- IDENTIFICATION INCERTAINE…
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Édouard, Eugène, Bonnet naît le 23 septembre 1889 à Paris 18e, chez ses parents, Eugène Bonnet, 26 ans, charpentier, et Valentine Rivierre, son épouse, 23 ans, couturière, domiciliés au 11, rue Pierre-Dijon.
Pendant un temps, Édouard Bonnet habite chez ses parents, alors domiciliés au 22, rue Baudelique (Paris 18e), et travaille comme employé de bureau (comptable).
Le 3 octobre 1910, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 87e régiment d’infanterie à Saint-Quentin (Aisne), afin d’y accomplir son service militaire. Le 5 juillet 1911, il est nommé soldat de 1ère classe et, le 25 septembre suivant, caporal. Un an plus tard, le 25 septembre 1912, il est envoyé en congé de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire au 20, rue Voltaire à Saint-Ouen (Seine / Seine-Saint-Denis – 92).
En avril 1913, il habite au 2, rue Erkmann-Chatrian (Paris 18e) et, un an plus tard, il retourne chez ses parents, rue Baudelique.
Le 4 janvier 1913, à Paris 18e, Édouard Bonnet se marie avec Marie Aline F., 24 ans, couturière. Ils auront quatre filles : Jacqueline, née le 3 mai 1922 à Paris 14e, Gisèle, née le 19 mars 1924 à Paris 14e, Odette, née le 21 (?) mars 1926 à Paris 9e, et Denise, née le 25 janvier 1929 à Saint-Ouen.
Le 1er août 1914, Édouard Bonnet est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et rejoint le 87e RI le 3 août. Le 14 mars 1915, il passe au 89e RI (6e compagnie ?). Le 1er octobre 1916, il est évacué malade. Le 24 décembre 1917, la 1ère commission de réforme de la Seine le classe réformé temporaire n°2 pour les suites invalidante d’une maladie contractée avant guerre. Le 10 avril 1918, la 6e commission de la Seine maintient cette réforme temporaire.
Édouard Bonnet devient négociant en peaux ou brocanteur (commerçant).
Entre juin 1923 et juin 1934, il subira plusieurs condamnations légères prononcées par le tribunal correctionnel de la Seine pour diverses infractions commerciales.
En janvier 1926, il habite au 25, avenue de Saint-Mandé (Paris 12e), puis au 11, rue Germain-Nouveau à Saint-Denis (Seine / Seine-Saint-Denis).
Le 19 février 1930, la 2e chambre du tribunal civil de la Seine prononce le divorce d’Édouard Bonnet d’avec sa première épouse. Le 27 septembre suivant à Paris 14e, Édouard Bonnet – alors domicilié au 46 bis, avenue d‘Orléans / du Général Leclerc – se marie avec Alice Angot, née le 28 novembre 1903 dans cet arrondissement (26 ans), couturière, qui vit peut-être déjà avec lui.
En juin 1934, il est domicilié au 382, avenue Wilson, à la Plaine-Saint-Denis (92).
À une date restant à préciser, il part habiter à Chauny (Aisne), où différentes archives ont enregistré plusieurs adresses : le 56, rue Jean de La Fontaine, le 44, rue Hébert, probablement dans un pavillon, et le 47, rue de Paris.
Édouard Bonnet est alors secrétaire de la cellule du PCF de Chauny, connu de la police pour son activité de propagande.
Au moment de l’arrestation d’Édouard Bonnet, la police mentionne un domicile rue Louis-Barthou à Chauny (?). La liste policière datée du 20 septembre 1941 lui attribue une « concubine », Rose Leibovici, « femme Laenger » vivant séparée de son mari, née le 26 septembre 1890 en Roumanie et française par mariage, brocanteuse, domiciliée au 47, rue de Paris, à Chauny, « race : Israélite » (sic). Ne s’agit-il pas plutôt d’un contact militant, celle-ci étant également considérée comme une « propagandiste communiste active » ?
Le 29 septembre suivant, à la suite d’une distribution de tracts et pour activité communiste, la préfecture de l’Aisne décide son internement administratif.
