- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Robert Daune naît le 1er août 1910 à Brevilly (Ardennes – 08), fils de Georges Émile Daune, 25 ans, et de Maria Pénoy, 23 ans, domiciliés à Mont-Saint-Martin (08). Il a – au moins – trois sœurs.
Au cours de la Première Guerre mondiale, leur père est “affecté spécial” aux Chemins de Fer de l’Est.
À Mont-Saint-Martin, Robert fréquente l’école primaire. Après l’obtention du certificat d’études, il entre comme apprenti aux Chemins de Fer de l’Est, puis aux Aciéries de Longwy (Meurthe-et-Moselle – 54), où il devient ajusteur.
En 1931, il effectue son service militaire au 402e D.C.A. à Metz (Moselle).
Le 12 janvier 1933, son père décède à Mont-Saint-Martin.
Le 16 mars 1935 à Longwy, Robert Daune épouse Yvonne Burnay, née le 10 août 1914 à Tellancourt (54).
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 2, avenue de Saintignon à Longwy-bas (54).
Il est ajusteur-mécanicien à la Société lorraine électrique.
En septembre 1939, ayant été réformé à la suite d’un accident de moto, il est évacué à Sainte-Foy-la-Grande (Gironde). Il rentre à Longwy en février 1941.
Sous l’occupation, il participe à des diffusions de tracts clandestins.
Le 21 octobre 1941, il est arrêté par les « autorités allemandes ». Deux jours plus tard, 23 octobre, le préfet signe un arrêté d’internement administratif pour « menées communistes » et Robert Daune est conduit au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54).
Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-septmines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.
Le nom de Robert Daune figure en premier sur une « liste communiquée le 19 (février ?) au soir à la KK (Kreiskommandantur) de Briey par le sous-préfet » pour préciser la nationalité de cinquante-trois hommes du secteur.
Le 5 mars, Robert Daune est parmi les trente-neuf détenus d’Écrouves transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Aussitôt, le sous-préfet de Briey intervient auprès du préfet de Meurthe-et-Moselle pour qu’au moins sept d’entre eux, dont Robert Daune, ne soient pas considérés comme otages.
Néanmoins, entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Robert Daune est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45427 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Robert Daune est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Il contracte le typhus. Pris dans une sélection, il attend devant l’infirmerie, avec d’autre détenus, d’être conduit à la chambre à gaz. Épuisé, il s’évanouit devant la porte. Celle-ci s’ouvre discrètement et il est tiré à l’intérieur. Soigné clandestinement, il y reste caché après sa guérison. Ses camarades le dissimulant à chaque inspection, l’administration fini par le considérer comme mort (un acte de décès est établi à la date du 28 septembre 1942).
En août 1943, lorsque les SS viennent chercher André Faudry et Georges Marin, respectivement gardien de nuit et coiffeur à l’infirmerie, pour les conduire en quarantaine au Block 11 d’Auschwitz-I, ceux-ci révèlent la présence de Robert Daune, qui retrouve ce jour-là une existence légale et est ramené avec eux (la décision du Tribunal cantonal de Bielitz annulant la mention de son décès est datée du 2 octobre 1943).
À la mi-août 1943, Robert Daune est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Robert Daune est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert (selon Claudine Cardon-Hamet).
Le 7 septembre, il est dans le petit groupe de trente “45000” transférés – dans un wagon de voyageurs ! – au KL Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw (matr. 40989).
En février, il est parmi les quinze “45000” pris dans des colonnes de détenus évacuées vers le complexe concentrationnaire de Dora-Mittelbau et répartis dans différents Kommandos. Avec, Georges Gallot, Robert Daune est affecté à Dora-Harzungen (matr. 46284). Il y contracte la dysenterie.
Le 11 avril 1945, Dora est évacué. Maurice Courteaux et Robert Daune sont dans des colonnes dirigées à marche forcée vers Hambourg. Maurice Courteaux s’évade en route, mais Robert Daune est conduit jusqu’à Bergen-Belsen (probablement au sous-camp dit « de la caserne ») où il est libéré le 15 avril par l’armée britannique.
Rapatrié à Longwy le 5 ou le 10 juillet, malade, il doit quitter sa profession d’ajusteur.
Le 31 octobre 1947, le tribunal civil de la Seine prononce le jugement de divorce de son premier mariage. Le 31 décembre 1948, à Longwy, il se marie en secondes noces avec Germaine Ligman (?).
En juin 1971, par recours gracieux, il demande au ministère des Anciens combattants et victimes de guerre de lui attribuer le titre de déporté.
Le 12 février 1972, depuis Vitteaux (Côte-d’Or) où il réside alors, il écrit au président de la République afin que celui-ci intercède pour lui faire obtenir un statut de déporté lui permettant de recevoir une pension ; il a alors 61 ans…
Robert Daune décède le 27 août 1986.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 224 et 225, 350 à 352, 358, 367 et 400.
Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : cote W1304/23 et WM 312 ; fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier.
Raymond Montégut (45892), Arbeit macht Frei, Éditions du Paroi (imprimeur), juin 1973, Recloses, Ury (77), pages 180-181.
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 629-291), numérisations de certains documents transmis par Laurent Thiery, dans le cadre de la rédaction du Livre des 9000 déportés de France à Mittelbau-Dora, camp de concentration et d’extermination par le travail, La Coupole, Centre d’Histoire et de Mémoire du Nord-Pas-de-Calais, Éditions du Cherche-Midi, 2020.
Jean-Claude Magrinelli, Ouvriers de Lorraine (1936-1946), tome 1, La collaboration franco-allemande dans la répression, pages 253-281 (liste d’internés administratifs, p. 260-263) ; tome 2, Dans la résistance armée, éditions Kaïros, avril 2018, L’affaire d’Auboué, pages 199-227 (listes d’otages p.205, 208-210).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 6-09-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.