- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Adrien, Louis, Jean, Baptiste, Bécue naît le 5 juin 1911 à Bertry (Nord), fils d’Adrien, Albert, Bécue, 28 ans, frappeur, domicilié à Épernay (Marne) et d’Adèle Delhaye, 24 ans, son épouse, provisoirement domiciliés chez les parents de celle-ci, rue de Logilièce (?).
Il est chaudronnier.
Le 31 décembre 1932, à Bertry, il se marie avec Julienne Raulin. Ils auront un fils, Claude, né en 1934 dans le Nord.
En 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 8, avenue Alexandre-Maistrasse à Suresnes [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92) ; Adrien Bécue est alors tôlier chez Laffly à Asnières (92).
Militant actif de la section de Suresnes de la Région Paris-Est du Parti communiste, selon la police, il est également secrétaire de L’Étoile sportive suresnoise.
Durant les « hostilités », il est “affecté spécial” au titre des Établissement Aivaz, sise au 11, rue Jules-Ferry, à Suresnes, usine spécialisée dans les pièces aéronautiques : radiateurs, pompes à carburant, tôlerie. Au début de l’Occupation, il est sans travail.
Il est inconnu des Renseignements généraux de la préfecture de police avant son arrestation.
Le matin du 25 août 1940, vers 10 h 30, au marché de la cité-jardin de Suresnes, un militant diffuse des tracts du parti communiste clandestin avec l’Appel au peuple de France et des exemplaires ronéotypés de L’Humanité n° 68 datée du 9 août. Deux inspecteurs du commissariat de la circonscription de Pureaux, placés en surveillance, tentent de l’appréhender, mais un attroupement d’une cinquantaine d’individus se forme et une bousculade s’ensuit au cours de laquelle le distributeur parvient à s’enfuir et l’un des inspecteurs est légèrement blessé au visage. Les « agresseurs » se dispersent ensuite dans la foule, assez dense à cette heure, et aucune arrestation ne peut être opérée sur le moment. Les autorité allemandes sont avisées et un officier de la Geheime Feldpolizei se présente au commissariat de Puteaux pour collaborer avec la police municipale. Vers midi, une ronde est effectuée et deux individus convaincus d’avoir pris part à la bagarre sont arrêtés dans un café de la cité-jardin et mis à la disposition du commissariat de police : René Q., 27 ans, de Suresnes, et Adrien Bécue (Gabriel Jules C., 31 ans, ouvrier chaudronnier de Suresnes, reconnu par l’inspecteur blessé, est activement recherché…). Bécue a dans sa poche un exemplaire de l’Appel au peuple de France. Cependant, cette arrestation n’a pas de suite judiciaire (il n’est pas inculpé par le Parquet de la Seine).
Une autre arrestation semble avoir eu lieu le 6 septembre suivant. Le 10 octobre, il est remis aux Allemands. Libéré au bout de six semaines, il est placé sous surveillance.
Le 24 octobre 1941, une perquisition infructueuse est effectuée à son domicile par les services du commissariat de Puteaux.
Le 26 ou 27 avril 1942, Adrien Bécue est de nouveau arrêté, à son domicile ; probablement lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Adrien Bécue est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Adrien Bécue est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45217 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Adrien Bécue est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Le lendemain, son nom figure sur une liste de détenus désignés comme serruriers et affectés au Block 22.
Peu avant sa mort, il y est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.
Adrien Bécue meurt à Auschwitz le 23 décembre 1942, selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée par la résistance polonaise.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-07-1987).
Notes :
[1] Suresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 384 et 394.
Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, éd. Graphein, Paris 2000, page 183.
Archives départementales du Nord, site internet, archives en ligne : registres d’état civil de Bertry, naissances 1900-1911 (3 E 6396), année 1911, acte n° 49 (vue 196/203).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1037-50132).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : copie du registre de la morgue (26 P 850).
MÉMOIRE VIVE (dernière mise à jour, le 7-10-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.