Albert Masclaux naît le 15 mars 1914 à Douai (Nord), chez sa grand-mère, Euphroisie Crouzet, veuve Masclaux, 60 ans, domiciliée rue de Douai, au hameau de Dorignies, qui présente présente à l’état civil l’enfant de sa fille, Estelle Masclaux, 19 ans, née à Pantin (Seine), célibataire, journalière. Le 9 août 1918, à la mairie de Paris 19e, Albert est reconnu par Jules Début. Le lendemain, il y est légitimé par le mariage de ses parents.
Le 15 octobre 1930, pour son premier emploi, à 16 ans, Albert Début entre comme chaudronnier-ferblantier à la société L’Est Parisien Radiateurs (« pour la réparation et l’échange des radiateurs »), dont le siège est au 3, rue de Cotte, à Paris 12e, tandis que les magasins et ateliers sont au 37, rue Bouret, à Paris 19e.
À une date restant à préciser, Albert Début épouse Alice Garnier, née le 2 septembre 1912 à Aubervilliers. Ils ont trois enfants : André, né le 13 mars 1934 à Paris 12e, et deux autres âgés de 4 et 3 ans (Jean) en 1941.
De santé fragile, Albert Début est exempté du service militaire. En septembre 1935, il est opéré à l’hôpital Saint-Louis pour une pancréatite aigüe.
Vers 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 30, rue des Chaufourniers à Paris 19e, vers l’avenue Simon Bolivar, dans un logement d’habitation à bon marché (HBM) de la Ville de Paris.
Lors du grand mouvement social de juin 1936, son employeur ne remarque aucune activité syndicale ou politique particulière de la part d’Albert Début, même si, dans son usine, on sait qu’il est « sympathisant des doctrines communistes ».
En 1938, il adhère de fait au Parti communiste, section d’Aubervilliers. Pendant un temps, il est secrétaire de cellule. Il est également membre du Secours Rouge International (S.R.I.).
Le 12 novembre 1939, en matinée, suite à une lettre de dénonciation, des policiers du commissariat Combat perquisitionnent son domicile en son absence, y trouvant des traces de son activité militante datant d’avant l’interdiction du PCF. Convoqué dans l’après-midi au commissariat, Albert Début déclare alors avoir mis fin à son engagement depuis la dissolution de ce parti, niant toute activité depuis la déclaration de guerre.
En juillet 1940, répondant à la proposition d’un camarade, qu’il dira ne connaître que sous le nom de « Jules », il accepte de faire des collectes pour les familles de militants communistes emprisonnés. Il recueille ainsi une dizaine de listes de souscription. Jules vient l’attendre sur le trajet séparant son domicile de son lieu de travail et, quand il a rempli une liste, Albert Début lui remet le montant des souscriptions. Presque à chaque fois, son contact lui remet des tracts, qu’il détruit après lecture. Parfois, lui-même en remet à un voisin, Charles F., 33 ans, manœuvre spécialisé.
En novembre, selon leurs rapports ultérieurs, trois inspecteurs de la brigade spéciale des Renseignement généraux ayant constaté sur plusieurs semaines une recrudescence d’activité de la part des « éléments extrémistes adeptes de la IIIe Internationale » aux abords des HBM de la rue Mathurin-Moreau, sont amenés à s’occuper d’un nommé Début. « Après de nombreuses surveillances », ils acquièrent « la certitude » (formulations convenues) que celui-ci est « un des responsables à la propagande clandestine du 19e arrondissement ».
Le 6 décembre, en soirée, les trois policiers se présentent au domicile d’Albert Début, alors qu’il est en compagnie de Charles F. La perquisition ne donne rien chez Albert Début, mais il est trouvé porteur d’une liste de souscription en faveur de la femme et des enfants du militant communiste Millet, décédé en prison, de deux tracts ronéotypés et de « divers autres papiers portant indications de chiffres, d’initiales et de noms pouvant être utiles à la suite de l’enquête ». Chez Charles F. sont trouvés plusieurs documents qu’il déclare lui avoir été remis par Albert Début ou avoir trouvé glissés sous sa porte, affirmant n’avoir jamais appartenu au Parti communiste, ni milité en aucune façon. Les deux hommes sont conduits à la préfecture, mis à disposition du commissaire de police André Cougoule.
Le lendemain matin, 7 décembre, en utilisant certaines des notes trouvées sur Début, les inspecteurs interpellent deux autres hommes à leurs domiciles respectifs. Chez Armand B., 40 ans, représentant au chômage, domicilié au 44, rue de la Villette, sont trouvés plusieurs livres et brochures de l’ex-parti, une quantité importante de papier à tracts (blanc, vert et jaune), un lot de papier carbone, un lot important d’exemplaires de L’Humanité et de La Vie Ouvrière clandestines, deux machines à écrire, l’une contenant (?) plusieurs tracts intitulés « Staline nous dit » et une portative Remington avec un tract en voie de composition (La Vie du Parti) encore engagé sous le rouleau de la machine avec papier carbone et pelure, huit papillons prêts à être apposés et une boîte remplie de fiches de renseignements sur des enfants placés aux Vacances Populaires Enfantines, dont le militant s’occupait avant les hostilités, activité que sa femme a poursuivi du début de la guerre jusqu’à la dissolution de l’association, en décembre 1939. Louis L., 32 ans, coiffeur au chômage, chez qui aucun document n’a été trouvé, admet avoir été membre du Parti communiste de décembre 1935 à juillet 1939, mais déclare avoir cessé toute activité et ne pas connaître Début, supposant que « la Région » du PCF ou d’anciens responsables ont pu lui donner son nom afin qu’il prenne contact avec lui, mais sans avoir reçu sa visite ni l’avoir rencontré.
