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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

René Coquet naît le 29 novembre 1908 à Mont-Saint-Aignan, agglomération de Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1]- 76).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 65, rue du Renard, à Rouen, ou 109, route de Rouen à Darnétal (76).

Marié, il a un enfant âgé de trois ans et demi en janvier 1942.

René Coquet est agent des installations aux Postes, télégraphes et téléphones (PTT).

Selon le commissaire de police de Darnétal, René Coquet est d’opinion politique radicale-socialiste sans adhérer à ce parti. Membre de l’Amicale darnétalaise, société sportive où il est plus particulièrement chargé de la « branche artistique » (concerts, séances récréatives, théâtre). À ce titre, il accepte pendant quelques mois de devenir secrétaire de la section locale des Amis de l’U.R.S.S., afin de s’occuper « de la partie cinématographique de cette propagande », avant de quitter l’association pour divergence idéologique.

Le 26 août 1939, il est mobilisé (quelles suites ?).

Le 22 octobre 1941, dans la nuit, il est arrêté à son domicile par des gendarmes français et remis aux autorités allemandes.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Lors de son internement au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise), ses camarades l’ont surnommé “le fusillé manqué”. En effet,  le 8 mai 1942, jour d’une représentation théâtrale à laquelle il devait participer, il est appelé avec quatre autres détenus pour être conduit au poste de garde avant d’être fusillé, mais revient deux heures après : c’était une « erreur de nom » : l’homme désigné pour l’exécution est Maurice Boulet. René Coquet participa à la représentation le soir même (Le Patriote Résistant, juin 1972, M. Hochet et M. Rideau). Maurice Boulet est fusillé le lendemain avec ses camarades au champ de tir des Beaux-Monts, dans la forêt de Compiègne, en représailles d’un attentat contre un train de permissionnaires allemands à Caen le 1er mai précédent.

Entre fin avril et fin juin 1942, René Coquet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Coquet est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45394.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Coquet est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

René Coquet meurt à Auschwitz le 9 juin 1943 [3], « exterminé par le Tueur », “triangle vert” allemand, chef du Block 19, « un colosse d’une brutalité incroyable ». René mâchait un morceau de rutabaga, « à grands coups de paume de la main, (le Blockältestelui enfonça le reste du rutabaga, et le frappa jusqu’à ce qu’il tombe et ne puisse se relever. Quand, après l’appel, il fut emmené au Revier [4], je crois qu’il était déjà mort » (témoignage de M. Rideau).

René Coquet est homologué comme “Déporté politique” (n°1103 487263) 21-9-1953, et déclaré “Mort pour la France” 1-4-1954. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-02-1988).

Malgré son appartenance avant-guerre au Parti radical, son nom est parmi ceux des 218 militant.e.s inscrit.e.s sur plusieurs plaques apposées dans la cour du siège de la fédération du PCF, 33 place du Général-de-Gaulle à Rouen, avec un extrait d’un poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’espoir et le désespoir », et sous une statue en haut-relief dont l’auteur reste à préciser.

Monument dédié aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre dans la cour du siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive (2014).

Monument dédié aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre dans la cour du siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive (2014).

Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

Une des six plaques dédiées aux militant.e.s mort.e.s au cours de la guerre, au siège de la Fédération du PCF de Seine-Maritime à Rouen. © Claudine Ducastel pour Mémoire Vive.

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Le camp de Royallieu, sous contrôle militaire allemand, a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[4] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 97, 127 et 128, 377 et 399.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie réalisée en 2000 à Rouen, citant : Témoignages de Maurice Hochet et Maurice Rideau (56056) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – Acte de décès 2/7/1947.
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’hôtel du département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Cl à Cu (51 W 413), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 185 (18303/1942), orthographié « Coquelin » !

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-01-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.