Marcelin Camusson naît le 11 janvier 1896 à Ambazac (Haute-Vienne), au village de Nouaillas, sur la commune d’Ambazac, au nord-est de Limoges (Haute-Vienne), chez ses parents, Léonard Camusson, 35 ans, et Anne Tagaud, 32 ans, tous deux cultivateurs (décédés au moment de l’arrestation de leur fils).
Par la suite, la famille emménage dans le petit village de Saint-Léger-la-Montagne, entre Ambazac et Saint-Sulpice-Laurière. Marcelin commence à travailler comme cultivateur, sans doute avec ses parents.
Le 10 avril 1915, il est mobilisé comme soldat de 2e classe au 107e régiment d’infanterie. Le 16 novembre 1917, cette unité est affectée en Italie, pays allié. Le 28 octobre 1918, « au passage de vive force du Piave et à la conquête de positions fortement organisées, s’y est fait remarquer par son courage ». Cité à l’ordre de son régiment le 23 novembre, il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze. Le 15 avril 1919, il est nommé caporal. Le 12 septembre suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation, et se retire chez ses parents, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En octobre 1919, il s’installe au 94, rue Bolivar, à Paris 19e.
Le 19 octobre 1920, à Paris 4e, Marcelin Camusson épouse Émilie Lecendreux, née le 12 février 1896 à Razès (Haute-Vienne). Le jeune couple s’installe au 10 rue de l’Ave Maria. Mais Émilie décède prématurément le 14 mai 1923 au 4 boulevard Macdonald, sans doute à l’hôpital Andral ou hôpital du bastion 27 (des anciennes fortifications), établissement de l’Assistance publique (1903-1933).
Marcelin Camusson habite ensuite au 5 rue des Nonnains d’Hyères à Paris 4e.
Le 6 décembre 1924 à la mairie du 4e arrondissement, il épouse Germaine Martin, 22 ans, née le 23 février 1902 à Coulombiers, au sud d’Alençon (Sarthe), brodeuse.
Ils ont un fils, Marcel, né le 18 janvier 1927 à Antony [1] (Seine / Hauts-de-Seine), où la famille habite alors.
Marcelin Camusson est maçon et cimentier.
En 1937, la famille est domiciliée depuis un dizaine d’années dans un pavillon situé au 63, rue Voltaire à Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne) ; lui se déclare comme plâtrier, travaillant en différents lieux, son épouse comme étant sans profession.
Aux élections partielles des 27 juin et 4 juillet 1937, Marcelin Camusson est élu conseiller municipal communiste de Fresnes sur la liste dirigée par Maurice Catinat.
Le 3 février 1940, le conseil de préfecture de la Seine le déchoit de son mandat pour fidélité au Parti communiste, ainsi que 21 autres élus municipaux de Fresnes.
Le 27 février, il n’est pas immédiatement mobilisé, mais maintenu à son emploi de fondeur spécialiste à la société anonyme des établissements Panhard et Levassor. Le 9 avril, il reste à son poste de travail, mais sous le statut d’“affecté spécial”.
La police française présente Marcelin Camusson comme un « agent actif de la propagande communiste ».
Le 5 octobre, Marcelin Camusson est arrêté à son domicile par la police française, comme onze autres élus et trois membres du PC de Fresnes, lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT), en application des décrets des 18 novembre 1939 et 9 septembre 1940 ; cette action de répression visant essentiellement des suspects est menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.
Le 29 mars 1941, quinze épouses de détenus Fresnois – dont Madame Camusson – adressent une lettre commune au préfet de la Seine afin d’être autorisées à leur rendre visite avec leurs enfants ; « attendu que les prisonniers de droit commun (criminels, voleurs) ont droit à des visites, nous ne pouvons comprendre que nos maris et pères, étant des hommes honnêtes, n’y ont pas droit. » Le même jour, la même pétition exactement est adressée au préfet de Seine-et-Oise, à Versailles.
Le 11 avril, le chef de cabinet du préfet de police demande au commissaire de la circonscription de Choisy-le-Roi d’ « avertir les pétitionnaires, en la personne de Mme Soupion » (probablement à l’origine de la lettre) que « le règlement intérieur du camp (interdit) les visites aux détenus. »
Le 6 septembre, Marcelin Camusson est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au “centre de séjour surveillé” de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.
Le 9 février 1942, il est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin, Marcelin Camusson est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet , Marcelin Camusson est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45326 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcelin Camusson.
On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz – très probablement avant la mi-mars 1943 [2].
Le 30 septembre 1944, lors de l’assemblée plénière du Comité local de libération de Fresnes, il est encore considéré comme « conseiller déporté en Allemagne » (… supposé vivant).