Après leur interrogatoire par le commissaire Cougoule, les quatre hommes, accusés d’avoir eu une activité ayant « pour but la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale ou des organismes s’y rattachant par la propagande clandestine au moyen de tracts et de papillons », sont inculpés d’infraction aux articles 1 et 4 décret du 26 septembre 1939. Le 8 décembre, le procureur de la République fait conduire Albert Début à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), avec très probablement aussi ses compagnons.
Le 13 décembre 1940, ils comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Albert Début est condamné à six mois d’emprisonnement. Il se pourvoit en appel auprès du procureur de la République. Il est écroué en cellule à la Santé.
Le 23 décembre, un voisin envoie une lettre anonyme à la police (orthographe respectée) : « Monsieur le Préfet, Je vous envoie ses quelles Mots pour vous maittre au courant de quelleque renseignement.qui je pense vous rendras un ausis grand service nous avons au 30 Rue des Chauffournier Paris 19e des hommes du partie communiste, qui pourais surment vous interaiser beaucoup quart vous avés déjas à votre disposition un nomé Debut et voici encore quelque copain donc je vous citte les nons Messieurs Meyaure, Clergot et Delatour. J’espère Monsieur le préfet que vous aller faire le nécessaire à se sujet quart M. Meyaire doit avoir à sa disposition des machines à faire des traques donc Il en fait la nuit un grand service que Je vous rend Monsieur le préfet. » Les policiers mèneront effectivement des enquêtes sur ces trois hommes.
Le 10 février 1941, la 10e chambre de la Cour d’Appel de Paris confirme la condamnation d’Albert Début (son pourvoi en cassation sera rejeté le 11 juin suivant). Le 19 février, il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).
Le 12 mars, le directeur de l’usine où il travaillait écrit à son épouse pour l’informer qu’il est prêt à le reprendre, « ayant toujours eu de lui toute satisfaction quant à ses capacités professionnelles ». Le 18 avril, Alice Début écrit au préfet de police pour solliciter la libération de son mari, probablement sur le conseil de Maître Rolnikas : « Mon mari doit sortir de prison dans quelques jours et il sera très probablement dirigé sur la préfecture de Police. Vos services auront alors à statuer sur sa mise en liberté définitive. Je me permets d’intervenir auprès de vous pour que mon mari ne soit pas envoyé dans un camp de concentration » (…un centre d’internement en France).
À l’expiration de sa peine, après avoir dû signer, le 23 avril, un engagement sur l’honneur à ne se livrer dans l’avenir à aucune activité communiste, Albert Début est libéré. Il réintègre son entreprise deux jours après.
Le 28 avril 1942, Albert Début est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste ayant déjà fait l’objet de poursuites par la police et la Justice françaises. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Albert Début est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Albert Début est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45430, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passe ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés certains ouvriers qualifiés. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Albert Début.
Il meurt à Auschwitz le 25 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Le 2 juin 1943, suite à un courrier de la Délégation Générale (services de Brinon), le cabinet du préfet de police demande à la direction générale des Renseignements généraux de lui faire connaître les motifs de l’arrestation et du transfert à Compiègne d’Albert Début par les autorités allemandes.
En juin 1947, sa veuve, Alice Début, est présidente de la section du quartier Bolivar de l’Union des femmes françaises (UFF).
En 1964, son fils André engage des démarches administratives qui amènent à consulter son dossier aux archives centrales des RG.
Albert Début est déclaré “Mort pour la France”.
Une plaque commémorative est apposée à l’entrée de l’immeuble où il a vécu.
La mention “Mort en déportation” est ajoutée sur son acte de décès (J.O. du 2-03-1988).
Son frère, Joseph Début, participe aux combats de la Libération et s’engage ensuite jusqu’à la capitulation de l’Allemagne. Il est mobilisé au 46e Régiment d’infanterie de la 10e division du général Pierre Billotte.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 401.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : État civil de la Mairie du 19e – Mairie de Douai.
Archives municipales de Douai, site internet, archives en ligne : état civil, registre des naissances, année 1914 (646WB), acte n° 157 (vue 40/xxx).
Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 15 novembre 1940 au 20 janvier 1941 (D1u6-5851).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande (BA ?) ; archives des Renseignements généraux de la préfecture de police (consultation sur écran), brigade spéciale anticommuniste, registre des affaires traitées 1940-1941 (G B 29) ; dossier individuel des RG (77 W 1512-30512) ; BS1, affaire M. – F. – Début – L. (GB 052)
Archives Départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil : prison de Fresnes, détenus libérés le 24-4-41 (511W 13).
1940-1945, La Résistance dans le 19e arrondissement de Paris, ANACR, éditions Le temps des cerises, Pantin septembre 2005, page 136.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 217 (24871/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 5-12-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.