ETAT FRANÇAIS
Le Préfet du Département de l’Aisne, décoré de la Croix de Guerre,
Vu le décret du 26 septembre 1939 portant dissolution des organisations communistes ;
Vu les décrets des 18 novembre 1939 et 3 novembre 1940, relatifs aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la sécurité publique ;
Vu les instructions ministérielles ;
Vu mon arrêté en date du 16 décembre 1940 interdisant l’émission, la distribution et la diffusion de tracts communistes et de tous autres écrits ou documents antinationaux ou portant atteinte à la sécurité publique et notamment à son article 3 ;
Considérant qu’à des dates récentes, des tracts de propagande communiste ont été distribués ou diffusés à plusieurs reprises sur le territoire de la commune de Chauny ;
Considérant qu’il résulte des enquêtes effectuées et de renseignements recueillis que le nommé BONNET Edouard […] est un communiste notoire ;
ARRETE :
Article 1er : Le nommé BONNET Edouard […] sera interné administrativement à partir de ce jour ;
Article 2 : M. le Commandant de Gendarmerie est chargé de l’exécution du présent arrêté qui sera notifié à l’intéressé en la forme habituelle.
FAIT à LAON, le 29 septembre 1941
LE Préfet,
signé : J. QUENETTE
Le 2 octobre suivant, des gendarmes de la brigade de Chauny appréhendent Édouard Bonnet, « en face du Café de la Terrasse » [?] selon sa veuve, Alice Bonnet (Rose Laenger-Leibovici est arrêtée le même jour en application d’un arrêté préfectoral identique).
GENDARMERIE NATIONALE – Compagnie de l’Aisne – Division [?] de Laon – Brigade de Chauny – N° 696 du 2/10/1941 – section 717613 – Procès-verbal relatant la notification d’un arrêté d’internement au sieur BONNET Edouard demeurant à Chauny (Aisne)
Ce jourd’hui deux octobre mil neuf cent quarante et un à sept heures. Nous soussignés L. Ferdinand, adjudant, C. Georges et B. Edmond, gendarmes à la résidence de Chauny, département de l’Aisne, revêtus de notre uniforme et conformément aux ordres de nos chefs : Porteurs d’un arrêté préfectoral en date du 29 septembre 1941 prononçant l’internement administratif de Monsieur BONNET Edouard, négociant en peaux et chiffons à Chauny (Aisne), 52 ans, né le 23 septembre 1889 à Paris 18ème arrondissement, fils de feu Eugène et de Riviére Célina, marié, 4 enfants, sachant lire et écrire, se disant sans condamnation, demeurant à Chauny 44 rue Hébert, nous nous sommes mis à sa recherche et l’avons découvert à son domicile.
Nous avons alors notifié au sieur BONNET la mesure d’internement administratif prise à son égard ; il nous a déclaré : « Je suis stupéfait de la mesure d’internement que vous venez de me notifier, attendu que j’ai cessé toute activité politique depuis les début des hostilités. J’entends néanmoins y obéir. » Lecture faite, persiste et signe.
Nous avons alors déclaré à BONNET que nous nous assurions de sa personne et l’avons amené au bureau de notre caserne où nous l’avons gardé à vue jusqu’à son transfèrement.
Au moment où nous nous sommes assurés de sa personne, nous lui avons retiré les objets pouvant constituer un danger pour sa sécurité personnelle et celle d’autrui. BONNET a été invité alors à se munir d’une couverture, d’une gamelle et d’un couvert.
Dressé en trois expéditions destinées : La première à Monsieur le Préfet de l’Aisne. La deuxième suivant l’intéressé. La troisième aux archives.
Clos à Chauny le 2 octobre 1941.
[ajout] Vu et transmis par le Commandant de la brigade à Monsieur le Sous-Préfet à Chateaubriant. Le 2 octobre 1941.
Édouard Bonnet est rapidement conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Choisel, camp français, à Châteaubriant (Loire-Inférieure / Loire-Maritime) ; apparemment, en même temps que Rose Laenger-Leibovici. On ignore s’il entre plus particulièrement en contact avec Paul Caille, de Quessy, et Marcel Gouillard, de Fargniers, qui s’y trouvent déjà.
Le 22 octobre, tous les trois sont témoins du départ des vingt-sept otages communistes conduits à la Sablière pour y être fusillés comme otages de représailles par l’armée d’occupation.
Le 5 novembre, Édouard Bonnet, Paul Caille et Marcel Gouillard figurent sur une liste de douze otages établie par la Feldkommandantur 602 de Laon.
Le 7 mai 1942, à la suite de l’évacuation des internés politiques de Châteaubriant, Édouard Bonnet est enregistré sous le matricule 491 au CSS de Voves, au sud-est de Chartres (Eure-et-Loir).
Dans cette période et probablement sur réquisition de la Kommandantur de Laon, la Feldkommandantur 518 de Nantes demande le transfert au camp de Compiègne des otages Édouard Bonnet, Paul Caille et Marcel Gouilliard.
Le 1er juin, un ordre similaire est directement transmis par téléphone au commandant du camp de Voves par la Kommandantur d’Orléans.
