- IDENTIFICATION INCERTAINE
- Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Albert, Lucien, Adolphe, Champin naît le 8 avril 1904 à Limésy (Seine / Seine-Maritime [1] – 76), fils de Joseph Champin, 38 ans, domestique chez Joseph Nos, 63 ans, propriétaire habitant le village, et de Jeanne Verdure, 26 ans, native de Limésy, couturière. Il a deux frères, Joseph, né le 1er novembre 1902, et Georges, né en 1909, tous deux à Limésy.
En 1921, la famille semble voir quitté provisoirement la commune.
En 1926, la famille est de nouveau installée à Limésy, au lieu-dit Becquigny. Le père travaille comme journalier chez différents patrons. Les trois fils sont ouvriers d’usine chez “Maillard”, à Pavilly (76) ; usine de la Société Normande de Fonderie et Constructions Mécaniques de Pavilly. Les parents hébergent également un beau-frère, Jean-Baptiste Verdure, 44 ans, qui travaille aussi comme journalier.
En 1936, Joseph Champin, le frère aîné, habite seul au hameau de Rougemont (n° 6 ?) à Pavilly avec ses trois fils : Jean, né en 1930 à Pavilly, René et Georges. Il est terrassier aux Ponts et Chaussées.
Cette même année, les parents Champin habitent toujours à Becquigny. Le père est devenu “patron herbager”. Lors du recensement, le couple héberge les deux plus jeunes fils de Joseph : René, né en 1934, et Georges, né en 1935, et toujours Jean-Baptiste Verdure.
Au moment de son arrestation, Albert Champin est de nouveau domicilié à Limésy.
Il est ouvrier d’usine.
Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Albert Champin…
Dans la nuit du 21 au 22 octobre, Albert Champin est arrêté à son domicile sur ordre des autorités d’occupation. Il est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
D’après une signature portée sur un menu du repas de Noël 1941, Albert Champin serait alors assigné au bâtiment A2, chambre 8, avec Jean Binard, Michel Bouchard, Honoré Brieu, Émile Fromentin, Marcel Le Dret et Julien Villette.
Entre fin avril et fin juin 1942, Albert Champin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Albert Champin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45350, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Albert Champin.
Il meurt à Auschwitz le 3 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Il est déclaré “Mort pour la France” (2/10/1948) et homologué comme “Déporté politique” (n°1176 0383).
Le nom d’Albert Champin est inscrit – seul « déporté disparu » – sur la plaque « guerre 1939-1945, … à la mémoire des enfants de Limésy » apposée sur le mur de l’église, derrière le Monument aux Morts.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 156 du 8-07-2009).
Notes :
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 398.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site du Conseil général : cabinet du préfet 1940-1946 (cote 51w…), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 164 (27313/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 20-08-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.