En mars 1937… © RATP/Archives définitives.

En mars 1937…
© RATP/Archives définitives.

Joseph Biffe naît le 15 janvier 1898 à Maisons-Alfort (Seine / Val-de-Marne), chez sa mère, Marie Biffe, journalière, âgée de 20 ans, domiciliée au 19, rue Marceau, fils de « père non-dénommé ». Il est pupille de l’Assistance publique de la Seine. Il a un frère aîné, Paul, Adrien, né le 6 mars 1896 à Basoches (Nièvre), également de père inconnu, leur mère étant alors âgée de 18 ans.

Le 18 avril 1908 à la mairie de Dampmart (Seine-et-Marne – 77), Marie Biffe, 30 ans, se marie avec Alphonse Frédéric de Temmerman, 49 ans, belge, manouvrier, veuf depuis novembre 1906. Au recensement de 1911, les deux fils Biffe n’habitent pas avec la famille de Temmerman… et leur mère.

Le 15 janvier 1915, Joseph Biffe, âgé de 17 ans, est embauché comme camionneur – considéré comme ouvrier agricole – chez François Deblicker, belge, né en 1860, patron cultivateur au lieu-dit Aubigny à Montereau-sur-le-Jard, 6 km au nord de Melun (77).

Le 9 septembre 1915, alors qu’il est de la classe 1918, Joseph Biffe devance sa mobilisation et s’engage volontairement pour la durée de la guerre à la mairie de Melun. Deux jours plus tard, il est incorporé au 95e régiment d’infanterie comme soldat de 2e classe. Il rejoint le front le 29 février 1916 (?).

Le 29 juillet 1916 à Dampmart, son frère Paul Biffe se marie avec Germaine, Georgette, de Temmerman, polisseuse, née le 1er juin 1896 à Dampmart, fille de son beau-père Frédéric. Paul Biffe deviendra gardien de la Paix (à vérifier…).

Le 28 février 1917, alors que son unité est cantonnée dans le sous-secteur du Four-de-Paris en forêt d’Argonne, Joseph Biffe est promu caporal. Le 30 mars suivant, il est cité à l’ordre de son régiment : « Volontaire pour une reconnaissance poussée dans les lignes ennemies, s’est fait remarqué par sa belle attitude au cours de deux coups de main effectués… [illisible] 27 mars 1917 ». À cette dernière date, le journal de marche et opérations du régiment rapporte : « Un coup de main organisé et exécuté par la section d’élite du régiment nous a permis de ramener deux prisonniers dont un blessé. Journée assez mouvementée, bombardement par obus et torpille. Un soldat tué ». Précédemment, à la date du 7 mars, il est relaté : « À 5 heures du matin, la section d’élite du régiment, sous les ordres du sous-lieutenant Durassié, par un coup de main heureux, a pénétré dans la tranchée allemande Arc-de-Cercle, en face du front II, du quartier des Meurissons. Après une rapide exploration, le jet d’explosifs dans les abris, la destruction d’un PP ennemi, la section rentre au complet dans nos lignes ; 5 blessés légers, dont 1 sergent ». Le 16 juin, Joseph Biffe est de nouveau cité à l’ordre de son régiment, alors cantonné dans le secteur de la Main de Massiges, en Champagne : « Faisant partie du détachement de reconnaissance, a pris part à toutes les missions dangereuses ; modèle de bravoure et d’audace ». Joseph Biffe est finalement cité à trois reprises. Pour ces actions, il reçoit la Croix de guerre (il recevra la Médaille militaire en octobre 1932). Toujours dans le même secteur, l’artillerie allemande déclenche dans la nuit du 15 au 16 septembre un intense bombardement allemand par torpilles à gaz sur les ravins des Faux et des Noyers : trois soldats sont tués et sept évacués pour intoxication, dont Joseph Biffe (atteint au poumon gauche ?).

Le 21 mai 1918, celui-ci est affecté au 4e bataillon d’infanterie légère d’Afrique, qu’il rejoint dans son cantonnement du secteur de Trigny, 10 km au nord-ouest de Reims (Marne). Une semaine plus tard, le 28 mai, au début de la grande offensive allemande débordant le Chemin des Dames en direction de la Marne, alors que « L’ordre est donné aux unités de continuer leur mission de sacrifice et de ne reculer que pied à pied », Joseph Biffe est porté disparu à Courcy, près du canal de l’Aisne à la Marne : fait prisonnier de guerre, il est détenu à « Grashen-Coudier » [?] et reste en captivité jusqu’au 8 janvier 1919. Rapatrié, il est affecté au 31e RI. Le 1er octobre 1919, il rentre dans ses foyers à Dampart, titulaire d’un certificat de bonne conduite (« mis en congé illimité de démobilisation » le 1er novembre).

