Norbert, Narcisse, Debrie naît le 2 mai 1908 à Montataire, près de Creil (Oise – 60), fils d’Octave Debrie, 23 ans, manouvrier chez Voirin, et d’Irma Berriot, son épouse, 23 ans. Norbert a une sœur plus âgée, Solange, née en 1904. En 1911, la famille est domicilée au 4, rue Herouart-Rodier (elle n’y habite plus en 1921).
Le 23 décembre 1914, Octave Debrie, le père, déclare une adresse au 54, rue du Château-des-Rentiers à Paris 13e.
Le 1er janvier 1915, il est rappelé à l’activité militaire, mais en “service auxiliaire”, détaché dans différentes usines ; celle de la Manufacture d’armes de Saint-Étienne à Luce-le-Comtal (?) ; le 6 novembre 1916, à l’usine Schneider et Compagnie au Creusot ; le 10 novembre 1916, il est renvoyé au dépôt des métallurgistes au fort Lamotte après essai insuffisant ; le 29 novembre suivant, à l’usine Peugeot à Sochaux. Le 25 mai 1917, il passe au 47e régiment d’artillerie. Le 18 août, il passe au 7e escadron du C.E.M., 53e compagnie d’ouvriers. Deux jours plus tard, le 20 août, il est admis à l’hôpital complémentaire n° 39, au séminaire de Vesoul, dans la zone des armées. Le 21 janvier 1918, à Villers, il est évacué pour bronchite double et admis à l’H.O.E. de Bussang. Le 28 janvier, il est transféré à l’hôpital Auxiliaire 101 à Remiremont. Le 10 mars, il se voit accorder dix jours de convalescence suivis de dix jours de détente. Le 25 décembre suivant, il est évacué à Montataire pour grippe et bronchite. Le lendemain, il est admis à l’hôpital complémentaire de Creil. Il en sort le 16 janvier 1919 pour une convalescence de deux mois (jusqu’au 16 mars). Le 18 mars, il est mis en congé illimité de démobilisation. En août 1931, la commission de réforme de Troyes lui reconnaîtra un taux d’invalidité inférieur à 10 % pour « légère sclérose des sommets et emphysème, état général déficient ».
Le 16 avril 1924, Octave Debrie déclare habiter au n° 73, rue de Beauvais à Breteuil (60). Le 20 novembre suivant, il déclare habiter au 11, rue de Vignacourt à Beauvais (60) ; en 1926, Norbert habite seul à cette adresse avec sa mère, travaillant déjà comme cordonnier.
Le 7 mai 1926, son père déclare habiter au 20, rue Michelet à Auxerre (Yonne – 89). Le 27 novembre suivant, il déclare habiter à Sauilly, commune de Diges (89). Le 1er juin 1929, à Diges, Octave Debrie, 44 ans, se remarie avec Henriette Viaud, 24 ans. Le 14 août suivant, il déclare habiter au 12, rue des Boucheries à Auxerre.
Le 26 août 1930 à Diges, Norbert Debrie se marie avec Armance Olympe Geoffroy, née au lieu dit Sauilly dans cette commune le 30 septembre 1908. Leur fils, François, est né le 11 septembre 1929 à Diges.
Au printemps 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Norbert Debrie est domicilié avec sa famille à Vincelles (89), route nationale côté est. En 1936, ils hébergent un enfant de l’Assistance publique âgé de 12 ans.
Norbert Debrie est ouvrier cordonnier.
Sous l’occupation, il est connu de la police pour son activité clandestine (propagandiste ?) en faveur du Parti communiste.
Le 6 janvier 1941, le préfet de l’Yonne signe un arrêté d’internement administratif en exécution des décrets des 18 novembre 1939, 19 novembre et 7 décembre 1940. Le jour même, des gendarmes français viennent l’arrêter à Vincelles pour le conduire au camp spécial de Vaudeurs.
Dans ce camp, il rejoint le groupe du Front national [X] qui s’y constitue clandestinement en juin 1941.
