- Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Robert, Alain, Lucien, Courtas naît le 7 juillet 1923 à Persan [1] (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), fils d’Édouard Marius Courtas, 36 ans, ajusteur, et de Marguerite Yvonne Natalias, 36 ans, son épouse, tous deux natifs de Blois (Loir-et-Cher) et alors domiciliés rue de Pontoise.
Fin 1910, son père était venu s’installer en banlieue parisienne – d’abord à La Plaine-Saint-Denis (Seine / Seine-Saint-Denis – 92) – avant même son mariage, célébré à Blois le 27 avril 1912. Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale pour rejoindre le 1er régiment du Génie, il a été blessé au bras et à la hanche gauche par un éclat d’obus fin septembre 1915, mais n’a été démobilisé par le 19e régiment du “train auto” que le 21 mars 1919, se retirant au 5, rue de la Lingerie à Paris 1er, près des Halles.
Leur premier enfant, Édouard, Paul, Georges, est né le 9 octobre 1918 à l’hôpital Beaujon (Paris 8e) alors qu’ils sont domiciliés à Puteaux (92) depuis juillet 1912.
Installée à Persan en mars 1921, la famille Courtas n’y reste pas longtemps, habitant à Aulnay-sous-Bois (92) en août 1924. Elle compte bientôt quatre enfants, dont Paulette Yvonne, née le 6 juin 1921 à Persan, et Marcel, né en 1925 à Aulnay.
En juillet 1926, ils emménagent dans un immeuble HBM récemment construit sur les anciennes fortifications au 2, rue Frédéric-Schneider à Paris 18e.
Au recensement de 1936, la famille s’est agrandie avec les naissances de Roger Fernand, né le 28 décembre 1926, mais décédé le 24 décembre 1927, âgé d’à peine un an, et d’Yvonne Fernande, née le 12 février 1931 à Paris 18e.
En 1936, les deux Édouard Courtas, père et fils aîné, travaillent comme ajusteurs dans une entreprise installée boulevard d’Ornano. Le 26 décembre de cette année, Édouard, le fils aîné, se marie à Paris 18e avec une pâtissière de 16 ans habitant le même immeuble avec ses parents.
Comme eux, Robert Courtas devient mécanicien-ajusteur.
Le 10 mai 1941, il quitte le domicile familial avec pour projet de franchir la ligne de démarcation. Dans ce contexte, il fait étape chez des cousins à Cormery (Indre-et-Loire), selon un récit ultérieur de son père à vérifier…
Mais, le 17 mai, le domicile de ceux-ci est perquisitionné en son absence par des gendarmes qui y trouvent quelques papiers (?). Apprenant la chose à son retour chez eux, le 19 mai, Robert Courtas se rend de lui-même à la gendarmerie de Blois où il est aussitôt arrêté (toujours selon le récit de son père…). Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, Robert Courtas est conduit en détention préventive à la Maison d’arrêt de Blois (Loir-et-Cher).
Le 18 juin, le Tribunal correctionnel de Blois le condamne à six mois d’emprisonnement « pour vol et détention de tracts communistes » (?).
Le 8 juillet, Robert Courtas est transféré à la Maison d’arrêt et de correction de Cholet (Maine-et-Loire). Bien que libérable le 18 novembre, un préfet (Loir-et-Cher ou Maine-et-Loire ?) prononce cependant son internement administratif et il est « maintenu à l’établissement en vertu de la circulaire D.89 du 5 novembre 1941 du ministre de la Justice relative à l’ordonnance État-major administratif AZ-VJU-821-1723-41 Nr 386/41 du commandant des forces militaires en France ».
Le 2 février 1942, ayant appris son maintien en détention sur ordre de l’armée d’occupation, son père écrit au ministre de l’Intérieur pour que celui-ci intervienne en faveur de sa libération. « Je suis allé moi-même à la Kommandantur à Paris. Par plusieurs démarches nécessaires, je suis arrivé à obtenir un papier pour envoyer à la Feldkommandantur à Angers. Depuis près de deux mois, plus rien, aucune réponse. » Selon lui, « tout en demandant sa grâce, vous pouvez dire qu’il demande lui-même sa collaboration par son travail, mais à condition d’être en bon état de pouvoir le faire après un court repos à la maison, ici, ne demande qu’à partir travailler en Allemagne même. »
Le 16 février 1942, Robert Courtas est remis aux autorités d’occupation à leur demande et transféré camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager) ; enregistré sous le matricule n° 3619, il est assigné au bâtiment A7.Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
- Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Robert Courtas est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45406 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Robert Courtas.
Il meurt à Auschwitz, le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]) ; la cause mensongère indiquée pour sa mort est « défaillance cardiaque et circulatoire » (Versagen des Herzens und Kreislaufes). Il a dix-neuf ans.
Le 2 juillet 1947, Édouard Courtas remplit et signe un formulaire du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) pour demander la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ».
Le 17 octobre suivant, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des ACVG dresse l’acte de décès officiel de Robert Courtas « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour », reprenant les date et heure mentionnées dans le Sterbebücher (une copie de cet acte étant arrivée dans son service). Le même jour, le service central de l’état civil du ministère demande par courrier aux maires de Paris 18e et de Persan de transcrire cet acte dans les registres de leurs communes respectives.
Par la suite, il semble que les parents de Robert Courtas ne demandent pas pour leur fils l’attribution du titre de déporté politique ou résistant.
Son père, Édouard Courtas, décède à Paris 18e le 11 décembre 1954.
Sa mère, Marguerite Yvonne Courtas, décède à Paris 18e le 24 février 1958.
Le 25 septembre 1989, la « Cellule des Morts en déportation » du secrétariat d’État chargé des ACVG demande aux maires d’apposer la mention “Mort en déportation” en marge de l’acte de décès de Robert Courtas (J.O. du 29-01-1988).
Notes :
[1] Persan : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Les concentrationnaires gazés. Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme « inaptes au travail » (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 373 et 400.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel) – Liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 186 (31838/1942).
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 439 075).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 26-03-2020)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.