- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Louis, Marius, Boccard naît le 18 octobre 1907 à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) ; fils d’Isidore Boccard, verrier, et d’Anne Desvignes. Ses parents viennent habiter à Boulogne-Billancourt [1] (Seine / Hauts-de-Seine). Il a une sœur, Denise, née en 1906 à Chalon.
Le 11 août 1914, leur père est mobilisé au 56e régiment d’infanterie. Le 1er octobre suivant, au bois d’Ailly (Meuse), il est grièvement blessé par trois balles le touchant à la main droite, au bras droit et au bras gauche. Le 24 janvier 1916, il reçoit la Médaille militaire, et la Croix de guerre avec palme le 14 février suivant. Le 10 septembre, il est admis par le décret à une pension de retraite à titre de blessure, avec invalidité permanente de 80 %, et se retire au 8 rue R. Bureau à Paris (11e ?).
En 1921, le père et ses deux enfants habitent au 13 rue de l’Église à Boulogne-Billancourt [1] (Seine / Hauts-de-Seine), la mère n’étant pas présente (supposée décédée). Cette année-là, Isidore, infirme de guerre, est déclaré sans profession.
En 1926, Louis Boccard est tourneur sur métaux, comme sa sœur Denise, semble-t-il ; leur père est désigné comme « gardien ».
Le 14 janvier 1928 à Boulogne, Louis Boccard se marie avec Marthe Godfrin, née née le 24 mai 1907 à Sedan (Ardennes), cartonnière. Ils ont un fils, Jacques, né le 1er mai 1927 à Paris (?).
En 1931, son père, Isodore Boccard, habite toujours au 13 rue de l’Église à Boulogne.
En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Louis Boccard habite au 82, rue Thiers à Boulogne-Billancourt. L’année de ce recensement, il est tourneur aux Établissements Camaud, à Boulogne (où son épouse est mécanicienne ?).
Du 22 février 1937 au 24 novembre 1938, puis du 5 décembre suivant au 22 décembre 1939, Louis Boccard est tourneur sur métaux aux usines Renault de Billancourt.
Selon la police, à partir de 1936, il est membre du Parti communiste au sein de la section de Boulogne-Billancourt de la région Paris-Ouest. Son épouse partage ses convictions.
Le 22 décembre 1939, Louis Boccard est arrêté par les services du commissariat de police de la circonscription de Boulogne-Billancourt pour diffusion clandestine Le 22 décembre 1939, Louis Boccard est arrêté par les services du commissariat de police de la circonscription de Boulogne-Billancourt pour diffusion clandestine « sur son lieu de travail » d’exemplaires ronéotypés de L’Humanité. S’appuyant sur les Archives de la justice militaire au Blanc, Jean-Pierre Besse (dictionnaire DBMOF Maitron) mentionne une distribution à la sortie des usines dans laquelle est également impliquée Juliette Moyen-Zalnikow, « épouse d’un collègue alors mobilisé », Raymond Moyen.
Interrogé, Louis Boccard reconnaît avoir reçu, deux mois et demi plus tôt, trois numéros de L’Humanité, qui lui ont été adressés par la poste sans mention d’expéditeur, et dont il a fait lire le premier numéro à un nommé Laurent. Interrogée Juliette Moyen « ne se rappelle pas d’avoir envoyé à Boccart de tracts, ni se souvenir d’où provenait ce numéro : on a dû le glisser dans sa poche, mais [elle] ignore qui. » Louis Boccard et Juliette Moyen sont conduits au dépôt de la préfecture de police.
Le 26 décembre, Louis Boccard est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).
Le 12 ou le 17 mars 1940, il est remis en liberté. Le 21 mars, il entre à la Société générale de fabrication aéronautique, dans l’atelier M, au 8 rue Paul-Bert, probablement avec un statut d’affecté spécial dans une entreprise travaillant pour la Défense nationale.
Le 11 mai suivant, le 2e tribunal militaire de Paris le condamne à six mois de prison avec sursis pour détention d’un tract communiste.
Le 24 mai, alors que l’invasion allemande a commencé, Louis Boccard est radié de l’affectation spéciale dans son entreprise par mesure disciplinaire « (manœuvres communistes) » et incorporé à la 24e compagnie du Train au fort. d’Ivry par un ordre de route du général commandant la place de Paris. Il est démobilisé le 8 août suivant.
Il est inscrit au fonds de chômage de sa commune de domicile du 22 août au 11 octobre, date à laquelle il retrouve un emploi dans la métallurgie.
Dans cette période, la police française le considère comme un « communiste notoire (déployant) une grande activité dans la propagande clandestine ».
Le 26 octobre, sur rapport du commissaire de police de la localité, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939, parmi 38 personnes visées ce jour-là dans le département de la Seine (dont 12 futurs “45000”). Le jour même, Louis Boccard est interpellé par des inspecteurs du commissariat de Boulogne-Billancourt qui ne lui en disent pas le motif et le conduisent au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Le 11 février, il signe une requête adressée au chef de camp pour demander sa libération, en justifiant qu’il trouve arbitraire son internement et souhaitant être rendu à sa famille « dans la gêne ».
Le 6 septembre 1941, Louis Boccard fait partie d’un groupe de 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).
Le 8 mai 1942, Marthe Boccard écrit au préfet de la Seine pour solliciter la libération de son mari. Sa demande est transmise aux services de la préfecture de police.
Le 22 mai 1942, Louis Boccard est parmi les 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Boccard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 19 juin, les Renseignements généraux s’opposent à la demande formulée en mai par Madame Boccard : « Dans les circonstances actuelles, sa libération ne pourrait être envisagée sans inconvénient ».
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Louis Boccard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45259 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Boccard est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Dans un premier temps, son nom est inscrit sur une liste de détenus assignés au Block 4.
Le 18 septembre et le 29 octobre 1942, Louis Boccard est inscrit sur un registre de l’ “hôpital” d’Auschwitz, au Block 20 (maladies contagieuses).
Il meurt à Auschwitz le 2 novembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause de sa mort: « Infection par abcès ».
En mai 1963, sa veuve dépose en son nom une demande d’attribution du titre de déporté-résistant.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-10-1987).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 396.
Bulletin municipal de Boulogne-Billancourt, supplément au n° 335, avril 2005, page 26, Liste des déportés des usines Renault, document cité dans un fichier pdf d’Annie Lacroix-Riz et Michel Certano (juin 2011).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier commun au cabinet du préfet, Boccard Louis, Moyen Raymond, Moyen-Zalnikow Juliette, Six Théophile (1 W 76-30776) ; registre de main courante du commissariat de Boulogne (C B 83 22).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; centre de séjour surveillé d’Aincourt, révision trimestrielle (1w74), dossier individuel (1w92).
Mémorial de la Shoah, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 35.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 107 (38545/1942).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 29-12-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.