Marcel, Lucien, Deschamps naît le 8 janvier 1890 à Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire), au sud-est de Tours, fils de Marcel Deschamps, 32 ans, ouvrier mécanicien, et de Marie Moreau, son épouse, 27 ans.
Le 2 mai 1914 à Paris 11e, il épouse Marie M. ; mais le couple se séparera sans avoir d’enfant.
Considérant son âge, il devrait avoir été mobilisé au cours de la guerre 1914-1918 (n°1264 du bureau de recrutement de Tours – à vérifier…).
À une date restant à préciser, il se met en ménage avec Louise G., née le 11 novembre 1895 à Clichy-la-Garenne (92).
Marcel Deschamps est ajusteur mécanicien. En 1920, il entre aux Établissements Tardy, 28, boulevard Raspail, à Levallois-Perret [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).
À partir de 1922 et jusqu’au moment de son arrestation, il habite un logement au 84, rue Gide à Levallois-Perret, dans la cour, 3e étage face, porte gauche.
C’est un militant communiste.
À partir du 10 février 1939, il est ajusteur à la Société d’emboutissage et de construction mécanique (SECM), avions Amiot, 153 à 171, boulevard du Havre à Colombes (92).
En mai 1940, les Renseignements généraux rédigent un rapport dans lequel ils rapportent que : « Chez son employeur, il est représenté comme étant animé de sentiments antinationaux et comme se livrant, de bouche à oreille, à la propagande communiste auprès de ses camarades d’atelier. En outre, il est suspecté d’avoir participé aux actes de sabotages commis il y a environ il y a un mois dans l’atelier des coques V5 où il travaille et qui consistaient en quelques coups de marteaux donnés soit de l’intérieur ou de l’extérieur sur plusieurs coques d’hydravions. Dans son entourage, on n’apprend pas que Deschamps ait assisté aux réunions organisées par l’ex-parti communiste. »
Le 22 ou 25 mai 1940, il est « arrêté et envoyé au dépôt (…) pour distribution de tracts » par les services du commissariat de police de la circonscription de Colombes (ou de Levallois-Perret ?). Bénéficiant d’une mesure de clémence, il est libéré quelques jours plus tard.Sous l’occupation, la police française considère qu’il participe activement à la propagande clandestine.
Le 6 octobre 1940, Marcel Deschamps est arrêté à Levallois-Perret.
Le 9 octobre, Marcel Deschamps est arrêté à son domicile. Le lendemain, le préfet de police signe un arrêté ordonnant son internement administratif en application des décrets des 18 novembre 1939 (?) et 3 septembre 1940. Il est conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.
Le 4 décembre 1940, Marcel Deschamps fait partie d’un groupe d’une centaine d’internés « choisis parmi les plus dangereux » transférés, par mesure préventive ou disciplinaire (?), à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [2], près de Saumur (Maine-et-Loire) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. À leur arrivée, les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale. Ils apprennent que 70 communistes purgent une peine dans le secteur carcéral, parmi lesquels une vingtaine de jeunes
Le 20 janvier 1941, sans être informés de leur destination, la même centaine d’internés est conduite à la gare de Saumur où les attentent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est. Ils y rejoignent 69 autres militants communistes en attente de transfert.
Le train les amène à la gare de Clairvaux (Aube – 10) d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux.
Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.
Le 14 mai, 98 d’entre eux sont transférés au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique – 44), parmi lesquels plusieurs seront fusillés le 22 octobre. Marcel Deschamp est de ceux qui restent à Clairvaux, et qui doivent bientôt partager les locaux qui leur sont assignés avec quelques “indésirables” (condamnés de droit commun).
Le 23 septembre, J.-P. Ingrand, préfet délégué du ministre de l’Intérieur dans les Territoires occupés (à Paris) demande au préfet de l’Aube de retirer de Clairvaux les internés administratifs qui y sont « hébergés » (sic !) ; cet ordre est rapidement exécuté.
Le 26 septembre, Marcel Deschamps est parmi la centaine d’internés de Clairvaux transférés, en train via Paris, au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), camp ouvert trois semaines plus tôt.
Le 22 mai 1942, Marcel Deschamps fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Marcel Deschamps est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45461 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Marcel Deschamps est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Marcel Deschamps meurt à l’ “hôpital” des détenus d’Auschwitz-I (Block 20) le 15 août 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp.
Au cours de l’été 1961, son ex-compagne, Louis G., alors domiciliée au 32, rue de Lagny, à Paris 20e, dépose pour lui une demande d’attribution du titre de déporté politique.
Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 114 du 17-05-2008).
Notes :
[1] Levallois-Perret : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.
Sources :
Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 4X1.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Etat civil de la mairie d’Esvres.
Henri Hannart, Un épisode des années 40, Matricule : F 45652 (les intérêts de certains ont fait le malheur des autres), trois cahiers dactylographiés par son fils Claude, notamment une liste page 23.
Archives départementales d’Indre-et-Loire, site internet, archives en ligne : recensement d’Esvres, année 1891, (6NUM5/104/012), image 2/62) ; registre d’état civil N.M.D. 1874-1904 (6NUM8/104/016), année 1890, acte n° 2 (vue 148/319).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; carton “PC” n°VII, A.S. du 20 décembre 1940 sur le CSS d’Aincourt ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1455-16135).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1W76, 1W108 (notice individuelle).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 66.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, I.74, page 609.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (Verstorben Häftlinge) ; registre de la morgue (matr. 45461).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 1, page 120* (registre de la morgue relevé par la Résistance) ; tome 2, page 221 (20889/1942).
Site Mémorial GenWeb, 92-Levallois-Perret, relevé d’Émilie Pessy et de J.C., élèves de 3e5(04-2003).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 12-10-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.