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Adrien Collas naît le 23 septembre 1888 à Épizon (Haute-Marne), au domicile de ses parents Rémi Jules Collas, 45 ans, maçon, et de Marie Clémentine Collas (une cousine ?), son épouse, 40 ans. À sa naissance Adrien a déjà sept frères et sœurs : Célestin, 19 ans, Maria 17 ans, Henri, 16 ans, Marie, 13 ans, Paul, 12 ans (né le 21 février 1882), Joseph, 10 ans, Berthe, 8 ans. Six ans après lui naît son frère Marcel.
Le 23 août 1897, leur mère décède au domicile familial, âgée de 49 ans.
Au recensement de 1906, les frères Adrien et Paul n’habitent plus avec leur père à Épizon. En avril 1911, Paul Collas, qui a commencé à travailler comme maçon, habite à Savonnières-en-Perthois (Meuse). Sous le territoire de la commune existe un réseau de carrières souterraines desquelles est tirée de la pierre de taille (dite pierre de Savonnières, un calcaire jurassique de couleur blonde) et qui fournit du travail à nombre d’habitants.
Pendant un temps, Émile, Henri, Adrien, Collas travaille comme carrier.
Le 8 octobre 1909, afin d’accomplir son service militaire, il est incorporé comme soldat de 2e classe à la 6e section d’infirmiers militaires. Le 24 septembre 1911, il passe dans la disponibilité et se retire à Savonnières-en-Perthois.
Rappelé à l’activité par le décret de mobilisation générale du 2 août 1914, il rejoint son détachement le jour même et part « aux armées ». Le 21 novembre 1916, il passe au 3e régiment d’artillerie à pied. Le 21 juin 1917, il est évacué pour maladie et admis à hôpital 60 d’Amiens. Le 26 juillet, il rejoint son unité. Le 14 août 1918, il est de nouveau évacué vers un hôpital, puis rentre aux armées le 9 octobre. Le 16 novembre 1918, il passe au 156e RAP. Le 27 décembre 1918, il est de nouveau évacué vers un hôpital pour maladie. Il rentre aux armées le 6 janvier 1919. Le 27 mars 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire à Savonnières-en-Perthois. En 1927, Adrien Collas militera à l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC).
C’est un militant syndical : en avril 1922, il est trésorier adjoint de l’Union départementale CGTU de la Meuse, qui groupe alors 650 cotisants, dont 310 ouvriers du Bâtiment, 210 ouvriers carriers, 70 ouvriers des PTT et 60 de l’Ameublement.
À la mi avril 1926, la petite famille d’Adrien est domiciliée rue de l’Église, où elle voisine avec son frère Paul Collas et de sa propre famille. Adrien alors est carrier chez Fèvre et Compagnie.
En 1927, Adrien Collas assure le secrétariat du syndicat unitaire des carriers de Savonnières-en-Perthois, succédant à son frère Paul, parti pour Wassy (52) début avril.
Fin mars 1931, Adrien est carrier au Granit (sic). Fin mars 1936, Pierre n’est pas recensé au domicile de ses parents. Adrien Collas est alors devenu patron maçon.
Au moment de son arrestation, Adrien Collas est recensé ruelle de l’Église à Savonnières ; sans doute un simple changement de qualification de la voie.
Entre le 22 et le 24 juin 1941, il est arrêté avec son fils Pierre, probablement dans le cadre de l’Aktion Theoderich [1], et interné dans les jours suivants au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 - Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec son fils Pierre parmi plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Dans un wagon, les détenus de la Meuse se sont rassemblés autour de Charles Dugny, de Lérouville.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Adrien Collas est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45382 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée par comparaison avec un portrait “civil”) ; son fils Pierre est enregistré sous le numéro 45383.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Adrien Collas.
Il meurt à Auschwitz le 14 février 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Son fils Pierre est signalé au Revier le 12 janvier 1943, mais on ignore la date de sa mort à Auschwitz.
Tous les deux ont leur nom inscrit sur le monument aux morts de Savonnières-en-Perthois, près de l’église.
Lucie Collas décède le 30 juillet 1976 à Savonnières-en-Perthois.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès d’Adrien Collas (J.O. du 24-12-1987).
Notes :
[1] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Sources :
notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, CD-rom, version 1990-1997, citant : Arch. Nat. F7/13003 et F7/13652, Bar-le-Duc, 14 juillet 1927.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 369 et 399.
Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 13.
Archives départementales de la Haute-Marne, site internet du Conseil général, archives en ligne : état civil d’Épizon, registre NMD 1883-1892 (E dépôt 10189), naissances de l’année 1888, acte n°4 (vue 52/106).
Archives départementales de la Meuse, site internet du Conseil général, archives en ligne : registre des matricules militaires, bureau de Verdun, classe 908, étrangers à la subdivision, n° de 500 à 657 (1 R 592), numéro dans la liste 519 (vue 29/190).
Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon : cote 1630, article 252.
Site de la Maison lorraine de la spéléologie.
Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).
Site Mémorial GenWeb, 54-Savonnières-en-Perthois, relevé de Jean-Pierre Leisen (2002).MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 30-11-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.