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François, Jean, Marie, Daoudal naît le 16 février 1922 à Guérande (Loire-Atlantique [1]), fils de Jean Daoudal et Louise Le Moal, une famille d’ouvriers qui comptera six enfants.
Vers 1923, les Daoudal s’installent à Villejuif [2] (Seine / Val-de-Marne – 94). Au moment de son arrestation, François Daoudal est domicilié chez sa mère, au 3, rue de la Liberté (ou au 27 rue Paul-Bert).
Il fréquente l’école communale de Villejuif, avant de pratiquer divers métiers liés au bâtiment. En dernier lieu, il est peintre en bâtiment, employé chez Georges Labarre (lui-même ancien élu de Villejuif, en 1925, sur la liste du Bloc ouvrier et paysan conduite par Xavier Guillemin) dont l’entreprise se situe à l’angle des rues du Moutier (devenue rue Georges-Le Bigot) et Paul-Bert.
Dès son départ du patronage, François Daoudal entre dans les Jeunesses communistes, dans le “cercle” de Villejuif comprenant, entre autres, René Plaud, Eugène Candon (responsable des JC sur l’ensemble de Villejuif), Francis Née, Jean Richard, et dont il devient le secrétaire.
Lorsque la guerre éclate en 1939, le cercle se disperse. François accompagne alors sa mère, Louise Daoudal, employée communale, dans l’évacuation vers la province de plus d’une centaine d’enfants des écoles de Villejuif : sa disponibilité et son esprit d’initiative, lors de ce premier exode qui entraîne ces enfants sur les routes de la Nièvre et du Cher (juin-juillet 1939), sont mentionnés dans le rapport que le responsable, Pierre Lavigne, fait parvenir à l’inspecteur d’Académie dès son retour à Villejuif.
Les membres du cercle agissent alors dans la clandestinité, François Daoudal faisant équipe avec Francis Née (qui habite Vitry-sur-Seine, à la limite des deux communes, mais milite à Villejuif) et Paul Guillaume [3], dit Paulo (confection et distribution de tracts).
Le 17 septembre 1940, tous les trois sont arrêtés par la police française, lors d’une distribution de tracts,rue Jean-Baptiste-Baudin. Ils ont affaire au brigadier de police Guimelli, du commissariat de la circonscription de Gentilly, très connu dès avant la guerre par sa violence à l’égard des militants et des élus communistes de sa circonscription. François Daoudal est considéré comme un « meneur communiste très actif ».
Le 8 février 1941, il comparaît devant la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine (ses deux avocats, Hadjje et Pitard, seront fusillés). Le 14 février, François Daoudal est condamné à huit mois d’emprisonnement pour infraction au décret du 26-9-1939 (dissolution et interdiction des organisations communistes).
Il est écroué à la maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Sa famille, qui va lui apporter du linge chaque dimanche, ne le reverra plus. À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré.
Le 13 mars 1941, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. Il est conduit au dépôt de la préfecture de Police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité). Le 9 avril, la Cour d’appel de Paris examine la situation de cinquante condamnés pour activité communiste. Elle prononce le sursis concernant François Daoudal, « avec avertissement ».
Le 21 avril, celui-ci fait partie d’un groupe d’internés du dépôt transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise).
Il est assigné au “dortoir des jeunes” (« DJ ») [4], avec Georges Dudal qui écrit de lui qu’il est alors « un gai luron, toujours souriant (…) aimé de tous ».
Dans un courrier – écrit sur les pages d’un cahier d’écolier – daté du 1er mai et adressé à sa mère, François Daoudal indique qu’il a retrouvé des copains avec lesquels il était en prison « sous les autorités allemandes » (?) et qu’il est dans un groupe de sept jeunes pour le partage des colis. Il espère être de retour chez lui prochainement, « car cette semaine, il y a eu trente libérations ». Un co-détenu a fabriqué pour lui un cadre en forme de cœur afin qu’il y mette la photo d’Odette, sa sœur (?).
Le 6 septembre 1941, François Daoudal fait partie d’un groupe de 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.
Le 22 mai 1942, il est parmi les 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Il y retrouve Georges Dudal qui avait été transféré au camp de Voves (Loir-et-Cher).
Entre fin avril et fin juin 1942, François Daoudal est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Dans le message qu’il adresse à sa mère à la veille du départ, il écrit : « À l’heure où je t’écris, je suis dans une baraque spéciale pour être déporté demain matin en Allemagne ; mais tu sais il ne faut pas avoir peur parce que je pars en déportation car j’espère ne pas passer la frontière, si par malheur je la passe j’aurai fait tout mon possible pour ne pas la passer. » Il y précise que « Francis (Née) part aussi » et demande qu’on prévienne la mère de celui-ci. Par deux fois, il affirme qu’il a « un bon moral ».
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, François Daoudal est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45422, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, François Daoudal est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
On ignore la date exacte de sa mort à Birkenau ; certainement avant la mi-mars 1943. L’état civil français l’a fixée au 15 décembre 1942.
Georges Dudal témoigne de sa disparition dans la première lettre qu’il envoie à ses parents depuis Dachau dès la libération du camp :« Où est Daoudal, mon bon petit camarade qui est mort fou en criant : “Maman, ma pauvre Maman” ? » Dans un autre document, il ajoute que le chef de Block l’a tué à coups de bâton à cause de cet accès de folie.
François Daoudal est homologué dans la Résistance intérieure française, au titre du Front national [5], avec le grade fictif d’adjudant (4-08-1948).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du XX-03-1988).
Associé à Pierre Semard, son nom a été donné à une cellule du PCF de Villejuif après la guerre.
Notes :
[1] Loire-Atlantique : département dénommé “Loire-Inférieure” jusqu’en mars 1957.
[2] Villejuif : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[3] Paul Guillaume : lors du procès de février 1941, la 15e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à six mois d’emprisonnement.
[4] Le “dortoir des jeunes” : ouvert en octobre 1940 pour accueillir les communistes de la région parisienne arrêtés lors d’une vague d’arrestations organisée par la police française avec l’accord de l’occupant, le camp d’Aincourt fut installé dans le très long pavillon d’un sanatorium désaffecté situé en pleine forêt. Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin. Installé dans l’ancien réfectoire du bâtiment, le “dortoir des jeunes” (DJ) rassemblait cinquante à soixante jeunes de 17 à 25 ans que le directeur du camp voulait tenir à l’écart de l’influence politique de leurs aînés.
[5] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).
Sources :
Marcelino Gaton et Carlos Escoda, Mémoire pour demain, L’action et les luttes de militants communistes à travers le nom des cellules de la section de Villejuif du Parti communiste français, éditions Graphein, septembre 2000, pages 38 et 40.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 389 et 400.
Archives nationales ; correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes (BB18 7043).
Lettre et témoignage de Georges Dudal.
Témoignage de Fernand Devaux.
Documents confiés par Jeannine Barré, sa sœur.
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 55.
Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé (109W75).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) ; cartons “occupation allemande” camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
Carlos Escoda et MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 8-05-2014)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.