- IDENTIFICATION INCERTAINE…
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Marcel, Albert, Marie, DENIS naît le 4 mai 1921 à Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76) fils d’Albert Louis Joseph Denis, 23 ans, docker, et de Rose Marie Berthe Vitis, 18 ans, son épouse, tisseuse chez Roy, domiciliés 4 route de Bonsecours.
Début septembre 1924, son père déclare habiter au petit hameau (… neuf maisons) de Normare à Belbeuf, quelques kilomètres au sud-est de Rouen. Tous trois y sont recensés en 1926 ; Albert Denis se déclare alors comme “journalier”.
En 1936, Marcel Denis, âgé de 15 ans, a commencé à travailler comme manœuvre chez Picaud, à Rouen, où son père est cimentier et où son grand-père maternel, Henri Vitis, 63 ans (venu vivre avec eux), est maçon.
Marcel Denis devient ouvrier métallurgiste.
Le 8 février 1940, son père est mobilisé et rejoint le dépôt d’infanterie 31. Le 30 avril, il passe au dépôt d’infanterie 32, puis rejoint le 31e régiment d’infanterie régional. N’ayant pas été fait prisonnier, il est démobilisé par le centre de démobilisation de Lauzun à une date restant à préciser et rejoint le domicile familial.
Membre des Jeunesses communistes, Marcel Denis appartient au même groupe de résistance que Jean Creignou de Rouen, selon le témoignage du frère de celui-ci, V. Creignou.
Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Marcel Denis…
Le 21 octobre 1941, celui-ci est arrêté par des gendarmes français et conduit à la caserne Hatry à Rouen [2]. Il est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) avant décembre 1941 ; il inscrit sur la liste des Jeunes Communistes du camp établie à cette date (n° 2015).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
- Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.
Le voyage dure deux jours. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Marcel Denis est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45455, selon les listes reconstituées(la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Denis est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Son nom est également parmi ceux des 218 militant.e.s inscrit.e.s sur plusieurs plaques apposées dans la cour du siège de la fédération du PCF, 33 place du Général-de-Gaulle à Rouen, avec un extrait d’un poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’espoir et le désespoir. », et sous une statue en haut-relief dont l’auteur reste à préciser.
Son père décède à Belbeuf le 3 novembre 1963.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Marcel Denis (J.O. du 27-03-1988).
Notes :
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – dans la région de Rouen a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste).
Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire “A”, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. Tous les hommes appréhendés furent, en effet, remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941.
44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.
(*) Cent cinquante selon la brochure “30 ans de luttes”, éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 365 et 401.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Valère Creignou, lettre de 1983 – Claude-Paul Couture, chercheur, dossier « En Seine-Maritime, de 1939 à 1945 », CRDP de Rouen, 1986, p. 38 – Mairies de Belbeuf et de Mesnil-Esnard.
Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site du Conseil général : cabinet du préfet 1940-1946 (cote 51w…).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 220 (38789/1942).
Site Mémorial GenWeb, relevé n° 30983, effectué par Jean Michel Gratias, mis en ligne en décembre 2006.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 27-12-2020)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.