Le 11 mars 1919, à Lagny-sur-Marne (77), toujours mobilisé, Joseph Biffe épouse Marie-Thérèse Haccard, 17 ans et 1/2, née le 24 novembre 1901 à Paris 15e, domestique, dont les deux parents sont décédés. Sa propre mère, Marie Biffe, est alors également déclarée décédée

Le 1er octobre 1919, Joseph Biffe rentre dans ses foyers à Dampmart (77), titulaire d’un certificat de bonne conduite ; « mis en congé illimité de démobilisation » le 1er novembre (il recevra la Médaille militaire en octobre 1932).

Les Biffe ont une fille : Cécile, née le 18 février 1920.

En mai 1921, la famille habite au 36, rue du Poteau, à Paris 18e.

Le 21 janvier 1921, Joseph Biffe entre comme receveur à la STCRP (Société des transports en commun de la région parisienne , crée à cette date [1]). Quelques mois plus tard, il devient machiniste (conducteur) sur tramway. Il est affecté sur la ligne 66 (Colombes Gare/Asnières Quatre Routes/Gennevilliers/Saint-Ouen Mairie/Porte de Clignancourt) au dépôt de Saint-Ouen [2] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).

Le trajet du tramway 66.

Le trajet du tramway 66.

Le 13 novembre 1921, il est appréhendé par la police lors d’une manifestation “communiste” aux abords de la tombe du Soldat inconnu, puis relaxé après “vérifications d’usage”.

À partir du 1er janvier 1924 et jusqu’à son arrestation, Joseph Biffe est domicilié au 58 (ultérieurement renuméroté 62 ?) rue Anselme à Saint-Ouen.

Adhérent au Parti communiste et membre du Syndicat Unitaire du personnel de la STCRP, il participe au mouvement de grève du 9 octobre 1925, à la suite duquel il est révoqué. Il trouve alors un emploi de manœuvre à l’usine Thomson-Houston, rue Adrien Meslier à Saint-Ouen.

Le 29 janvier 1926, la 14e chambre du tribunal civil de la Seine prononce le divorce d’avec son épouse.

Joseph Biffe vit alors maritalement avec Anna Coat, née le 8 mai 1909 à Paris 8e. Ensemble, ils ont deux garçons : Georges, né le 10 août 1926, et Raymond, Roger, né le 24 avril 1928 à Paris 10e.

Le 8 décembre 1926, il sollicite sa réadmission, comme machiniste, à la STCRP.

En juin 1928, Joseph Biffe rompt de nouveau son contrat de travail avec cette entreprise. Cette même année, il est candidat (non élu) sur la liste du Bloc Ouvrier-Paysan aux élections législatives dans la circonscription de Saint-Ouen.

En mai 1929, il dirige la liste communiste lors des élections municipales à Saint-Ouen.

Le 3 juin 1931, il est réintégré dans son précédent emploi.

Début 1932, il travaille comme ajusteur mécanicien. En début d’année, il dépose auprès du procureur de la République son intention de reprendre la publication d’un journal ayant pour titre « Unitaire », lequel sera imprimé à la Maison des Syndicats, 33 rue de la Grange-aux-Belles.

En avril 1933, comme les autres agents affectés à la ligne n° 66, il est muté au dépôt de Saint-Ouen à celui d’Asnières.

Le 7 août 1933 à 23 h 30, son fils Raymond, âgé de cinq ans, décède à l’hôpital pédiatrique Bretonneau, 2 rue Carpeaux à Paris 18e.

Le 30 avril 1934, Joseph Biffe devient machiniste sur omnibus automobile (OA – autobus). Il est alors muté au dépôt des Poissonniers, à Paris 18e.

En décembre 1935, comme les autres agents affectés à la ligne n° 66, il est muté du dépôt des Poissonniers à celui de Michelet, à Saint-Ouen.

