Louis, Edmond, Célestin, Cerceau naît le 29 août 1908, rue Delavault-Saint-Jacques à Parthenay (Deux-Sèvres), fils de Louis Cerceau, 33 ans, serrurier, et de Célestine Simonnet, 30 ans, son épouse. Il a trois sœurs.
Le 14 mai 1929, il incorporé au 32e régiment d’infanterie comme soldat de 2e classe afin d’accomplir son service militaire. Le 8 octobre 1930, il est envoyé en congé de démobilisation, titulaire d’un “certificat de bonne conduite”.
Le 21 septembre 1931, à la mairie à Parthenay, Louis Cerceau se marie avec Eugénie, Marie, Sicot, née de père inconnu le 31 juillet 1900 dans cette commune.
En novembre 1934, le couple demeure au lieu-dit Bouget à Châtillon-sur-Thoet, commune limitrophe de Parthenay au nord. En 1936, Louis travaille comme sabotier pour Guyonneau (?). En novembre de cette année, ils sont installés au 46, rue Gambetta à Parthenay. En juillet 1937, ils habitent à Naintré (Vienne).
Au moment de son arrestation, Louis Cerceau est domicilié au 12, rue de Châtellerault au lieu-dit Domines, commune de Naintré (Vienne).
Il travaille alors à l’usine Duteil de Domines, ancienne coutellerie Pagé, fournie en énergie hydraulique par un moulin sur le Clain.
Dans cette entreprise, Louis Cerceau milite à la CGT.
Il est également responsable du Parti communiste pour Domines, cellule rattachée à Châtellerault.
Le 5 septembre 1939, suite au décret de mobilisation générale, il est rappelé à l’activité militaire. Affecté au 77e régiment d’infanterie, il est « aux armées » huit jours plus tard. Le 18 octobre, il est évacué vers l’hôpital de Menhange (?). Il rejoint son unité le 22 novembre. Le 15 décembre, il passe au dépôt n° 92, puis est affecté successivement aux 21e et 31e compagnies de passage. Le 8 avril 1940, il passe au dépôt n° 91 à Angers. Le 1er août 1940 – après l’invasion allemande et l’armistice – il est démobilisé sans avoir été fait prisonnier.
Le 23 juin 1941, il est arrêté par la gendarmerie française, comme communiste, et interné au camp de la Chauvinerie, à Poitiers, caserne réquisitionnée par l’occupant (selon M. Rideau, 33 communistes sont arrêtés ce jour-là dans la Vienne [1] ; 28 sont conduits à la Chauvinerie, 14 seront des “45000”).
Le 12 juillet, Louis Cerceau fait partie d’un groupe de détenus embarqués à la gare de Poitiers pour être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle ligne frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Louis Cerceau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45347 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Cerceau est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Là, il est atteint de tuberculose : on le met à l’isolement, selon le témoignage de son ami M. Rideau, de Châtellerault.
En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.
À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Louis Cerceau est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.
Le 7 septembre 1944 , il est dans le petit groupe de trente “45000” transféré – dans des wagons de voyageurs ! – au KL Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw (matricule 40982). En février, il est parmi les quinze “45000” transférés à Dora-Mittelbau et répartis dans différents Kommandos (matricule 116860). Le 17 mars, il est transféré au Kommando de Napola-Ballenstedt, le jour de l’ouverture de celui-ci.
Le 11 avril 1945, le complexe concentrationnaire de Dora est évacué et le groupe de détenus dans lequel se trouve Louis Cerceau est transporté en train au KL Neuengamme, puis dirigé à pied sur le port de Lübeck. Avec deux autres “45000”, Louis Cerceau est embarqué sur le navire allemand Cap Arcona que bombarde et coule l’aviation britannique. Il échappe à la mort et est recueilli par une vedette anglaise le 3 mai 1945.
Il est hospitalisé en Suède jusqu’au 22 mai 1945, date de son rapatriement par le centre d’accueil de Lille (Nord), au passage duquel il est constaté – entre autres – que sa main droite est estropiée à la suite de coups reçus : amputation du médium, rigidité des phalanges et de l’auriculaire.
Après 29 mois d’hospitalisation, suite à une thoracoplastie complète gauche avec pleurotomie pour soigner sa tuberculose pulmonaire, Louis Cerceau continue de souffrir de ce poumon : il doit rester constamment sous oxygène, témoigne Maurice Rideau ; son épouse a décrit sa plaie « jamais refermée, par laquelle on voit le poumon ». Il est pensionné à 100 %.
Louis Cerceau décède à Poitiers le 6 avril 1979.
Il est homologué comme “Déporté politique”.
Notes :
[1] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.
En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.
Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 321, 350 à 352, 358, 379 et 419.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Deux-Sèvres et de la Vienne (2001), citant : Souvenirs de Maurice Rideau (46056), demeuré très proche de son compagnon – Questionnaire biographique rempli par une infirmière au foyer Elsa Triolet de Naintré, sous la dictée de Madame Rideau (27/6/1989) – ADIR de la Vienne.
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, DMPA, Caen : dossier individuel (21 P 625 529), copie numérique transmise par Laurent Thiery, historien à La Coupole, Helfaut (Pas-de-Calais), directeur scientifique du projet de Dictionnaire biographique des déportés de France passés par le camp de Mittelbau-Dora et ses Kommandos.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 14-06-2019)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.