- Jean Blumenfeld dans les années 1930.
Collection Pascale Solignac Peulier
déposée au Mémorial de la Shoah. Reproduction interdite.
Chaïm, Szija, Blumenfeld, naît le 8 janvier 1903 à Żarki, province de Kielce (Pologne), fils de David Blumenfeld et d’Estera (Esther) Dombrowicz, son épouse.
En 1904 (?), la famille arrive en France ; dont une sœur cadette, Sura (Sarah), née le 25 décembre 1905 à Żarki. Le couple a un troisième enfant, Violaine.
- Jean, Sarah et Violaine Blumenfeld dans les années 1910.
Collection Pascale Solignac Peulier
déposée au Mémorial de la Shoah. Reproduction interdite.
En 1920, la famille emménage au 6, rue du Grenier-Saint-Lazare, à Paris 3e arrondissement.
Avant son mariage, Chaïm Blumenfeld, employé, habite au 308, rue Saint-Martin.
Le 20 avril 1925 à Paris 10e, il épouse Mariette Dauthuille, née le 5 mars 1901 à Nouvion-en-Thiérache (Aisne), employée. Ils ont une une fille, Jacqueline, née le 13 décembre 1926 à Paris 10e.
Chaïm, dit Jean, Jules, Blumenfeld dépose une demande de naturalisation le 15 février 1931. Le 18 janvier 1934, celle-ci fait l’objet d’une décision d’ajournement. Comme il ne présente pas de nouvelle requête, il conserve la nationalité polonaise.
Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 5 rue Torricelli à Paris 17e.
Jean Blumenfeld est alors chef-comptable.
Selon un document, sa mère (née en 1869) et une de ses sœurs (Violaine ?) décèdent en 1939.
Sous l’occupation nazie, le 14 mai 1941, il est arrêté. Il fait probablement partie des milliers de juifs étrangers résidant à Paris convoqués par la police française pour être aussitôt arrêtés (rafle dite “du billet vert” [1]) et dirigés vers les camps français de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, tous deux dans le Loiret. Comme Mayer Wyszynski, de Paris 4e, Jean Blumenfeld est interné à Beaune-la-Rolande. Là, son épouse et sa fille peuvent lui rendre visite à plusieurs reprises. Il devient très proche du compositeur Ralph Erwing [2]. Jean Blumenfeld est libéré le 26 août, peut-être en tant que mari d’« aryenne ».
Le 31 mars 1942, il quitte Paris. Quatre jours après, le 3 avril, il est arrêté à Nérondes (Cher), entre Bourges et Nevers, en tentant de passer clandestinement la ligne de démarcation, ayant été « vendu » en même temps que trois autres personnes par un “passeur” qui les a conduit « à proximité du poste allemand au moment de franchir la ligne en plein bois ». Jean Blumenfeld est hospitalisé à Bourges.
Le 16 avril, le tribunal militaire de la Feldkommandantur de Bourges le condamne à un mois de prison qu’il effectue à l’hôpital de la ville en raison de son état physique (conséquence de l’arrestation ? à vérifier…).
Le 16 mai, il est conduit au camp français de Pithiviers (45) pour y être interné.
Le 2 juin, Jean Blumenfeld est transféré à la prison militaire d’Orléans (45), puis au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager), où il est interné dans le sous-camp des Juifs (matricule 5976, bâtiment C7, chambre 10).
Entre fin avril et fin juin 1942, Chaïm-Jean Blumenfeld est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Jean Blumenfeld est désigné comme otage juif.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Chaïm Blumenfeld est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46269 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Chaïm-Jean Blumenfeld.
Il meurt à Auschwitz le 11 août 1942, d’après les registres du camp ; un mois après l’arrivée de son convoi.
Sa sœur, sténodactylographe, habitant chez leur père au 6, rue du Grenier-Saint-Lazare, a été arrêtée lors de la rafle du Vel d’Hiv, le 16 ou 17 juillet 1942. Le 22 juillet suivant, elle a été déportée vers Auschwitz-Birkenau dans un transport du génocide (convoi n° 9) emportant 996 personnes dont 385 femmes. Le nombre de personnes enregistrées dans le camp est inconnu ; cinq hommes ont survécu.
Son père, David Blumenfeld, né le 25 janvier 1878 à Zarki (Pologne), artisan fourreur, est arrêté lors d’une rafle le 11 ou le 15 février 1943 et conduit au camp pour Juifs de la Muette à Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis). Le 2 mars suivant, il est déporté à partir de la gare de Drancy vers Auschwitz-Birkenau dans un transport du génocide (convoi n° 49). Considérant son âge – 67 ans -, David Blumenfeld est probablement “sélectionné” comme “inapte au travail” à la sortie des wagons. Sur 1000 personnes, 881 ont été gazées dès l’arrivée. L’administration française l’a enregistré décédé le 8 mars 1943 à Lublin.