Bus Renault de 1936 photographié dans les années 1970. Carte postale. Collection P. Labate.

Bus Renault de 1936 photographié dans les années 1970.
Carte postale. Collection P. Labate.

Le 18 juillet 1936, à la mairie de Saint-Ouen, il se marie avec sa compagne, Anna Coat.

Du 17 août au 4 octobre 1936, puis, du 1er juillet au 19 septembre 1937, Joseph Biffe est mis en disponibilité par son entreprise comme permanent du Syndicat général du personnel de la TCRP.

Le 30 novembre 1938, il participe à la grève nationale lancée par la CGT pour protester contre l’abandon des mesures sociales du Front populaire. Dans un « rapport spécial » ultérieur, l’inspecteur et le chef du dépôt Michelet rapportent que Joseph Biffe s’est présenté sur son lieu de travail à l’heure de sa prise de service, à 6 h 43, « mais n’a pas voulu sortir la voiture qui lui était indiquée ». Notant l’« attitude de cet agent au cours de la journée du 30 novembre », ils la déclarent mauvaise, ajoutant : « Meneur très actif ». Le 3 décembre, le machiniste est interrogé par l’ingénieur en chef, chef du groupe Nord, qui note dans un rapport aux formules stéréotypées : [dactylographié] « cet agent a invoqué le motif suivant pour son absence au service pour lequel il était commandé le 30 novembre 1938 : [manuscrit] a obéi aux ordres de la C.G.T. ». Puis [dactylographié] « Attitude au moment de l’interrogatoire : [manuscrit] attitude décidée de quelqu’un qui est sûr de son bon droit. »

Dans une lettre-circulaire (non nominative) datée du 6 décembre, le directeur du personnel de la STCRP informe Joseph Biffe que, n’ayant pas assuré son service le mercredi 30 novembre, « le contrat qui vous liait à notre société étant ainsi rompu de votre fait, vous ne faites plus partie de notre personnel ».

Il trouverait alors un emploi comme mécanicien dans une usine de Saint-Ouen.

En septembre 1939, il serait « malade », selon un courrier ultérieur de son épouse.

À partir du 9 octobre 1939, il est employé comme chauffeur-conducteur de camions automobiles par l’entreprise de transports Georges Laurent, 23 bis rue du Petit-Château à Charenton-le-Pont (Seine / Val-de-Marne).

Le 2 septembre 1940, Joseph Biffe écrit à l’administrateur délégué de la STCRP pour lui demander où en est le processus de réintégration envisagé avec la direction en juillet 1939 (probablement en raison de la mobilisation de ses ex-collègues), ou sinon d’organiser sa mise à la retraite.

Sous l’occupation, la police française (RG) le considère comme un « communiste notoire – Agent actif de la propagande clandestine. Distributeur de tracts ».

Le 5 octobre 1940, Joseph Biffe est arrêté lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain à l’encontre des responsables communistes de la région parisienne avant guerre (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement. Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents.

Le 4 décembre 1940, Joseph Biffe fait partie d’un groupe d’une centaine d’internés « choisis parmi les plus dangereux » transférés par mesure préventive à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [3], près de Saumur (Maine-et-Loire) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. Les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale. Ils apprennent que 70 communistes purgent une peine dans le secteur carcéral.

Fontevraud, l’entrée. Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Fontevraud, l’entrée. Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Le 20 janvier 1941, sans être informés de leur destination, la même centaine d’internés est conduite à la gare de Saumur où les attentent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est où ils rejoignent 69 autres militants communistes en attente de transfert.

Le train les amène à la gare de Clairvaux d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux (Aube). Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 14 mai, Joseph Biffe fait partie – avec Maurice Guy – des 98 détenus transférés au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique), parmi lesquels plusieurs seront fusillés le 22 octobre : Guy Moquet, Charles Michels, Jean Poulmarch, Jean-Pierre Timbault, Maurice Ténine, Auguste Pioline… Selon un courrier officiel, ce convoi est « uniquement composé des principaux meneurs considérés comme dangereux à la maison centrale ».

Joseph Biffe, “interné administratif” à Châteaubriant. Tous droits réservés.

Joseph Biffe, “interné administratif” à Châteaubriant.
Tous droits réservés.

