Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, Louis-Eugène, Boulay naît le 19 novembre 1892 à Saint-Pryvé-Saint-Mesmin (Loiret – 45), au domicile de son grand-père maternel, Louis Puis. Il est le fils d’Honoré Boulay, 27 ans, valet de chambre, et de Louise Puis, son épouse, 25 ans, cuisinière, tous deux domiciliés à Saint-Calais (Sarthe) ; le père, retenu (par son travail ?), ne pouvant faire lui-même la déclaration de naissance en mairie.

À partir de 1911, René Boulay habite chez ses parents, alors domiciliés au 56, rue Vieille Levée, à Orléans (45), et travaille comme mécanicien. Son père se déclare alors comme contremaître.

Le 8 octobre 1913, René Boulay est incorporé au 153e régiment d’infanterie, à Toul (Meurthe-et-Moselle), pour y accomplir son service militaire, arrivant au corps le lendemain. Il part aux armées le 2 août 1914, à la veille de la déclaration de guerre, dans le cadre de la mobilisation générale. Le 20 août, au cours de la bataille de Morhange, en Moselle, il est fait prisonnier lors de la contre-offensive de la VIe armée allemande. Il est interné à Vurtsberg (?) ou à Grafenwoehr en Bavière. Il est rapatrié le 17 décembre 1918. Le 24 janvier 1919, après une permission de trente jours, il est affecté au 131 R.I. Le 26 août 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation. titulaire d’un certificat de bonne conduite. En septembre 1927, la commission de réforme d’Orléans le réforme temporairement n° 2 pour « sclérose pulmonaire du sommet droit ». À une date restant à préciser, il est soigné pendant six mois dans un sanatorium.

En août 1920, René Boulay demeure au 4, rue de Saint-Mesmin, à Orléans. Fin avril 1923, il habite au 22, rue de Simare.

Quelques jours plus tard, le 12 mai 1923, à Orléans (45), il se marie avec Yvonne, Jeanne, Charlotte, Baulard, née le 10 janvier 1893 (30 ans), ouvrière à la Manufacture des Tabacs d’Orléans. Ils n’auront pas d’enfant.

Le 6 octobre 1924, René Boulay est embauché à son tour comme ouvrier ajusteur à la Manufacture des Tabacs.

Orléans. La manufacture des tabacs dans les années 1900. Carte postale (extrait). Collection Mémoire Vive.

Orléans. La manufacture des tabacs dans les années 1900.
Carte postale (extrait). Collection Mémoire Vive.

Pendant un temps, le couple demeure au 12, rue Grison.

Selon la police, René Boulay adhère tôt au Parti communiste. Devenant un militant actif, il se fait connaître au début des années 1930 en organisant des réunions au cours desquelles il prend la parole.

 À partir de juillet 1932 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 3 ter, rue Gustave Vappereau, à Orléans.
Militant syndical, René Boulay est secrétaire de l’Union départementale unitaire (CGTU) du Loiret de mars 1924 à 1926, de l’Union locale d’Orléans en 1927-1928, co-secrétaire régional en 1928 avec Croset et secrétaire régional en 1930-1931.
Le 1er février 1930, lors du conflit avec le syndicat minoritaire des cheminots unitaires d’Orléans-État, l’hebdomadaire communiste Le Travailleur écrit : « Le camarade R. Boulay, secrétaire intérimaire de la 29e Union régionale et qui n’est pas communiste, dans ses commentaires a entièrement raison de qualifier ce geste “comme un pas vers l’autonomie et un commencement de scission”. »
René Boulay milite activement au Secours Rouge. Il est inscrit sur les listes communistes lors des élections municipales de mai 1929 et mai 1935.
À partir de juillet 1932 et jusqu’au moment de son arrestation, René Boulay et son épouse sont domiciliés dans un petit pavillon au 3 ter, rue Gustave Vappereau, à Orléans.
Après la déclaration de guerre, son entreprise étant considérée comme utile à la Défense nationale, René Boulay y est maintenu à son poste de travail au titre de l’ “affectation spéciale”. Le 13 décembre 1939, il en est rayé par mesure disciplinaire (suspect en raison de son passé militant) et rappelé à l’activité militaire au dépôt d’infanterie 53, y arrivant une semaine plus tard. Mais il est classé dans la position « affectation réservée » et renvoyé dans ses foyers le 22 mars 1940.
Sous l’Occupation, selon Lucien Vannier, qu’il rencontre régulièrement – parfois sur les quais de Loire -, René Boulay est actif au sein du Front National [1], participant clandestinement à des diffusions de tracts à Orléans.
Le 22 septembre 1941, Georges A., commissaire de police reçoit des instructions relatives à la « répression des menées communistes » de la part du SS-Udersturmführer der Sicherheitspolizei (Sipo-SD, Gestapo), Aubenkommando d’Orléans, installée au 20 rue d’Alsace-Lorraine…
Le lendemain 23 septembre, à 6 heures du matin, ce commissaire, assisté de deux inspecteurs de Sûreté, vient arrêter René Boulay à son domicile ; la perquisition effectué simultanément n’amenant la découverte que de brochures (exemple : « Y a-t-il des dangers de guerre ? »), journaux du Parti communiste remontant jusqu’à 1933 et autres documents datant d’avant-guerre, comme quatre actions de 100 francs de la Maison du Peuple, 6 rue du Réservoir, et une action de 100 francs de l’Imprimerie coopérative d’Orléans. René Boulay est aussitôt conduit – avec les objets saisis – au siège de la Gestapo d’Orléans. Puis il est conduit à la prison militaire du 14, rue Eugène-Vignat, réquisitionnée par l’armée d’occupation [2]. Cyprien Depardieu est arrêté le même jour dans les mêmes conditions.
En haut à gauche, à côté de la gendarmerie, la maison d’arrêt. En bas à droite, en face de la caserne d’artillerie, la prison militaire. Ville d'Orléans. Plan général de la commune 1/2000e [en 14 feuilles], 1934, feuille n° 3 (1Fi154-5). Extrait.  © Orléans métropole, site internet, archives municipales et communautaires.