À la mi-juillet 1942, Mariette Blumenfeld a reçu la carte-formulaire émise par l’administration militaire du Frontstalag 122 de Royallieu pour l’informer que son mari avait été transféré dans un camp de travail et qu’il lui fallait attendre de ses nouvelles. Elle l’a attendu trois ans…
Sur une fiche liée à un acte officiel de disparition établi par l’administration française le 8 août 1946, le matricule à Auschwitz et la date exacte de la mort de Chaïm Blumenfeld sont correctement indiqués.
Le 3 février 1954, la veuve de Chaïm Blumenfeld rempli un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté politique pour son mari. Le 3 janvier 1956, le ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre lui envoie, au titre d’ayant-cause, la carte établie au nom de son mari (n° 1.01.75.08401).
La mention “Mort en déportation” est apposée en marge des actes de décès respectifs de David et Chaïm Blumenfeld (JORF du 2-10-1987).
Sources :
Son nom (son prénom orthographié « Chaine ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre, page 60.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 396 ; notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002).
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Chaïm/Jean, de David et de Sarah Blumenfeld (cotes 21 p 427 228, 21 p 427 229 et 21 p 427 228), recherches de Ginette Petiot (message 04-2013).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).
Catherine Tirano et Pascale Solignac, ses petites-filles, filles de Jacqueline (messages (03-2013).
Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, moteur de recherche.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 22-04-2013)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] La rafle du “billet vert” : Dès le 4 octobre 1940, un décret signé par le maréchal Pétain permet d’interner « les ressortissants étrangers de race juive » dans des camps spéciaux, sur simple décision préfectorale et sans motif. À la veille du 14 mai 1941, sur ordre de l’occupant allemand et à partir des recensements effectués depuis septembre 1940 par les autorités françaises, 6694 Juifs étrangers habitant en région parisienne, hommes de 18 à 60 ans, reçoivent une convocation individuelle pour un « examen de situation », dans cinq centres : caserne de Napoléon, caserne des Minimes, rue Edouard-Pailleron, rue de la Grange aux Belles, gymnase Japy. La lettre de convocation précise que chacun doit se présenter en personne, accompagné d’un membre de sa famille ou d’un ami. « La personne qui ne se présenterait pas aux jours et heures fixés, s’exposerait aux sanctions les plus sévères ». Plus de la moitié obéissent, car ils pensent qu’il ne s’agit que d’une formalité administrative. Ceux qui se présentent ne sont pas libérés. L’accompagnateur est chargé de rapporter une valise avec un minimum d’effets personnels et des vivre. 3430 Juifs polonais, 123 Juifs apatrides et 157 Juifs tchèques sont ainsi arrêtés. Ils sont transférés en autobus à la gare d’Austerlitz et déportés le jour-même par quatre trains spéciaux vers les camps d’internement du Loiret, créés à cette occasion dans d’anciens camps de prisonniers de guerre français, transférés depuis en Allemagne (à peu près 1700 à Pithiviers et 2000 à Beaune-la-Rolande). Bien que le terme de “rafle” soit impropre, puisque les victimes ont répondu à une convocation, il a été consacré par l’usage car il s’agit de la première vague d’arrestations massives de Juifs sous le régime de Vichy.
[2] Ralph Erwing. Ralmund Erwin Vogl, né le 31 octobre 1896 à Bielitz, en Silésie (Allemagne), alias Ralph Erwin, alias Harry Wright. En 1933, Ralph Erwin doit émigrer en France. Il vit à Paris et compose avant tout pour le cinéma : L’auberge du Petit Drago (1934), Monsieur Sans Gêne (1935), La dame de Vittel, L’île des Veuves, La reine des resquilleuses (1936), L’Amour veille (1937), Le Drame de Shanghai, Tempête sur l’Asie(1938), Jeunes filles en détresse (1939)…
À l’entrée des Allemands en France, Ralph Erwing est interné avec son épouse dans un camp pour étrangers. Ils sont libérés cinq mois plus tard. Il vit alors dans la clandestinité. De nouveau arrêté par la police française, il est interné au camp de Beaune-La-Rolande. Gravement blessé lors d’un bombardement en mai 1943, il meurt à l’hôpital quelques jours après, le 15 mai. Il est enterré près du camp de Beaune-La-Rolande ; son épouse sera inhumée près de lui. (source : site de Claude Torres). Le musicien dédicacera à Jacqueline, fille de Jean Blumenfed, le programme d’un spectacle donné au camp. Elle et sa mère resteront proches de Madame Erwing jusqu’au décès de celle-ci dans les années 1950.