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Le 21 juin 1941, Joseph Biffe écrit au préfet de police afin de protester contre une punition collective prise par la direction du camp à la suite d’évasions, mesure qui a pour conséquence de le priver de soins médicaux : « Je n’ai plus de dents, et pour [ce] qui me reste, je suis en traitement d‘urgence suivant la venue d’abcès que j’ai à la mâchoire. Sans soins, je risque de perdre le reste de mes dents, voire même l’empoisonnement. » Probablement bénéficiait-il d’autorisations de sortie pour se faire soigner en ville… Il conclut sa lettre en réclamant – entre autres – sa libération. Le 24 juillet, le préfet de police répond à la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés qu’il estime cette libération « inopportune ».

Jeudi 15 janvier 1942 : Pierre Rigaud, d’Ivry-sur-Seine, – qui a subi le même parcours en détention – lui rend visite à l’infirmerie du camp.

Jeudi 22 janvier, Pierre Rigaud écrit dans son journal : « Scandale à l’infirmerie. Le docteur, homme sans aucune conscience professionnelle et détesté de tous, veut contraindre notre camarade Biffe à quitter la salle de l’infirmerie pour regagner sa baraque. Notre camarade a été terrassé par une congestion cérébrale. Il est encore extrêmement faible. Il lui faut soins et chaleur. Tous, y compris les infirmières, se sont opposés à l’application de cette mesure. Le docteur a menacé de faire intervenir les gendarmes. L’affaire en est là pour ce soir, mais le docteur aurait déclaré que demain Biffe devrait partir puisque telle était sa volonté et que c’était lui qui commandait. »

Samedi 24 janvier, Pierre Rigaud écrit : « Malgré la décision du docteur, Biffe reste à l’infirmerie, en raison de son état. Il souffre d’ailleurs d’un abcès provoqué par une piqûre. Le matériel dont se servent les infirmières est vieux, usagé, sale. Les conditions d’hygiène de l’infirmerie sont défectueuses. »

Le samedi 7 février à 11 heures, Joseph Biffe fait partie de neuf internés remis aux “autorités d’occupation” à leur demande, avec François Berland, Corentin Cariou, Jules Crapier, Louis Goudailler (matricule n° 45618), Maurice Guy (matricule n° 45647), Maurice Léonard, Pierre Rigaud et Louis Thorez. Escortés par neuf Feldgendarmes, ils partent dans un autocar arrivé au camp à la dernière minute, et dans lequel deux infirmiers internés viennent installer Joseph Biffe. À midi, ils arrivent à la gare de Rennes. Après avoir été isolés dans une salle d’attente, ils sont conduits à 13 h 10 dans trois compartiments d’un wagon de 3e classe réservé par l’armée allemande ; trois internés par compartiment avec leur escorte. Arrivés à Paris, gare Montparnasse à 18 h 35, ils sont transférés à la Gare du Nord par le métro. Ils montent dans le train de 22h33 à destination Berlin, dans des conditions de voyage identiques ; Biffe et Goudailler partagent alors le même compartiment, avec Pierre Rigaud. À minuit, descendus du train à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, (Oise), ils attendent dans la “salle des pas perdus”. Vers 1 heure 1/4, ils montent dans un camion bâché. À l’entrée du camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122Polizeihaftlager), ils sont remis à un soldat armé. « Biffe marche le dernier, péniblement appuyé sur sa canne. » Ils sont provisoirement conduits dans une grande salle dépourvue de mobilier du bâtiment D7, puis dans la petite salle de police de la prison (« Arrest Haus ») de l’ancienne caserne, où ils passent la journée suivante (dimanche). Le lundi 9 février, ils sont enregistrés par l’administration du camp, avant d’être répartis dans les bâtiments du camp A des politiques français. Joseph Biffe est assigné au bâtiment A5.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 7 mars, Corentin Cariou et Pierre Rigaud sont fusillés, avec Baptiste Réchossière, en représailles d’un attentat contre un soldat allemand à Paris le 1er mars.

Entre fin avril et fin juin 1942, Joseph Biffe est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Dans la nuit du 21 au 22 juin 1942, Jules Crapier, Maurice Léonard et Louis Thorez font partie des dix-neuf responsables communistes qui s’évadent par un tunnel creusé secrètement jusqu’à l’extérieur du camp.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sélectionnés pour la déportation sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises.

Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet 1942, Joseph Biffe est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45246 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Joseph Biffe se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.  Joseph Biffe ferait partie des détenus maintenus au sous-camp de Birkenau (vérifier source…).

Il meurt dans le complexe concentrationnaire d’Auschwitz-Birkenau le 4 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [4].

La mention “mort en déportation” est portée sur les actes de décès (J.O. du 9-09-1987).

Le 8 mai 1946, une cérémonie est organisée pour dévoiler une plaque apposée à l’extérieur de  l’entrée du dépôt d’hydrocarbures du 59 avenue Michelet à Saint-Ouen (93) sous le sigle de la CMP (Chemin de fer Métropolitain de Paris) [1] ; en 2025, Unité opérationnelle véhicules auxiliaires, entité véhicules de service. Le nom de Joseph Biffe y figure  parmi les 32 agents de quatre dépôts d’autobus Michelet, Épinay, Gonesse et Poissonniers : « À nos camarades morts pour la France, victimes de la barbarie nazie 1939-1945 ». On y trouve également Gaston Gaudy (45579) et Joseph Kermen (45703).

À Saint-Ouen, le nom de Joseph Biffe est également inscrit  sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau ».

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005 dans le square des 45000 et des 31000 (photo Mémoire Vive).

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”,
inauguré le 24 avril 2005 dans le square des 45000 et des 31000 (photo Mémoire Vive).

Notes :

[1] STCRP-CMP-RATP : Le 1er janvier 1942, le Conseil des Transports Parisiens, émanation du gouvernement de Vichy, impose la gestion par la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP) du réseau de surface – les bus – précédemment exploité par la Société des transports en commun de la région parisienne (STCRP), fusion de fait d’entreprises privées qui prélude la gestion des transports parisiens par un exploitant unique.

La loi du 21 mars 1948 crée l’Office Régional des Transports Parisiens, nouvelle autorité de tutelle du réseau, et la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP), établissement public à caractère industriel et commercial, qui se voit chargée de l’exploitation des réseaux de transport publics souterrains et de surface de Paris et de sa banlieue. (source Wikipedia)

[2] Saint-Ouen : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Joseph Biffe, c’est le d’abord le 30 juin 1942 (sic) « à Birkenau » qui a été retenu pour certifier son décès (13-09-1946) ; rectifié par décision du tribunal de G.I. de Créteil (12-11-1993).

Sources :

- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron (aujourd’hui Claude Pennetier) : Arch. Nat. F7/13264.
- Henri Hannart, Un épisode des années 40, Matricule : F 45652 (les intérêts de certains ont fait le malheur des autres), trois cahiers dactylographiés par son fils Claude, notamment une liste page 23.
- Fernand Devaux, note.
- Archives départementales du Val-de-Marne, site internet ; état civil de Maisons-Alfort, registre des naissances de l’année 1898 (1MI 2428 1), acte n° 12 (11/133).
- Conseil départemental de Seine-et-Marne, site internet, Archives départementales (AD 77) ; registres des matricules du recrutement militaire, classe 1918, bureau de Melun (1R1469), n° 450 (vues 860-862/962).
- Archives de la RATP, Paris : dossier individuel.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande”, camps d’internement, « militants communistes internés adm. par la PP à la MC de Clairvaux et transférés le 14 mai 1941 au CSS de Châteaubriant (L-I.) » (BA 2374) ; carton “PC” n°VII, A.S. du 20 décembre 1940 sur le CSS d’Aincourt.
- Nadia Ténine-Michel, Le camp d’Aincourt (Seine-et-Oise), 5 octobre 1940 – 15 septembre 1942, article in Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost et Jean-Pierre Azéma, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, novembre 1987.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 395.
- Jean-Marie Dubois, Malka Marcovich, Les bus de la honte, éditions Tallandier, 2016, pages 144, 145, 146 et 189.
- Louis Poulhès, Les camps d’internements de Châteaubriant, Choisel et Moisdon-la-Rivière, 1940-1945, éditions Atlande, Neuilly, septembre 2023, pages 68-70 et 213-215, liste finale, matricule n° 558.
- Pierre Rigaud, Journal d’un otage français, 1941-1942, édité par Louis Poulhès, éditions Atlande, Neuilly, janvier 2025, pages 20, 321, 328, 330, 352, 356, 360, note page 448.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 90 (38880/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-03-2025)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.