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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Roger, Louis, Brisset naît le 24 septembre 1907 à Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne – 77), fils d’Étienne Maurice Brisset, 27 ans, ouvrier maçon, et de Marie David, son épouse, 21 ans, domiciliés au 27, rue du Martinet. Il a – au moins – un frère, Eugène, né le 8 avril 1902 à Melun.

Le 23 juin 1915 à 14 heures, leur père est tué par un éclat d’obus au lieu-dit La Croix des Carmes à Bois-le-Prêtre (Meurthe-et-Moselle).

Le 22 juin 1922, Roger Brisset, âgé de 14 ans, est adopté par la Nation sur décision du tribunal civil de Melun (77).

En 1927, il effectue son service militaire au 168e R.A.F. à Bitche (Moselle).

Le 22 février 1930, Roger Brisset se marie avec Lucienne Marcelle Albertine Renard, née le 16 avril 1914 à Provins (77). Ils ont un fils, Gilbert Lucien, né le 20 septembre 1930 à Brie-Comte-Robert.

En 1936, la famille est domiciliée au 2 rue de la Poste, comprenant également Marcelline Renard, née Girault le 7 octobre 1877 à Triguères (Loiret), et Lucie Renard, née en 1899 à Fontenailles (Yonne), respectivement mère et sœur de Lucienne.

À la veille de la guerre, les deux frères vivent avec leur mère, au 22, rue des Martinets à Brie-Comte-Robert. Eugène est employé auxiliaire aux PTT (postes, télégraphes et téléphones). Roger est maçon, travaillant chez Édouard Bailly, à la fois entrepreneur et dirigeant de la cellule communiste de Brie-Comte-Robert.

Eugène et Roger Brisset sont militants communistes, quoique Eugène déclarera n’avoir été que sympathisant. Ils distribuent notamment les publications du PCF.

Après l’interdiction de celui-ci et sous l’occupation, ils restent actifs au sein de l’organisation devenue clandestine. Leur domicile est un lieu de réunions nocturnes où se retrouvent une dizaine de militants et qui précèdent de peu des distributions de tracts, ce qu’un voisin et une voisine proches signalent à la gendarmerie.

Le 2 septembre 1941, le commissaire spécial de police de Melun procède à une perquisition au domicile de la veuve Brisset, alors seule présente. La visite domiciliaire ne permet de trouver, dans un tiroir de la chambre de Roger, qu’un agenda de 1937 édité par le périodique La famille Nouvelle, une photographie d’avant-guerre avec un groupe de vendeurs de L’Humanité, neuf feuilles de papier carbonés à l’état neuf et une ayant servit à polycopier une convocation, « probablement antérieure au décret de dissolution ». Dans son rapport, le commissaire présente les frères Brisset comme des « révolutionnaires. À interner ». Le 15 septembre, dans une lettre adressée au préfet de Seine-et-Marne et ayant pour objet une proposition d’internement, le même policier argumente : « …l’état d’esprit à Brie-Comte-Robert [est] loin d’être excellent. Aucune sanction n’a jamais été prise contre les extrémistes de cette localité. Pour éviter que ceux-ci croient à une carence de l’Autorité et rassurer les bons éléments de la population, j’ai l’honneur de vous proposer l’internement administratif des trois individus désignés ci-après » : Édouard Bailly, Eugène et Roger Brisset.

Le 5 octobre, les trois hommes sont effectivement arrêtés, mais comme otages par les autorités allemandes en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte (incendie de meules de foins) ayant eu lieu dans le département. Du 19 au 21 septembre, plusieurs dizaines d’autres habitants de Seine-et-Marne seront arrêtés, dont 42 futurs “45000”.

Le 19 octobre, Eugène et Roger Brisset sont parmi les premiers internés de ce département au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Roger y est enregistré sous le matricule 1658 et Eugène sous le 1660. Tous deux sont alors assignés au bâtiment A3.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 28 novembre, la Feldkommandantur 680 de Melun adresse au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye] une liste de 79 otages communistes seine-et-marnais pouvant être proposés pour une exécution de représailles, parmi lesquels Roger Brisset.

À la date du 30 avril 1942, son frère, Eugène Brisset, n’est plus détenu (selon une lettre du maire de Brie). « Requis par les troupes d’occupation » pour aller travailler sur les chantiers de l’Organisation Todt à Bordeaux (Gironde), il ne répond pas « à sa convocation en raison de son état de santé, justifié par un certificat médical », et « travaille irrégulièrement par suite de déficience physique » (courrier du maire de Brie au préfet daté du 15 janvier 1943) ; Eugène a été « réformé n° 2 » après avoir été convoqué au service militaire en 1929.

Entre fin avril et fin juin 1942, Roger Brisset est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Roger Brisset est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45304 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [1]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Robert Brisset est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 16. Puis il est admis au Block 19 (convalescents) de l’ “hôpital” des détenus d’Auschwitz-I (RevierHKB).

Robert Brisset meurt au Block 20 (contagieux) de l’ “hôpital” le 9 août 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp. ; un mois après l’arrivée de son convoi.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la Résistance et de la déportation de Brie-Comte-Robert, place des déportés, sur la plaque dédiées aux « Morts pour la France en déportation dans les bagnes nazis ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 25-10-1987).

Notes :

[1] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Archives départementales de Seine-et-Marne (AD77), archives en ligne : état civil de Brie Comte-Robert, registre des naissance de l’année 1907 (cote 6E56/36), acte n°114 (vue 63/263).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet, arrestations allemandes, secteur de Melun (3384W7), dossier individuel (SC51232).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste d’otages, document allemand (XLIV-60).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 377 et 397.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 133 (19117/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009), registre du Block20, page 295.
- Site Mémorial GenWeb, 77-Brie-Comte-Robert, relevé de Marianne Couturier (2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.