Louis, Edmé, Daniel, Brunet naît le 7 avril 1907 à Fontainebleau (Seine-et-Marne), fils d’Eugène Brunet, 41 ans, menuisier, et d’Henriette Moulin, son épouse, 31 ans, domiciliés au 41, rue de Fleury. Louis est le cinquième d’une famille de sept enfants vivants.
Début 1937, Louis Brunet est domicilié au 13 rue Diaz à Boulogne-Billancourt [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). Il travaille comme polisseur.
Le 30 janvier 1937 à Boulogne-Billancourt, il se marie avec Germaine Saint-Pol, née le 25 juin 1900 à Épernay (Marne), teinturière, habitant à la même adresse.
Au moment de son arrestation, Louis Brunet est domicilié au 6, rue de Solférino à Boulogne-Billancourt. Il participa au soutien de sa mère, âgée de 64 ans.Louis Brunet est déclaré comme menuisier après son arrestation ; Louis Eudier, du Havre, et René Besse, de Créteil, désignent comme ébéniste un homme portant le même nom et surnommé « la biche » ou « Labiche ». Pendant six ans avant guerre, Louis Brunet travaille pour la Maison Hervé, sis au 7 rue de la procession à Paris 15e.
Il est mobilisé le 15 avril 1940 et rendu à la vie civile le 19 août suivant (trois de ses frères ont également été mobilisés).
Du début septembre jusqu’à son arrestation, il travaille comme menuisier aux Studios de Billancourt, sis au 50, rue du Point-du-Jour.
Sous l’occupation, la police française considère Louis Brunet comme un « communiste notoire (participant) très activement à la propagande clandestine ».
Le 14 octobre 1940, il est arrêté sur son lieu de travail par les services du commissariat de circonscription de Boulogne-Billancourt, pour activité communiste et distribution de tracts, mais est relaxé peu après faute de charges suffisantes.
Le 26 octobre, le préfet de police de Paris signe un arrêté collectif par liste ordonnant son internement administratif, parmi 38 personnes visées ce jour-là dans le département de la Seine (dont 12 futurs “45000”). Le jour-même, Louis Brunet est interpellé par les policiers du commissariat de Boulogne-Billancourt, puis conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Louis Brunet est assigné à la chambre 32.
Le 6 septembre 1941, il est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.
Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 124 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Brunet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Louis Brunet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45308 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Brunet est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Selon René Besse, Louis Brunet, surnommé « la biche » (ou « Labiche », comme l’auteur de théâtre ?) remonte souvent le moral de ses camarades par son humour et ses blagues.
En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), Louis Brunet reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.
À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
À plusieurs reprises, Louis Brunet est admis au Block 21 (“chirurgie”) de l’ “hôpital” (Revier, HKB) : du 5 au 21 janvier 1944. On retrouve son nom le 16 février, le 18 août et le 5 septembre (s’il est bien ébéniste, il a pu se blesser en travaillant…).
Le 7 septembre 1944 , Louis Brunet est dans le petit groupe de trente “45000” transférés – dans un wagon de voyageurs ! – au KL [2] Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw (n° 40981).
Le 10 février 1945, il est parmi les dix-huit “45000” évacués – quatre jours en wagons découverts – à Hersbrück, Kommando de Flossenburg (n° 84362).
Le 8 avril, avec six camarades, il se trouve dans une colonne de détenus évacués à marche forcée. Le petit groupe se maintien en tête de colonne pour éviter le sort qui attend ceux qui n’arrivent pas à soutenir le rythme imposé par les gardiens. Ils arrivent au KL Dachau le 24 avril, épuisés et affamés (n° 151854).
Le 29 avril 1945, Dachau est libéré par l’armée américaine.
Ayant contracté une pleurésie en déportation, Louis Brunet est pris en charge par une fédération de déportés (probablement la FNDIRP) et soigné au sanatorium Stalingrad à Buhl, près de Baden-Baden.
Le 8 mars 1948, son mariage avec Germaine est dissous par jugement de divorce rendu par le tribunal civil de la Seine.
Le 5 octobre 1949 à Saint-Blasien/Bade (Allemagne), Louis Brunet épouse Lieselotte Wehr, née Büch.
En 1952, il habite au 36, rue Jean-Moulin à Sucy-en-Brie (Seine-et-Oise). Au cours de cette année, il dépose auprès du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre un dossier de demande d’attribution d’un titre de déporté (politique ou résistant).
Il décède à Sucy-en-Brie le 3 mars 1986.
Notes :
[1] Boulogne-Billancourt : créée sous le nom de Boulogne-sur-Seine en 1790, la commune prend le nom de Boulogne-Billancourt en 1926, le rattachement de Billancourt datant de 1859. Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 350 et 351, 358, 381 et 397.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) :cartons “Occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; cabinet du préfet, dossier individuel (1 W 1333-69972).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 41.
Archives départementales de Seine-et-Marne, archives en ligne :état civil de Fontainebleau, registre des naissances de l’année 1907 (6E117-15), acte 64 (vues 29-30/99).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1w73, 1w76, 1w77).
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), relevé dans les archives (communication 23-01-2009).
Louis Eudier, “Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945”, imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (1977 ?), pages 102-109.
René Besse : entretien filmé par Gilbert Lazaroo (13-06-1998).
Laurent Lavefve, Mille et neuf jours, René Besse, la force d’un résistant déporté, Les Ardents Éditeurs, Limoges avril 2009, ISBN : 978-2-917032-13-8, pages 127, 169.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 22-02-2013)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.