Le 2 juin, les trois hommes sont remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits à la prison allemande de Chartres ; peut-être pour interrogatoire (à vérifier…). Le lendemain, ils sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Édouard Bonnet a été sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
- Quand le train passe à hauteur de la gare de Chauny, Édouard Bonnet jette un message dans lequel il annonce son départ vers une destination inconnue ; ce sont dernières nouvelles de lui parvenues à sa famille.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Édouard Bonnet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; sous le numéro 45287 ou le 46220, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation du détenu portant le premier matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Édouard Bonnet.
Il meurt à Auschwitz le 11 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause très probablement mensongère de sa mort « crise cardiaque par entérite » (diarrhée) ; « Herzschwäche bei Darmkatarrh ».
Le 12 mars 1946, sa veuve, Alice Bonnet, engage après de la mairie de Saint-Denis (?) où elle habite alors, les démarches nécessaires à l’obtention d’un acte de disparition officiel. Elle joint à son courrier deux attestations signées par des internés de Châteaubriant domiciliés à Saint-Denis, transférés à Voves avec Édouard Bonnet, mais qui n’ont pu qu’assister à son départ avec ses deux compagnons pour Compiègne le 2 juin 1942. L’un d’eux le désigne comme « interné politique communiste ».
Le 4 avril 1953, Alice Bonnet décède à Saint-Denis, avant d’avoir cinquante ans (?).
Le 26 février 1962, sa fille Jacqueline, épouse Hoëlle, ayant cause, remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté politique au nom de son père. Elle transmet plusieurs attestations, signées par un autre interné de Châteaubriant transféré à Voves, alors domicilié à Bagnolet (93), par le secrétaire général de l’Amicale des anciens internés de Voves-Châteaubriant, par… un ancien gendarme (escorte) et par un brigadier de police de Chauny (témoin), mais aucune par un rescapé du convoi de son père : malgré qu’il soit passé par le camp de Compiègne et la connaissance d’un message jeté du convoi le 6 juillet 1942, l’administration n’a pas fait le lien avec Auschwitz et a déclaré Édouard Bonnet déporté disparu en Allemagne. Antérieurement, en 1946, sa veuve a pu brouiller l’examen des dates en déclarant que son départ en déportation avait eu lieu le « 11-6-1942 » (date peut-être fixée en fonction du dernier courrier officiel reçu de son mari…). Le 5 février 1964, le tribunal de Grande Instance de Laon fixe officiellement la date de décès d’Édouard Bonnet au 12 juin 1942 (un jour plus tard).
Dans sa séance du 1er juin 1965, la Commission nationale d’attribution émet un avis favorable à la demande de Jacqueline Hoëlle. Le 15 juillet suivant, le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre lui envoie par la poste la carte de Déporté politique n° 1103.31294. MAIS… le courrier recommandé est renvoyé au ministère avec la mention : « décédée » ! (à 43 ans ?). Le dossier du BAVCC ne contient aucun document attestant qu’une des trois autres filles ait demandé ou reçu cette carte.
Le nom d’Édouard Bonnet est inscrit sur la plaque dédiée par la ville de Chauny à ses morts au cours de la guerre 1939-1945 (« Bonnet. E. »), apposée dans le hall de la mairie.
Notes :
[1] Rose Laenger, née le 26 septembre 1890 à Calinesti (Roumanie), sans profession (?), est déportée à Auschwitz par le convoi n° 66 au départ de Drancy le 20 janvier 1944 (matricule 10304, n° 571 sur la liste). Elle est passée par le camp de Camdo (?), Indre-et-Loire, à vérifier… (source : Mémorial de la Shoah, site internet, Recherche de personne).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 360 et 396.
Archives de Paris, site internet, archives en ligne ; extrait du registre des naissances du 18e arrondissement à la date du 23-09-1889 (V4E 7554), acte n° 4311 (vue 25/31).
Archives de Paris : registre des matricules militaires, recrutement de la Seine, classe 1909, 6e bureau, volume 2501-3000 (D4R1 1548), Bonnet Édouard Eugène, matricule 2103.
Archives départementales de l’Aisne (AD 02), Laon : dossiers du commissariat régional aux Renseignements généraux, surveillance des communistes (SC11276).
Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), doc. XLIV-21 et XLIV-3.
Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir ; relevés dans le dossier d’Édouard Bonnet, transmis par Étienne Égret (message 01-2014)
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 117.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès du camp (n° 29862/1942).
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier d’Édouard Bonnet (21 P 428 118), recherches de Ginette Petiot (message 01-2014).
Site Mémorial GenWeb, 02-Chauny, relevé de Didier Mahu et Stéphane Protois (11-2007).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 5-02-2024)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.