En haut à gauche, à côté de la gendarmerie, la maison d’arrêt. En bas à droite, en face de la caserne d’artillerie, la prison militaire.
Ville d’Orléans. Plan général de la commune 1/2000e [en 14 feuilles], 1934, feuille n° 3 (1Fi154-5). Extrait.
© Orléans métropole, site internet, archives municipales et communautaires.

Le 3 octobre, ils sont transférés ensemble au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule n° 1624, René Boulay est assigné pendant un temps au bâtiment B-6. Il sera rejoint au camp par Lucien Vannier, arrêté le 19 octobre.
Le 6 novembre, Yvonne Boulay adresse une lettre dactylographiée, en allemand, directement au commandant du Frontstalag pour demander la libération de son mari, « qui a cessé toute activité depuis la dissolution du Parti communiste… ». Le 22 novembre, le préfet délégué du Loiret, auquel la Feldkommantantur d’Orléans à transmis la lettre, demande au commissaire spécial de la ville de lui « transmettre tous renseignements utiles sur l’activité politique de l’intéressé avant son internement ». Deux jours plus tard, un inspecteur de police spéciale transmet à son chef de service le résultat de son enquête, selon laquelle « on peut reconnaître que depuis septembre 1939 [René Boulay] n’a jamais fait de propagande communiste ou autre, et n’a plus jamais manifesté ses sentiments en public. C’est d’ailleurs pourquoi les service de police française n’avaient pas jugé nécessaire de demander son internement comme individu dangereux au point de vue politique. » Le policier émet une hypothèse : « … les autorités d’occupation, ayant sans doute trouvé des listes de noms du parti communiste sur une desquelles figurait le nom de Boulay, ont ordonné son arrestation… » Le 3 décembre, le préfet délégué écrit au commandant de la Kommandantur qu’il ne voit, en ce qui le concerne, « aucun inconvénient » à la libération de René Boulay. Le 3 janvier, un fonctionnaire de la Kommandantur (Kriegswaltungsrat) répond : « Les faits rapportés dans votre lettre ne justifient pas une libération de Boulay. »
Le 19 février 1942, Yvonne Boulay écrit directement au ministère de l’Intérieur : « … depuis la dissolution de ce parti, mon mari n’a mené aucune action politique et n’a jamais troublé la tranquillité du pays. Monsieur le Maréchal Pétain avait dit lui-même que touts les idées politiques étaient effacées, il faut l’union des Français… ». Le 13 mars, son courrier est transmis au préfet du Loiret par les services de la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés : « L’intéressé étant communiste, je vous laisse seul juge de la décision à prendre. »
Le 3 avril, Yvonne Boulay écrit elle-même au préfet : « … J’ai fait une démarche rue de la République pour demander des renseignements sur l’arrestation de mon mari. Pour réponse, cela ne vient pas des autorités occupantes… ».
Le 18 mai, Jérôme K., secrétaire du Syndicat de la Manufacture des Tabacs d’Orléans, signe une déclaration par laquelle il « certifie que le camarade Boulay, syndiqué à l’organisation de la Manufacture, n’a jamais manifesté d’activité politique qu’elle qu’elle soit au sein de notre organisation ni soulevé de discussions sur des motifs autres que ceux intéressant notre activité professionnelle. » Quatre jours plus tard, le 22 mai, le secrétaire du Syndicat des Tabacs écrit au préfet pour lui demander d’intervenir en faveur de René Boulay… : « Nous nous permettons d’attirer votre haute bienveillance sur le cas d’un de nos camarades de travail qui fut arrêté par les Autorités françaises puis remis entre les mains des Autorités Occupantes. Depuis, il est interné au camp de concentration de Compiègne. » Le 27 mai, l’ingénieur en chef, directeur de la Manufacture (Service d’exploitation industrielle des tabacs), signe une attestation en faveur de son employé.
Le 2 juin, un fonctionnaire de la préfecture envoie une réponse mensongère à E. Brisset, secrétaire de la Bourse du Travail d’Orléans et « membre de la commission administrative départementale » : « La pétition que vous me transmettez est tout à fait inexacte puisqu’elle indique que M. Boulay a été arrêté par les autorités Françaises puis remis entre les mains des Autorités d’occupation. M. Boulay a été arrêté directement par les Autorités d’occupation sans que les Autorités Françaises n’aient à intervenir à aucun titre que ce soit. Bien au contraire, à plusieurs reprises, et en particulier le 3 décembre 1941 et le 18 mars 1942, nous sommes intervenus auprès de la Feldkommandantur pour demander la libération de l’intéressé. La Feldkommandantur a refusé cette libération. Étant donné que la décision prise est assez récente, il ne m’est pas possible pour le moment d’intervenir de nouveau. »
Le 6 juin, E. Brisset, écrit au préfet délégué : « Le secrétaire du Syndicats des Tabacs, auquel j’ai fait connaître votre réponse […], me charge de porter à votre connaissance qu’il n’a pas voulu indiquer que Boulay avait été arrêté par les Autorités françaises et remis entre les mains des Autorités occupantes. Il a voulu seulement mentionner que Boulay avait été arrêté par des policiers français et que les perquisitions effectuées à son domicile l’avaient été par la Police française. Il me demande de vous adresser des excuses sur le contenu du texte de la pétition. »
Entre fin avril et fin juin 1942, René Boulay est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