Le 27 mai 1942, des Feldgendarmes viennent le chercher pour le transférer au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Dans un courrier adressé à son épouse ce jour-là, Georges Varenne, instituteur de l’Yonne, signale l’arrivée de « Debrie et 2 camarades de Vaudeurs »
Entre fin avril et fin juin 1942, Norbert Debrie est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Norbert Debrie est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45429 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Norbert Debrie est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Il meurt à Birkenau le 24 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [1].
Aucun des trois déportés “45000” de l’Yonne n’est revenu.
Son père, Octave Debrie, est reconnu interné résistant du 6 janvier 1942 au 14 août 1944.
Le nom de Norbert Debrie est inscrit sur le Monument aux morts de Vincelles, situé dans le cimetière communal.
Le 27 mars 1946, René Petitjean et Henri Mathiaud, tous deux habitant Clichy, rescapés du même convoi, complètent chacun un formulaire à en-tête de l’Amicale d’Auschwitz, Fédération nationale des déportés et internés patriotes, certifiant le décès de Robert Debrie à Auschwitz « à la date du… de décembre 1942 ».
Le 17 juin suivant, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel de Robert Debrie « sur la base des éléments d’information figurant au dossier », à savoir les deux certificats de ses camarades, et en fixant la date au 15 décembre, soit à la moitié du mois qu’ils ont mentionné.
Le 11 mars 1947 à Auxerre, Armance, sa veuve, complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’inscription de la mention “mort pour la France” sur l’acte de décès d’un déporté politique ; elle ne précise rien concernant une activité clandestine.
Le 3 décembre 1948, le secrétaire d’État aux forces armées guerre délivre au nom de Norbert Debrie un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (RIF) pour un service comptant à partir d’octobre 1940, et en lui attribuant le grade fictif de sergent-chef.
Le 7 juin 1949, Armance se remarie avec Roger Grégoire. En 1952, alors domiciliée au 3 rue des Boucheries à Auxerre, elle dépose un dossier du ministère des ACVG de demande d’attribution du titre de déporté résistant au nom de son ex-mari ; démarche probablement restée sans suite.
Le 28 juillet 1952, André Cornillon, responsable départemental du Front national [1] et lieutenant des Forces françaises de l’Intérieur signe une attestation certifiant que Norbert Debrie a été arrêté en raison de son activé résistante (distribution de tracts patriotiques) dès les premiers mois de l’occupation.
Le 29 août suivant, une note établie par le commissariat des Renseignements généraux d’Auxerre se conclue ainsi : « À l’époque de son arrestation, M. Debrie était connu, mais non comme résistant, pour son activité communiste. En raison des faits qui ont motivé l’arrestation de M. Debrie, il ne semble pas que l’attribution du titre de “déporté-résistant” puisse être attribué » (sic). Le préfet de l’Yonne « en adopte les conclusions et estime que le titre de déporté résistant ne doit pas être conféré à M. Debrie. »
Le 3 avril 1953, François Debrie, fils de Norbert, alors domicilié au 105, voie des Blondeaux à Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne) dépose à son tour un dossier de demande d’attribution du titre de déporté résistant au nom de son père, en qualité de descendant. Cependant, il n’est alors pas en mesure de compléter les rubriques relatives aux circonstances de l’arrestation de celui-ci, aux éventuels témoins ou aux personnes impliquées dans la même affaire. Le 15 décembre 1955, la commission départementale des déportés résistants prononce un avis défavorable, suivie par le ministère des ACVG, qui rejette la demande et n’accorde qu’un titre de déporté politique. Le 11 janvier 1956, François Debrie est destinataire de la carte DP n° 1101.18801.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Robert Debrie (J.O. n° 10 du 12-01-2008).
Notes :
[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Norbert Debrie, c’est le 15 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, et 401.
Archives départementales de l’Oise, site internet, archives en ligne : recensement de 1911 à Montataire (6Mp482), page 123 (vue 66).
Musée de la Résistance nationale (MRN) de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) : fonds Georges Varenne, lettre de G. Varenne du 29-05-1942, lettre de René Petitjean, de Clichy.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 217 (24423/1942).
Site Mémorial GenWeb, 89-Vincelles, relevé de Gérard Quénaudon (2000-2002).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 25-03-2021)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.