse). Il est renvoyé dans ses foyers le 25 septembre 1910.
Le 3 juin 1911 à la mairie de Vitry-sur-Seine (94), Albert Beaure se marie avec Léontine Virginie Gressier, née le 9 décembre 1882 à Auffrique-et-Nogent (Coucy-le-Château-Auffrique, Aisne), dont les deux parents sont décédés, domiciliée au 37, avenue Rouget-de-l’Isle, à Vitry, chez son frère Léon qui est un de ses deux témoins.
À la suite du décret de mobilisation générale du 2 août 1914, il est rappelé à l’activité militaire. Il part aussitôt « aux armées ». Le 20 septembre suivant, il est nommé caporal. Le 1er avril 1916, la commission de réforme du camp de Coëtquidan le classe « service auxiliaire » pour « impotence fonctionnelle du poignet droit (blessure de guerre) ». Il quitte la zone des armées le 28 décembre 1917. Le 23 mars 1919, il est démobilisé et se retire au 3, voie des Roses. Le 18 décembre 1919, la 1re commission de réforme de la Seine le propose pour une pension temporaire de 20 % pour « reliquat de paralysie du brachial droit ».
En 1929, il est domicilié au 13, voie des Roses, à Choisy-le-Roi.Le 16 août 1930 à Choisy, il épouse Germaine Feunot en secondes noces. Ils n’ont pas d’enfant.
De 1929 à 1939, Albert Beaure déclare comme profession “emballeur” (lors de son arrestation il est déclaré “courtier en assurances” ; une liste établie à la Libération indique “représentant”).
Élu conseiller Prud’homme, il aide de nombreux salariés à bénéficier d’une décision équitable lors des conflits avec leurs employeurs.
Sous l’occupation, la police française note qu’il « participe très activement à la propagande clandestine ».
Le 5 octobre 1940, Albert Beaure est appréhendé « comme syndicaliste » par la police française lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant.
Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.
Comme celui de tous les internés, le courrier d’Albert Beaure passe par la censure de l’administration du camp. Le 25 février 1941, le commandant du CSS émet un avis défavorable sur l’éventualité d’une mesure de libération, car le militant a écrit – sans doute à propos de ses camarades – « …ils s’attendrissent en causant de leurs gosses, de leur femme. Jamais un bourgeois n’aura ces sentiments-là ; ses pensées vont à ce qu’il perd comme revenu, son cœur est dans son portefeuille… »
Le 5 avril 1941, les internés d’Aincourt protestent devant l’absence de réponse du commandant du camp à leur demande de recevoir leurs premières visites à l’occasion de Pâques. Ils appuient leur revendication par un refus de travail.
Sur environ 500 détenus ayant participé au mouvement, 54 sont isolés par mesure disciplinaire. Afin de manifester leur solidarité, leurs camarades refusent de s’alimenter pendant toute une journée, mais rien n’y fait : le lendemain, les 54 sont transférés à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).
D’Aincourt, Albert Beaure écrit à son épouse : « …tu dois le comprendre, c’est le régime du pain et de l’eau pour calmer les esprits. Je ne sais pas si cela aura les résultats escomptés. Pour le moment nous sommes bouclés mais ne désespérons pas. »
Le 6 septembre, Albert Beaure est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.
Le 9 février 1942, il est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin, Albert Beaure est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises ; le train part quand les portes sont verrouillées, à 9 h 30. Un déporté d’Orly, Louis Chevalier, laisse tomber du train un message à destination de son épouse dans lequel il précise qu’il part avec Beaure, Émile Bourset et Adrien Raynal (ces deux derniers également d’Orly).
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Albert Beaure est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45214 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Albert Beaure est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.
À une date restant à préciser, il est inscrit sur un registre de l’ “hôpital” d’Auschwitz, au Block 28 (médecine interne).
Albert Beaure meurt à Auschwitz le 24 octobre 1942, d’après les registres du camp [2].
La mention “mort en déportation” est portée sur les actes de décès (J.O. du 7-08-2007).
Sources :
Marinette Hocquart, 8 mai 1945, la fin du cauchemar, édité par la Ville Choisy-le-Roi en mai 2005, p. 13.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 394.
Cl. Cardon-Hamet, Biographies des déportés du convoi du 6 juillet 1942 de Choisy-le-Roi, fichier informatique, décembre 2006, citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national) – Listes de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes).
Nadia Ténine-Michel, Le camp d’Aincourt (Seine-et-Oise), 5 octobre 1940 – 15 septembre 1942, article in Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost et Jean-Pierre Azéma, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, novembre 1987.
Archives départementales du Val-de-Marne, site internet du conseil général ; tables décennales de Choisy-le-Roi ; état civil de Choisy-le-Roi, registre des naissances de l’année 1887 (cote 1MI 2306 3), acte n° 180 (vue 114/122).
Archives communales de Choisy-le-Roi : registre d’état civil, listes électorales 1929-1935-1939, carton 4H2G “Victimes militaires et civiles 1939-1945”.
Archives de Paris ; registre des matricules militaires, recrutement de la Seine, classe 1907, 3e bureau, volume 2001-2500 (D4R1 1420), Beaure Albert, matricule n° 2105.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) ; cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1W76, 1W89 (notice individuelle).
Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 60 (37239/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 20–12-2016)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Choisy-le-Roi : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Une mention marginale de son acte de naissance, établi par l’état civil français indiquait encore en 1992 : « décédé à Compiègne le 6 juillet 1942 » ; en 2007, c’est le 11 juillet 1942 à Auschwitz qui est retenu (décalage de principe de cinq jours, une fois prise en compte la destination du convoi).