René Boulay se trouve dans le même wagon que Boubou, Couillon, Delamotte, Depardieu, Dubois et Gaudry, tous d’Orléans. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Boulay est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau. Lucien Vannier le perd très rapidement de vue, lors de la constitution des différents Kommandos voire avant.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Boulay serait dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp, ainsi qu’en témoignera Louis Lecoq, du Trait (Seine-Maritime), lui-même assigné à Auschwitz-I, déclarant qu’il le voit entrer à l’infirmerie du camp et, qu’à sa connaissance, il n’en est pas ressorti vivant.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

René Boulay meurt à Auschwitz le 11 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].

Le 13 juillet 1942 – une semaine après le départ du convoi -, le secrétaire du Syndicat de la Manufacture des Tabacs avait réitéré au préfet sa demande d’intervention en faveur de libération de René Boulay. Et, trois, jours plus tard, le directeur de la Manufacture avait écrit de nouveau au préfet pour appuyer cette démarche. Le 22 juillet, le préfet délégué du Loiret avait répondu : « Je suis tout à fait d’accord pour donner un avis très favorable à cette libération, qui me semble pouvoir être obtenue par une intervention directe du Gouvernement Français auprès des Hautes Autorités Allemandes à Paris. »

Le 21 août 1945, Lucien Vannier, rescapé, signe une première attestation par laquelle il certifie qu’il a connu René Boulay au camp d’Auschwitz « et que ce dernier est mort au dit camp en 1942 ».

Le 18 février 1946, Georges Rousseau, rescapé du convoi, devenu maire de Vierzon, rédige une attestation par laquelle il certifie que René Boulay est décédé au camp d’Auschwitz « dans le courant du 2e semestre 1942 ». Deux jours plus tard, Louis Lecoq rédige une attestation plus précise (voir ci-dessus), ajoutant que son témoignage pourrait être appuyé par Henri Peiffer, de Villerupt (Moselle), et Henri (sic) Demerseman, de Guigny (Seine-Maritime).

Le 4 juillet suivant, Yvonne Boulay complète et signe un formulaire du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) pour demander la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ». Le 27 septembre 1946, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des ACVG dresse l’acte de décès officiel de René Boulay « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (probablement un des témoignages) et en fixant la date au 15 novembre 1942, soit la moitié du 3e trimestre. Simultanément, le service central de l’état civil du ministère demande par courrier au maire d’Orléans de transcrire cet acte dans les registres de sa commune, ce qui sera fait le 1er octobre. Le 13 novembre, Yvonne Boulay complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’inscription de la mention “Mort pour la France” sur l’acte de décès d’un déporté politique. Le lundi 10 février 1947, le Comité départemental de libération du Loiret émet un avis favorable à cette demande. Le 31 mai, le bureau de l’état civil-déportés du ministère demande au maire d’Orléans d’ajouter cette mention dans l’acte de décès.