Son fils (?) Marcel, 18 ans, est présenté – au titre des Forces unies de la jeunesse patriotique (FUJP) – sur une liste de citoyens appelés à siéger au Conseil municipal. Mais il ne semble pas en faire partie le 30 octobre…
Le nom de Marcelin Camusson est inscrit sur le monument aux morts de Fresnes, à l’intérieur du cimetière, parmi les “déportés politiques et fusillés”, et sur la plaque apposée à l’extérieur de la mairie le 11 novembre 1945 : « Hommage du conseil municipal et de la population de Fresnes à leurs conseillers municipaux victimes de la barbarie Nazie ».
Le 21 janvier 1946, sur un papier à en tête de la Fédération nationale des déportés et internés patriotes, Madeleine Dechavassine, secrétaire générale de l’Amicale d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie, rédige un certificat fondé sur les témoignages de Raymond Saint-Lary, de Fresnes, et d’Auguste Monjauvis, de Paris 13e, attestant que Marcelin Camusson, déporté le 6 juillet 1942 est décédé dans ce camp, sans autre précision. Le 6 février 1946, Auguste Monjauvis complète lui-même un formulaire de la FNDIRP par lequel il certifie que Marcelin Camusson est décédé au mois de novembre 1942. Neuf jours plus tard, Raymond Saint-Lary signe un document identique rédigé dans les mêmes termes. Le 20 février, Germaine Camusson complète un formulaire l’ouverture d’un dossier en vu de l’établissement de l’acte de décès de son mari ainsi que de l’attribution de la mention « Mort pour la France”. Le 3 mai, l’officier de l’état civil au ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) établi l’acte de décès officiel de Marcelin Camusson « sur la base des éléments d’information figurant au dossier qui nous ont été présentés ce même jour » – c’est-à-dire, dans ce cas, selon les témoignages de Raymond Saint-Lary et d’Auguste Monjauvis – et fixe la date au 1er novembre 1942. Dès le 20 mai, la mention est ajoutée en marge de son acte de naissance dans les registres d’état civil de la mairie d’Ambazac.
Le 14 novembre 1949, le secrétaire d’État aux forces armées guerre délivre un certificat d’homologation dans la Résistance intérieure française (RIF), avec le grade fictif de sergent, à Marcelin Camusson pour son appartenance à l’organisation de Résistance Front national et des services accomplis du 5 juillet au 5 octobre 1940.
Le 12 janvier 1951, à Fresnes, Madame Camusson remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté-résistant à son mari. Le 17 juin 1954, la commission départementale émet un avis défavorable à cette demande, « les éléments de l’enquête établissant que l’intéressé a été arrêté pour des raisons d’ordre politique », suivie par la commission nationale le 17 septembre. Le 28 septembre 1954, la commission nationale prononce un avis favorable à l’attribution du titre de déporté politique, notifiée par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre à sa veuve le 15 octobre suivant (carte n° 1101.12897).
L’arrêté du 5 octobre 1987 publié au J.O. du 13 novembre prescrit l’inscription de la mention “Mort en déportation” en marge de l’acte de décès de Marcellin Camusson.
Notes :
[1] Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] La date de décès inscrite au Journal Officiel… : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.
Concernant Marcelin Camusson, c’est le 1er octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts ; comme sur la plaque de la mairie de Fresnes
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 355, 387 et 398.
Claude Pennetier, notice dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 1990-1997, CD (citant : Arch. Dép. Seine, D M/3 et Versement 10451/76/1 – Arch. Com. Fresnes).
Françoise Wasserman, Juliette Spire et Henri Israël, 1939-1944, Fresnes dans la tourmente, ouvrage édité par l’Écomusée de Fresnes à la suite de l’exposition présentée du 18-10-1994 au 8-05-1995, pages 14, 18 et 19, 50, 120.
Archives communales de Fresnes : recensement de 1936, liste de candidats aux élections de 1937, listes de déportés… (recherches conduites par Dominique Couderc, 03-2007).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel des renseignements généraux (77 W 1448-16031).
Archives départementales de Haut-Vienne (AD87), site internet, archives en ligne : registre d’état civil d’Ambazac N-M-D (3 E 2 / 18), année 1896, acte n° 5 (vue 87/144) ; registres matricules du recrutement militaire, bureau de Limoges, classe 1916, matricules de 1 à 500 (1 R 783), n° 247 (vues 425-426/888).
Nadia Ténine-Michel, Le camp d’Aincourt (Seine-et-Oise), 5 octobre 1940 – 15 septembre 1942, article in Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost et Jean-Pierre Azéma, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, novembre 1987.
Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; dossier individuel (1W97).
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Site Mémorial GenWeb, relevé de Bernard Tisserand (02-2004).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 6-02-2024)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.