André, Augustin, Marcel, Delozien naît le 15 février 1911 à Lens (Pas-de-Calais) chez ses parents, Augustin Delozien, 25 ans, ouvrier mineur, et Cécile Béhal, 20 ans, son épouse, domiciliés au 2, rue Fénelon ; un des deux témoins pour la présentation du nouveau-né à l’état civil est un autre ouvrier mineur…
Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914, son père rejoint le 3e régiment du génie comme sapeur. Parti en campagne dès le 9 août, il est tué à l’ennemi le 11 août 1916 à Assevilliers (Somme).
Le 25 janvier 1921, André Delozien est adopté par la Nation par jugement du tribunal civil de Pontoise (Seine-et-Oise / Val-d’Oise).
À une date restant à préciser, il épouse Lucienne Potier, née le 5 avril 1913 à Saint-Cyr-en-Pail (Mayenne). Ils ont deux filles : Monique, née vers 1935, et Michèle, née vers 1940. Au moment de son arrestation, André Delozien est domicilié dans un logement au 54, rue de Seine à Paris 6e.
La mémoire familiale rapporte qu’il a le projet de partir pour Londres.
En janvier 1942, d’après son épouse, André Delozien est inquiété par un « inspecteur de police » qui lui donne lecture d’une lettre le dénonçant pour propagande gaulliste, lettre probablement envoyée par sa voisine de palier, d’origine tchécoslovaque, dont le fils est officier dans l’armée allemande ; mais, ultérieurement (en 1946), les archives de la police française ne conserveront pas trace de cette avertissement.
Le 28 avril 1942, André Delozien est arrêté à son domicile par trois soldats allemands et un « policier » français », comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste. Avec probablement d’autres hommes arrêtés comme lui, André Delozien est d’abord conduit à la prison militaire du Cherche-Midi pour interrogatoire.
Puis ils sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). André Delozien y est enregistré sous le matricule 3960.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Du convoi, André Delozien jette un portrait de lui mentionnant brièvement son départ. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, André Delozien est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45445, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté André Delozien.
Il meurt à Auschwitz le 31 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui le déclare mensongèrement décédé d’une « crise cardiaque » (Herzachwäche).
Son épouse a appris par la Croix-Rouge sa déportation à Auschwitz.
Il est déclaré “mort pour la France” (30-12-1948). La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 25-07-1992).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 371 et 401.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier “statut”).
Archives du Pas-de-Calais, site internet, archives en ligne : état civil de Lens, registre des naissances, année 1911 (3 E 498/127), acte n° 144 (vue 38/265).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?).
Fabrice Dupont, son petit-fils, message du ?? (photo jetée du convoi, documents d’état civil) ; prière de nous recontacter.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 219 (38218/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 30-01-2024)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.