Le 22 janvier 1952, Yvonne Boulay – en qualité de conjointe – complète et signe un formulaire du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre (ACVG) pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son mari à titre posthume. À la rubrique VI, « Renseignements relatifs à l’acte qualifié de résistance à l’ennemi qui a été la cause déterminante de l’exécution de l’internement ou de la déportation », elle écrit seulement « Activité anti Nazie », joignant au dossier les attestations de Maurice Gentil et Louis Breton.

Le 11 mai suivant, un inspecteur principal de la 5e brigade de police judiciaire à Orléans interroge Maurice Gentil, 36 ans, menuisier, sur l’activité de résistant de René Boulay : « Tous les chefs de Boulay antérieurement à son arrestation ont été arrêtés, déportés ou fusillés. À la suite de ce décapitage [sic], c’est moi qui ai pris, en octobre 1942, la direction dans le département du Loiret du Front National. Il n’y a que M. Vannier Lucien […] qui a travaillé en même temps que Boulay au Front National. C’est le seul qui soit revenu d’Auschwitz et qui peut témoigner de l’activité de M. Boulay… ». Le 16 mai, Lucien Vannier, alors âgé de 60 ans et retraité de la SNCF, interrogé à son tour, confirma : «  Tous les dirigeants de l’époque, c’est à dire ceux ayant existé à la Formation du Front National à Orléans en juillet 1940, sont tous décédés, ou ont été déportés ou fusillés. Je suis le seul rescapé de cette époque. Je suis absolument affirmatif que Boulay a bien participé avec moi à une action effective du Front National de juillet 1940 au jour de son arrestation […]. cette activité a eu lieu par distribution de tracts… » Dans le rapport qu’il transmet à sa hiérarchie, le policier ajoute : « Les nommés Depardieu et Dubois sont également morts à Auschwitz, et les membres de ces familles ignorent tout de M. Boulay. »

Le 26 juin 1953, la Commission départementale des internés et déportés de la résistance (DIR) « estimant qu’à la date de |’arrestation les tracts distribués ne pouvaient émaner d’une organisation de résistance reconnue par l’autorité militaire comme le prévoit l’article 2 du décret du 25 mars 1949, émet un avis défavorable » à la demande du titre de déporté résistant. Le 19 février 1954, la commission nationale DIR reprend cet avis défavorable, suivie par le ministère qui prononce le rejet. De manière alors automatique (instruction n° 1110 SDF du 1er avril 1953), le dossier est soumis à l’avis de la Commission départementale de contrôle des déportés politiques. Son président, C. Lemaitre rend un avis favorable : « Faisait partie du groupe de résistance “Front national” et participait aux opérations des FTP dans le département ». Le 4 mars 1954, le ministère établi l’acte portant la décision de refus du titre de DR (« Il résulte du dossier que l’intéressé ne remplit pas les conditions exigées par les dispositions combinées des articles R.286 & R.287 du Code des pensions »). Le 19 mars, l’administration envoie la carte de Déporté politique n° 1110.10026 à Yvonne Boulay.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de René Boulay (J.O. du 28-10-1987).

Notes :

[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

[2] Au 14 rue Eugène-Vignat, le Palais des sports d’Orléans a remplacé la prison militaire au début des années 1970 (en face – au 21 bis -, le lycée Benjamin Franklin, dit « Benjam’ », a remplacé le quartier Châtillon en 1950 ; de grand travaux, menés en 1958, aboutissant à la configuration générale actuelle des bâtiments).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de René Boulay, c’est le 15 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 14, 127 et 128, 365 et 396.
- Jean Maitron et Claude Pennetier, notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, CD-rom, version 1990-1997, citant : Arch. Nat. F7/13000, F7/13082 – Le Travailleur, 1925-1935 – Le Syndiqué du Centre, 1926-1928.
- André Chêne, Ceux du groupe Chanzy, Librairie Nouvelle, Orléans 1964 : liste des « Membres des fédérations du Loiret du Parti Communiste Français et des Jeunesses Communistes tombés pour que vive la France », pages 143 à 145.
- Archives départementales du Loiret (AD 45), Orléans, site internet, archives en ligne : registre des naissance de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin 1882-1892, cote EC 109631, année 1892, acte n° 18 (vue 116/117) ; registres des matricules du recrutement militaire, bureau d’Orléans, classe 1913, 3e volume 1001-1500 (1R 78203), n° 1303 (vues 341/551).
- Archives municipales d’Orléans, site internet, archives en ligne : registres d’état-civil, mariages et divorces, du 3 janvier au 31 décembre 1923 (2 E 447).
- Archives départementales du Loiret, Centre des archives modernes et contemporaines, cité administrative Coligny, Orléans : Suspects, listes, rapports de police, correspondance, 1940-1943, chemise “suspects 1940-1941 (138 W-25854) ; Internements administratifs, listes, dossiers (138 W-25857).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 123 (30313/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel de René Boulay (21 P 429 140).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-04-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.