- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
François, Constant, Pierre, Boudeaud naît le 17 décembre 1899 aux Landes-Genusson (Vendée – 86), fils de Pierre Boudeaud et de Clémence Boudaud, son épouse. Son père sera décédé au moment de sa conscription. Sa mère habitera à Tiffauges
François Boudeau commence à travailler comme “domestique agricole”.
Bien qu’il soit de la classe 1919, il est considéré “bon pour le service armé” dès 1918. À compter du 18 avril de cette année, il est incorporé au 65e régiment d’infanterie, “arrivant au corps” le lendemain. Le 27 avril, la commission de réforme de Nantes le propose pour un changement d’arme – l’artillerie de campagne – pour “pieds plats, conformation impropre à l’infanterie”. Le 16 mai, il passe au 28e régiment d’artillerie. Il est envoyé “aux armées” du 23 septembre jusqu’à l’armistice du 11 novembre 1918. Le 11 mai 1919, il passe au 85e régiment d’artillerie lourde (R.A.L.). Le 22 juillet suivant, il passe au 11e régiment d’artillerie à pied. En 1920, le conseil cantonal (?) le déclare soutien indispensable de famille. Le 20 mai suivant, il est néanmoins affecté au 106e R.A.L. Le 2 avril 1921, il est “renvoyé dans ses foyers”, et se retire au 65 rue Sadi-Carnot à Nantes (Loire-Atlantique), titulaire d’un certificat de bonne conduite.
Mais, le 5 mai, rappelé à l’activité militaire par l’article 33, afin de participer à l’occupation des “Pays Rhénans”, il rejoint “son corps”. Cinq jours plus tard (10 mai), il passe au 81e R.A.L. Deux semaines plus tard, il est réaffecté au 90e R.A.L. et… renvoyé dans ses foyers.
En novembre 1921, il déclare habiter au 34 rue des Sièges, à Épernay (Marne).
Sa mère sera décédée au moment de son mariage (1922).
Le 11 novembre 1921, François Boudeaud est embauché comme manœuvre par la Compagnie des chemins de fer de l’Est qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1]
Le 22 avril 1922 à Épernay (Marne), il se marie avec Raymonde Lesage, née le 1er avril 1902 à la Villa d’Ay (Marne), caviste. Ils auront trois enfants : Suzanne, née le 9 février 1923, Claudine, née le 17 octobre 1929, et Serge, né le 9 août 1931.
Début juillet 1927, François Boudeau habite toujours au 34 rue des Sièges.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 22, rue des Berceaux à Épernay.
Cheminot, il est alors aide-chaudronnier dans les ateliers SNCF d’Épernay, sur le réseau de la région Est.
Le 20 juillet 1941, François Boudeaud est arrêté par les services de sûreté du commissariat de police d’Épernay. Le 11 août, le tribunal correctionnel de la ville le condamne à un an d’emprisonnement avec sursis et cent francs d’amende pour activité communiste ; il est relâché.
Le 5 août à 12 heures, il est suspendu de ses fonctions à la SNCF, « en prévention de révocation ».
Le 18 août, il est interpellé par les autorités allemandes (des Feldgendarmes ?). Il est ensuite conduit aucamp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager) , où il est enregistré sous le matricule 1543. Pendant un temps, il est assigné au bâtiment A4.
Entre fin avril et fin juin 1942, François Boudeaud est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 5 juillet, à la veille du départ, il semble qu’il parvienne à envoyer à son épouse une carte officielle du camp dans laquelle il annonce sa déportation.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, François Boudeaud est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45279 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté François Boudeaud.
Il meurt à Auschwitz le 4 août 1942, d’après le registre d’appel et l’acte de décès établis par l’administration SS du camp ; moins d’un mois après l’arrivée de son convoi.
Après son arrestation, son épouse – dans l’impossibilité elle-même de travailler, seulement secourue par l’allocation militaire – rejoint leur fille aînée, qui est employée comme sténo-dactylo « dans une bonne maison » à Paris, et s’installe au 33, avenue de Verdun à Argenteuil. C’est de cette adresse qu’elle écrit au Maréchal Pétain le 15 juillet 1943 afin de lui demander « s’il serait en [son] pouvoir de [lui] faire avoir des nouvelles de [son] mari ».
Le 13 août suivant, les services de la Délégation générale de François de Brinon lui répondent qu’« à de nombreuses reprises, et dans des cas analogues [cette administration] s’est efforcée par ses interventions auprès des Autorités Supérieures allemandes, de connaître le lieu de détention des civils ainsi déportés et de leur faciliter l’échange de correspondance ainsi que l’envoi de colis. Jusqu’à présent, ces efforts sont restés vains, et il n’a pas été possible d’obtenir les précisions sollicitées. De nouvelles démarches sont actuellement en cours. D’autre part, les Autorités allemandes se réservent d’accorder aux détenus civils, au moment qu’elles jugent opportun, l’autorisation de correspondre avec leur famille. »
Le 7 février 1947, l’officier de l’état civil au ministère des Anciens Combattants et victimes de guerre établit un acte de décès au nom de François Boudeaud, enregistrant celui-ci à la date du 5 août 1942.
Après la guerre, Raymonde Boudeaud habite pendant un temps à Olonzac (Hérault) ; elle s’y trouve entre février 1947 et novembre 1948. C’est pourquoi l’acte de décès de son mari est enregistré dans cette mairie, la mention « mort pour la France » étant ajoutée en marge en novembre 1947.
En février 1962, hébergée par sa fille Suzanne habitant alors Bagneux, rond-point des Martyrs, Madame Boudeaud remplit une demande d’attribution du titre de déporté politique pour son mari. En août 1963, elle reçoit sa carte (n° 1.1.01.29729).
Le nom de François Boudeaud est inscrit sur le monument aux morts de la guerre 1939-1945, place de la République à Épernay.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-10-1987).
Notes :
[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.
Sources :
Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 366 et 396.
Recensement par André Aubert des déportés marnais non rentrés.
Correspondance de Jocelyne Husson, professeur à Reims (19 juin 1990).
Journal de la SNCF Notre Métier n°82 du 29 novembre 1946, page 10, communiqué par Hervé Barthélémy, de Rail & Mémoire.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 123 (18257/1942).
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : fichier national des déplacés de la Seconde guerre mondiale ; dossier de François Boudeaud (21 P 428 887), recherches de Ginette Petiot (message 05-2013).
Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne, de A à Q (0110LM0108).
Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 231-232
Site internet Mémorial GenWeb, relevés de Martine Mangeolle, Alain Girod, 2006.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 26-09-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.onomie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.