Félix Bédin naît le 10 août 1896 à Marnes (Deux-Sèvres – 79), fils de Pierre Bédin, 34 ans, boulanger, et de Delphine Barret, son épouse, 35 ans.
Le 10 avril 1915, Félix Bédin est incorporé sous les drapeaux comme 2e canonnier au 20e régiment d’artillerie.
Le 21 avril 1916, il passe au 109e régiment d’artillerie lourde, le 7 juillet au 49e régiment d’artillerie, le 1er octobre 1917 au 20e régiment d’artillerie, le 21 décembre au 115e régiment d’artillerie lourde, le 8 février 1918 au 104e régiment d’artillerie lourde, le 1er mars au 143e régiment d’artillerie lourde. Le 12 avril, il passe administrativement dans la réserve de l’armée active, mais est maintenu sous les drapeaux en application du décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Le 4 septembre, il est promu brigadier. Le 16 janvier 1919, il revient au 115e régiment d’artillerie lourde et passe enfin au 13e régiment d’artillerie le 1er février. Le 23 août suivant, il est mis en congé définitif à Marnes (chez ses parents ?), titulaire d’un certificat de bonne conduite (le 2 mars 1930, il recevra la carte du Combattant).
Le 5 octobre 1919, Félix Bédin est classé affecté spécial de l’administration des Chemins de fer de l’État (4e section de chemins de fer de campagne, Subdivisions complémentaires), en qualité d’homme d’équipe à Thouars (79) ; il est déclaré embauché par cette société trois jours plus tard, le 8 octobre.
Le 6 avril 1920 à Messais (Vienne – 86), Félix Bédin se marie avec Marguerite Lagiron, née le 23 octobre 1901 dans ce village (fille de Marie-Louise ?). Ils auront deux enfants.
En 1930, Félix Bédin est nommé chef de train à Loudun (86), poste qu’il conservera au sein de la SNCF [1].
Au moment de son arrestation, Félix Bédin est domicilié au 23, Faubourg du Marbray à Loudun (86).
Il dirige le “rayon” du Parti communiste de Loudun.
Le 23 juin 1941, il est arrêté par des soldats allemands et des policiers français et interné au camp de la Chauvinerie, à Poitiers, caserne réquisitionnée par l’occupant (selon Maurice Rideau, 33 communistes sont arrêtés ce jour-là dans la Vienne [2] ; 28 sont conduits à la Chauvinerie, 14 seront des “45000”).
Le 26 juin, le nom de Félix Bedin figure sur une « liste des communistes arrêtés à Loudun par les autorités allemandes » que la Gendarmerie nationale transmet au préfet de la Vienne.
Le 12 juillet, il fait partie d’un groupe de détenus embarqués à la gare de Poitiers pour être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).
Le 19 mars 1942, probablement interrogé sur le bien-fondé d’une demande de libération, le commissaire de police de Loudun répond par courrier au sous-préfet de Châtellerault à propos de Félix Bédin : « Il a toujours été très violent dans ses paroles envers ses adversaires politiques. Orgueilleux, égoïste et personnel, il est assez mal noté de la population loudunaise et sa libération serait fort mal accueillie à Loudun. […] Il n’a pas été porté à ma connaissance qu’il se soit livré à une propagande interdite quelconque. » Le 1er avril suivant, aux côtés notamment de Georges Fouret, de Saint-Clair (86), Félix Bedin apparaît sur une « liste nominative des personnes originaires du département de la Vienne internées au camp de Compiègne » portant des avis favorables à la libération de toutes, sauf de Bedin : « … sa libération serait mal accueillie par la population. À maintenir au camp. »
Entre fin avril et fin juin 1942, Félix Bédin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 4 juillet 1942, Georges Fouret envoie à sa famille une lettre clandestine annonçant la déportation des otages politiques qui se prépare. Il précise que Félix Bédin est avec lui (après sélection).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Félix Bédin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45221, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Félix Bédin se déclare alors comme cheminot (Eisenbahner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Félix Bédin. Cependant, Lucien Penner, de Vanves (92), rescapé, mentionnera Birkenau.
Félix Bédin meurt à Auschwitz le 10 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp [3], qui indique pour cause mensongère de sa mort « insuffisance (du muscle) cardiaque » (Myocardinsuffizienz).
Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Camille Nivault, de Saint-Ouen (93), Lucien Penner, et Maurice Rideau, de Chatellerault (Vienne).
Le nom de Félix Bédin est inscrit sur le monument aux morts de Loudun, plaque « Guerre 1939-1945 », « Déportés – Fusillés » découverte solennellement le 24 juin 1946, sur la plaque en marbre de l’hôtel de ville dédiée « aux Loudanais morts pour la France » au cours des deux guerres mondiales et enfin sur la plaque en mémoire des agents SNCF morts pendant la guerre 1939-1945, apposée au dessus de la porte d’entrée de la gare de Loudun et inaugurée en… mai 2005.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-07-1987).
Notes :
[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français résultant de la fusion de plusieurs compagnies au début de 1938. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.
[2] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Félix Bédin, c’est le 15 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, 127 et 128, pages 379 et 394.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Deux-Sèvres et de la Vienne (2001), citant : Témoignages de Raymond Jamain (1972, 1989) – Correspondance de Maurice Rideau (2-10-1971) – Correspondance d’Émile Lecointre, résistant, déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943, responsable de la FNDIRP jusqu’en 1983 (23-2-1989) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Camille Monceau, fille de Georges Fouret, de Saint-Clair (7-01-2008) : copie et transcription d’un courrier clandestin.
Archives départementales des Deux-Sèvres (AD 79), site internet du conseil général, archives en ligne ; état civil de Marnes 1891-1896, registre des naissances de l’année 1896 (cote 2 MI 646), acte n°12 (vue 31/33) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Niort, classe 1916, n° de 997 à 1494, matricule 1382 (vue 607/794).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 62 (35027/1942).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copie de l’acte de décès du camp.
Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
Comité de Loudun du Souvenir français, site internet, page consacrée à Félix Bédin, citant notamment le Registre matricule des Deux-Sèvres 1916-1832 (message de Jérôme Moreau, 09-2013).
Site Mémorial GenWeb, 86-Loudun, relevé d’André Lapeyre (2002).
Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013), photographie de Jean-Jacques Guilloteau.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 30-08-2021)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.