Maurice, Omer, Dadé naît le 9 septembre 1896 à La Belliole (Yonne – 89), chez ses parents, Arthur Dadé, 29 ans, cafetier, et Amélie Méry, 22 ans, son épouse, épicière. Le 2 février 1898, en milieu d’après-midi, son père décède à leur domicile, âgé de 31 ans ; décès déclaré à la mairie par le frère et le beau-frère de celui-ci, tous deux cultivateurs.
Le 26 mars 1900, à La Belliole, sa mère se remarie avec Alphonse Thibault, 25 ans, alors sabotier. En 1906, la famille recomposée est installée rue des Patouillats à Vallery (89). Alphonse Thibault y est devenu cultivateur fermier. Maurice Dadé commence à travailler comme agriculteur, sans doute avec son beau-père.
Le 12 avril 1915, après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, Maurice Dadé est mobilisé comme cavalier de 2e classe à la 12e compagnie du 1er régiment de Cuirassiers. Il est présent sur le front du 8 mars 1917 au 11 novembre 1918. Le 4 juin 1919, il passe au 11e régiment de cuirassiers. Le 3 septembre suivant, il est nommé soldat de 1re classe. Le 24 septembre, envoyé en congé définitif de démobilisation, il se retire rue du Pont à Bray-sur-Seine (Seine-et-Marne), titulaire d’un certificat de bonne conduite.
En octobre 1919, il habite dans la ferme de son oncle Adrien Dadé, propriétaire à La Chatière, à Villiers-Louis (89). Il commence à travailler pour lui comme ouvrier agricole. En janvier 1920, il se déplace à Chigy, puis revient à Villiers-Louis six mois plus tard.
Le 22 avril 1922, à Villeneuve-la-Guyard (89), Maurice Dadé se marie avec Lucienne Adrienne Percheron, née 12 mai 1902 dans cette commune. Bientôt, ils s’installent rue Blanche, dans le village. Ils ont une fille, Yvette, née après le printemps 1926.
Maurice Dadé est « cultivateur, patron ».
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 11, rue Blanche à Villeneuve-la-Guyard.
Le 2 septembre 1939, il est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale. Affecté à l’atelier de chargement de Saint-Florentin, 5e compagnie d’ouvriers de renforcement, groupe 81, il arrive au corps le 5 septembre. Le 10 mai 1940, classé travailleur militaire, il passe à la compagnie 8/11 du 8e B.O.A. Il est démobilisé le 28 août suivant.
Maurice Dadé est arrêté après le 21 juin 1941, dans le cadre de l’Aktion Theoderich [1], parmi onze militants communistes de l’Yonne. Ultérieurement, son épouse affirmera qu’il a été « dénoncé », mais sans indiquer aucun motif…
Probablement connaît-il le même parcours que Georges Varenne, instituteur révoqué de Laroche-Saint-Cydroine, qui est détenu successivement à Troyes et à Auxerre, puis transféré 12 juillet 1941, avec d’autres détenus, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise) administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Dadé est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Maurice Dadé est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45417 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Dadé.
Il meurt à Auschwitz le 25 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].
Aucun des trois déportés “45000” de l’Yonne n’est revenu.
Entre décembre 1946 et mars 1947, le conseil municipal de Villeneuve-la-Guyard dénomme Maurice Dadé la rue où celui-ci habitait.
Le nom de Maurice Dadé est inscrit sur le Monument aux morts de Villeneuve-la-Guyard, situé sur la route de Misy-sur-Yonne, avant le pont sur le chemin de fer.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-02-1988).
Notes :
[1] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.
En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.
Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Maurice Dadé, c’est le mois de novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 380 et 400.
Archives départementales de l’Yonne, archives en ligne : état civil de La Belliole, registre des naissances 1876-1898 (5 Mi 1251/ 11 N), année 1896, acte 7 (vue 81/90) ; registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1916, bureau de Sens, n° 501-791 (1 R 769), matricule 527 (vues 58-59/691).
Archives départementales de Côte-d’Or, Dijon : « arrestations par les autorités allemandes-correspondances », liste de l’Yonne, n° 5 (1630, article 252).
Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).
Site Mémorial GenWeb, 89-Villeneuve-la-Guyard, relevé de Christian Prunier (05-2004).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 5-12-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.