- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Paul CLÉMENT naît le 5 janvier 1902 à Paris 20e, chez ses parents, Pierre Clément, 40 ans, ajusteur, et Augustine Nicaud, 32 ans, son épouse, domiciliés au 29, rue des Amandiers.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 52, rue des Maraîchers à Paris 20e (vers la rue des Grands-Champs). Il est célibataire.
Paul Clément travaille comme sellier.
En 1937, il adhère au Parti communiste.
Vers la fin de septembre 1940, sous l’occupation, Paul Clément décide, avec quelques camarades du 20e arrondissement, la reconstitution d’une cellule clandestine du Parti communiste. Les réunions se tiennent généralement le dimanche matin chez Gabriel Buyse, 109 rue des Grands-Champs (vers la rue du Volga), en présence de Pierre Bertolino, René Faure et Roger Houdard. À l’issue de ces rencontres, Gabriel Buyse remet à chacun une dizaine de tracts à diffuser dans leur voisinage et quelques “papillons” à coller à la vue des passants.
Dans la même période, Paul Clément convainc René Gaymard, dit « Marius », domiciliés dans le secteur de la “zone”, de participer comme agent de liaison à un réseau de diffusion de propagande. Celui-ci garde en dépôt dans son appartement quelques centaines de tracts et de brochures, mais diffuse également un petit nombre de tracts dans son voisinage et colle quelques papillons boulevard Davout.
Début 1941, Paul Clément distribue des tracts sur un marché de Montreuil-sous-Bois [2] (Seine / Seine-Saint-Denis) – de l’autre côté des « Fortifs » – avec Pierre Bertolino, René Faure et Roger Houdard, de Paris 20e.
Le 17 janvier 1941, vers 13 heures, une perquisition de la brigade spéciale anticommuniste (BS1) des Renseignements généraux opérée chez Raymond Luauté [1], ancien secrétaire de la section d’arrondissement, amène la découverte de documents relatifs à l’organisation clandestine du Parti dans le 20e, malgré une tentative de l’épouse de celui-ci pour les détruire ; plusieurs militants sont ensuite appréhendés.
Deux jours plus tard, le 19 janvier, à 18 h 30, Paul Clément est arrêté à son domicile par deux inspecteurs de la BS1. La perquisition alors opérée n’amène la découverte d’aucun imprimé clandestin, mais – néanmoins – de papier utilisable pour l’impression de tracts et de quatre feuilles de papier carbone ayant servi à la reproduction de deux lettres ouvertes adressée l’une par André Marty à Léon Blum (5 septembre 1939) et l’autre par Florimond Bonte à Édouard Herriot, président de la Chambre des députés (1er octobre 1939).
Le jour même, 19 janvier, au vu du rapport des inspecteurs et après les interrogatoires d’Albert Bertolino, Gabriel Buyse, Paul Clément et Robert Vonet, considérant que leur activité avait pour but la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communiste ou d’organismes s’y rattachant, par la reconstitution illégale de cellules dissoutes et par la détention en vue de la distribution et la distribution de tracts, de papillons et de brochures à tendance communistes, André Cougoule, commissaire des renseignements généraux, officier de police judiciaire, les inculpe conjointement d’infraction aux articles 1, 2 et 3 du décret du 26 septembre 1939 et les fait conduire au Dépôt (la Conciergerie, sous le Palais de Justice, dans l’île de la Cité) à disposition du procureur de la République.
Le lendemain, Paul Clément est conduit à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e.
Le 31 mars 1941, la 12e Chambre du Tribunal correctionnel de la Seine juge Raymond Luauté et les neufs personnes interpellées à la suite. Paul Clément est condamné à un an de prison, comme Pierre Bertolino et Roger Houdard. Le 18 avril, il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne – 94).
Le 3 juin, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris confirme la condamnation de Paul Clément (défendu par Maître Georges Pitard) et, le 16 octobre, la Cour de cassation rejette son pourvoi.
À l’expiration de sa peine, le 20 octobre, Paul Clément n’est pas libéré : le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. Il est probablement conduit au Dépôt, comme Pierre Bertolino.
Le 10 novembre, Paul Clément fait partie d’un groupe de 58 militants communistes transférés au « centre de séjour surveillé » (CSS) de Rouillé (Vienne).
Le 2 mars 1942, il est conduit à Angers (ou à Poitiers) (motif, suites ?).
Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Paul Clément est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Paul Clément est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45375 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Paul Clément.
Il meurt à Auschwitz le 30 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Notes :
[1] Raymond Luauté est déporté le 8 mai 1943 vers le KL Sachsenhausen où il meurt le 15 février 1945).
[2] Montreuil-sous-Bois et Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 374 et 399.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz.
Archives Nationales : poursuites pour activités et propagande communiste conduites par le Parquet de la Seine (BB18 7055), correspondance du 1er bureau de la Direction des Affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, dossier 182-40-254R (31 w 19.)
Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossiers de la BS1 (GB 53), n° 101, « affaire Luauté – Faure – Houdard – Gaymard », 18–01-1941 ; n° 103, « affaire Bertolino – Vonet – Buyse – Clément », 19–01-1941.
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 53.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, t. 2, p. 895, I.100 (Raymond Luauté, né le 13-02-1905 à Paris, matr. 66590 au KL Sachsenhausen).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 180 (33756/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 31-12-2014)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.