- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Jean André Émile Marie Coltey naît le 7 février 1906 à Auxon-les-Vesoul (Haute-Saône – 70), chez ses parents, François Coltey, 35 ans, garde particulier, et Marie-Juliette Rapin, 36 ans, couturière, son épouse, domiciliés à Saramboz (château). Jean a – au moins – deux sœurs aînées : Gabrielle, née en 1898 à Noroy-le-Bourg (70), et Marie, née en 1903 à Neuvelle-lès-La-Charité (70).
En juin 1909, le père emmène sa famille à Breuches (70), où il devient gardien de la filature de coton Bezançon. En 1911, ils habitent… rue de la Filature.
François Coltey, âgé de 44 ans et qui a effectué son service militaire au 42e régiment d’infanterie de septembre 1892 à septembre 1894, est rappelé à l’activité par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914 et rejoint le 47e régiment d’artillerie, aux services accessoires. Le 29 février 1916, il est nommé gendarme auxiliaire à la 8e légion de gendarmerie. Le 16 février 1919, il est renvoyé dans ses foyers.
Le 29 avril 1933, à Saponcourt (70), Jean Coltey se marie avec Edmée Henry, née le 29 octobre 1902 dans ce village. Ils ont – au moins – deux filles, nées à Langres : Arlette, en 1934, et Nadine en 1935.
En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Jean Coltey est domicilié avec sa famille au 11, place de l’Hôtel de Ville à Langres (Haute-Marne – 52).
Jean Coltey est typographe à La Haute-Marne Nouvelle.
Le 22 juin 1941, il est arrêté, parmi une soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés en quelques jours dans la Haute-Marne [1] (dont 15 futurs “45000”). D’abord détenu à la prison de Chaumont, il est transféré (le 27 juin ?) au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Jean Coltey est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45389 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Jean Coltey est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Là, il est assigné au Block 14.
Le 21 juillet, il est admis à l’hôpital d’Auschwitz, dans le Block 20, celui des maladies contagieuses, avec Georges Niquet, de Maisons-Alfort.
Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après les registres du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des « inaptes au travail » à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).
Le nom de Jean Coltet (?) est inscrit sur le monument au morts de Langres, devant l’Hôtel de Ville (à vérifier…).
Notes :
[1] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 367 et 399.
Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 14.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; documents d’archives : liste du Block n° 20, hôpital d’Auschwitz-I.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 184 (31579/1942).
Marianne Couturier, site internet Mémorial GenWeb, 2005.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 27-09-2020)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.