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René, Gaston, Deslandes naît le 14 octobre 1918 à Paris 14e, fils de Gaston Deslandes et de Suzanne Laucher, son épouse.
En 1928, les parents Deslandes prennent la gérance d’un lavoir-blanchisserie à Sens (Yonne), où la mère de Gaston était blanchisseuse. René Deslandes commence à travailler comme couvreur-plombier. En 1932, un incendie détruit ce lavoir.
En janvier 1934, la famille revient à Paris, au 141, rue de Vanves [1] à Paris 14e (vers la rue d’Alésia). Gaston, le père, reprend son métier d’ajusteur.
En janvier 1938, René Deslandes devient employé des Postes, Téléphones et Télégraphes (PTT) à Paris.
Adhérent des Jeunesses communistes en 1937, il est membre du Bureau de Section de Paris 14e. Inscrit à la FSGT, il est trésorier de l’Union Athlétique Jean-Jaurès (UAJJ), qui prend, en septembre 1941, le nom d’Union Sportive du 14e, et servira de couverture pour les activités clandestines de plusieurs de ses membres.
Le 2 septembre 1938, René Deslandes est incorporé au 151e régiment d’infanterie à pied, afin d’accomplir son service militaire. Puis, il est affecté au 152e régiment d’infanterie à Longwy. En juin 1940, lors de l’offensive allemande, il est fait prisonnier de guerre, mais est libéré dès le 10 août au titre de fonctionnaire.
Le 31 octobre, il réintègre les PTT, au dépôt central du matériel, 103 boulevard Brune (14e arr.).
Sous l’occupation, René Deslandes participe à de nombreuses actions : sabotage d’une librairie allemande boulevard Saint-Michel, d’une librairie italienne boulevard Saint-Germain, recrutement… La police française ne sait rien de son activité illégale pour l’année 1941.
Le 28 avril 1942 à 5 heures du matin, il est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Avec lui sont arrêtés neuf de ses camarades (dont Jean Hugues), qui seront eux aussi des “45000” : ils sont conduits dès le lendemain au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). D’après une lettre envoyée clandestinement, il arrive à Compiègne le 29 avril « au soir avec cinq cents autres camarades » et est « avec Royer, Ponty et un autre copain, Nicolai ». Enregistré sous le matricule 4062, il est assigné au bâtiment C1, chambre 8.
Entre fin avril et fin juin 1942, René Deslandes est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
La veille du départ, il écrit un message pour ses parents : « … Comment cette lettre vous parviendra ? Je n’en sais rien, mais je pense qu’une personne aimable la trouvera et vous la fera parvenir… La santé et le moral sont excellents, mais j’aurais voulu vous prévenir plus tôt que depuis une semaine des bruits de départ du camp couraient. Peut-être avez-vous été prévenus par d’autres voies ; en tout cas, aujourd’hui, c’est net ; les ballots sont prêts et demain matin nous partirons sûrement à la première heure pour une destination inconnue, sans doute l’Allemagne. Mais ne vous en faites pas, le moral est bon et tout le monde part avec l’espoir d’un prochain retour. D’ailleurs, aussitôt que je pourrai vous faire parvenir des nouvelles, je le ferai. Si ma lettre te parvient, veux-tu prévenir la mère du copain de la rue d’Alésia. Tu rassureras papa et aussi Liliane. J’aurais bien voulu avoir de vos nouvelles avant de partir… Je compte sur vous pour m’en donner le plus tôt possible… avec des détails. » [2]
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Comme la plupart de ses camarades, René Deslandes jette depuis le convoi un ultime message qui parviendra à sa mère : « La direction de l’Est est de plus en plus confirmée […]. Ne vous en faites pas, le moral est bon et nous tiendrons le coup. » Dans l’enveloppe, sa lettre est accompagné d’un billet : « Trouvée par Mme Demonceau , ayant vu passer le train à Thourotte (Oise). »
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, René Deslandes est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45465, selon les listes reconstituées et une archive du camp (la photo portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Deslandes est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus.
René Deslandes meurt à Auschwitz le 26 novembre 1942, selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, et où est inscrit le matricule n° 45465 (le local en question est situé au sous-sol du Block 28). L. Penner situera ce décès : « à la fin de l’année » [3].
Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué comme “Déporté Résistant” (29/12/1967).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-11-1991).
Homologué sergent FFI le 21 juin 1949, René Deslandes reçoit la Médaille militaire (le décret d’attribution précise « Magnifique patriote… », arrêté « pour faits de résistance et comme membre des F.F.I. »). Il est également titulaire de la Croix de guerre avec palme et de la Médaille de la Résistance.
Sa mère, Suzanne Deslandes, participe au voyage organisé à Auschwitz en janvier 1952.
Notes :
[1] Rue de Vanves, devenue rue Raymond Losserand, conseiller municipal du 14e arrondissement fusillé le 21 octobre 1942 au Mont-Valérien.
[2] Avant-dernier message de René Deslandes, commentaire de Roger Arnould : « René utilise tantôt le « vous » et tantôt le « tu ». Cela a une signification précise. Il commence sa lettre par « Chers parents » parce que c’est bien à eux qu’il s’adresse, mais lorsqu’il tutoie, c’est qu’il sait bien que sa maman seule la recevra et la lira. Son père est en prison et sera, à son tour, déporté en juin 1943 ; et si le fils n’en fait pas mention, c’est par prudence, car son message peut tomber entre des mains hostiles. Il est cependant bien arrivé, comme tant d’autres, à destination. »
[3] René Deslandes a été porté officiellement disparu le 15 mai 1945.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 14, 372 et 402.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Madame S. Deslandes, sa mère, et André Deslandes, son frère, ont constitué un remarquable dossier comportant de nombreuses pièces officielles et attestations (une du du Musée d’État polonais), des documents personnels et des photos (lettres de la Santé, de Compiègne – la première, datée du 29 avril 1942 a été passée clandestinement ) – Enregistrement – Lettres de A. Monjauvis et de L. Penner – Article de M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e, n° 29, p.71 (fév. 1989).
Roger Arnould, Les témoins de la nuit, collection L’enfer nazi en quatre volumes publiée par la FNDIRP, 2e édition avril 1979, pages 37 et 40.
Musée de la Résistance nationale (MRN) de Champigny-sur-Marne (94), fonds Deslandes (probablement le dossier cité par Cl. Cardon-Hamet).
Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA ? (…).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, 25-11-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.