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Albin, Bernard, Desmazes naît le 16 novembre 1894 à La Grand’Combe (Gard – 30), fils de Pierre Desmazes, charpentier, et d’Églaée Barbier.
Pendant un temps, Albin Desmazes travaille comme ajusteur.
Le 5 septembre 1914, il est incorporé au 5e dépôt des équipages de la flotte, à Toulon. Il est en mer du 8 novembre 1914 au 1er mai 1915, puis du 2 juin suivant au 13 janvier 1916. Il reste au dépôt des équipages jusqu’au 29 avril 1919, puis part pour une dernière campagne en mer jusqu’au 6 septembre suivant. Le lendemain, 7 septembre, il est envoyé en congé de démobilisation et se retire rue Girand (?), dans la ville portuaire de Bizerte (Tunisie), disposant d’une rade militaire. Le 6 octobre suivant, il habite rue Girardet, dans cette ville, travaillant [?) à la Maison Brau.
Fin décembre 1921, l’armé le classe affecté spécial à la 4e section des chemins de fer de campagne comme employé permanent à la Compagnie des chemins de fer de l’État en qualité d’ajusteur à Versailles.
À la mi-juillet 1927, il est raboteur (ajusteur) au dépôt d’Achères, au nord de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines – 78).
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Achères. Le dépôt. Carte postale envoyée en 1917.
Collection Mémoire Vive.

Jusqu’à son arrestation, il est domicilié au 4, rue Carnot, puis rue Saint-Germain à Achères.

Militant communiste et syndicaliste actif, Albin Desmazes est secrétaire de la Section du Parti Communiste d’Achères, secrétaire du syndicat CGT des cheminots d’Achères, membre des Amis de l’Union Soviétique et du Secours Populaire.

Albin Desmazes est élu maire communiste de cette commune en 1929.

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Achères. La mairie.
Carte postale écrite en 1933. Collection M. Vive.

Le Parti communiste le présente aux élections législatives de mai 1932 et d’avril-mai 1936 dans la deuxième circonscription de Versailles (Maisons-Laffitte, Meulan, Poissy). Il devient conseiller d’arrondissement d’Achères en 1936.

Il est membre du Conseil d’administration de la SNCF, région Ouest, en 1937.

Lors des élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste le présente comme candidat au Conseil d’arrondissement dans la circonscription de Maisons-Laffitte.

À la suite de la grève du 30 novembre 1938 – lancée pour défendre les acquis du Front populaire et qui donnera lieu à une sévère répression gouvernementale et patronale – il est déplacé au dépôt de Saint-Sulpice-Laurière (Haute-Vienne) par mesure disciplinaire. Il doit prendre pension sur place.

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Saint-Sulpice-Laurière, la gare et le dépôt.
Carte postale oblitérée en décembre 1914. Coll. Mémoire Vive.

Fin 1939, après la dissolution du PCF dans le cadre de la “drôle de guerre”, Albin Desmazes est suspendu de son emploi à la SNCF, pour son engagement communiste.

En octobre 1939, il est également suspendu de ses mandats électifs, puis déchu en janvier 1940, comme élu communiste.

En décembre 1939, il est arrêté et incarcéré, en tant que communiste, à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e, jusqu’en juillet 1940.

Ses relations avec le Parti Communiste sont devenues difficiles et restent mal connues (il écrira à sa femme, de Compiègne le 27 avril 1942 : « avoir été exclu d’un parti n’a pas annihilé la volonté de l’homme que je suis et resterai »).

Il part habiter à Thorigny (Seine-et-Marne – 77) au 14 rue de Chaâlis, chez ses beaux-parents – alors sur les routes de l’exode – et y est rejoint quelques jours plus tard par sa femme, sortant elle aussi d’incarcération. Il y demeurera jusqu’à son arrestation par les Allemands. Il travaille alors à Paris.

Le 10 juin 1941, sa femme est arrêtée comme communiste par la police française pour la deuxième fois et emprisonnée à Meaux (77). Elle est transférée le 11 septembre 1941 à Fresnes (Seine / Val-de-Marne) pour y donner le jour, le 13, à une petite fille, Bernadette.

Jugée le 20 octobre 1941, elle est libérée le 21.

Mais depuis deux jours, Albin Desmazes se trouve au camp de détention de police allemande de Compiègne (Oise). Il avait été appréhendé à son domicile par des Feldgendarmes dans le cadre d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne ; motif invoqué dans la fiche de police judiciaire établie à Compiègne : « a été arrêté comme otage par l’Armée d’occupation à la suite de nombreux incendies de meules et d’exploitations agricoles en Seine-et-Marne ».

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Enregistré sous le matricule 1779, Albin Desmazes est assigné au bâtiment A3. Dans une lettre autorisée datée du 24 novembre, il écrit : « J’oubliais, nous sommes logés par 26 : très intéressant ! » Il évoque quelques activités des détenus, dont les cours d’allemand.

Le 28 novembre, le nom d’Albin Desmazes apparaît sur une liste de 79 otages communistes pouvant être proposés pour une exécution de représailles, établie par la Feldkommandantur 680 de Melun et adressée au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye].

Le 7 mai 1942, Albin Desmazes écrit : « … les rafles monstres ont été faites et ici le nombre s’accroît tous les jours. (…) là, il y a de tout le monde [dans les arrivants] : maquereaux, souteneurs, politiques, marché noir, etc., etc. D’aucun ont été relâchés quelques jours après, mais un tout petit nombre seulement ; le gros reste. »

Entre fin avril et fin juin 1942, Albin Desmazes est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, A. Desmazes est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45466 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Albin Desmazes est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au bâtiment de chirurgie (Block 21) de l’hôpital des détenus.

Il meurt à Auschwitz le 10 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; un mois après l’arrivée du convoi, le même jour que dix-neuf autres “45000”.
Il est déclaré “Mort pour la France” et homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-05-1998).

Dès 1945, une plaque est apposée à son dernier domicile, à Thorigny. En avril 1982, le Conseil municipal d’Achères donne le nom d’Albin Desmazes à une voie de la commune.

Sources :

- Son nom (orthographié « DESMASES ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, t. 25, p. 115, notice de R. Balland et Cl. Pennetier.
- Témoignages et documents recueillis auprès de sa veuve et de sa fille.
- Archives départementales du Gard (AD 30), site internet, archives en ligne ; registres de matricules du recrutement militaire, classe 1914, bureau de Nîmes, vol. de 501 à 1000, n° 728.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Copie de courriers transmises à M.-V. par sa fille, Bernadette Desmaze.
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du préfet ; arrestations collectives octobre 1941 (cote M11409).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste d’otages, document allemand, cote XLIV-60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 378 et 402.
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité n° 14100 du vendredi 6 août 1937, page 7, “dixième liste…”.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 221 (19178/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.