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Collection Johan Dessein. Droits réservés.

Florimond, Maurice, Dessein naît le 7 mai 1902 à Albert (Somme – 80), fils de Florimond Dessein, 47 ans, mécanicien, et de Gertrude Arrachart, son épouse, 45 ans, demeurant au 35, rue Duflos-Féret.

Le 6 juin 1925 à Bouzincourt, Maurice Dessein épouse Odette Droulin, née en 1906 à Ville-sur-Ancre (80), sans profession. Ils ont un fils, Guy, né le 18 avril 1928.

Au moment de son arrestation, Maurice Dessein est domicilié au 7, rue Marcel-Vast à Albert.

Maurice Dessein est charpentier, travaillant notamment pour l’aviation à Meaulte (80), où se trouvent les usines d’avions H. Potez pour lesquelles Jean Fletcher est gardien ; après son arrestation, une liste policière désignera Maurice Dessein comme ajusteur.

Meaulte, usine des avions Henry Potez, dans les années 1920. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Meaulte, usine des avions Henry Potez, dans les années 1920.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Avant guerre, on ne lui connaît pas d’engagement politique, mais la même liste policière le désignera comme « sympathisant communiste ».

Sous l’occupation, Maurice Dessein est actif au sein du Front national [1], participant à des distributions de tracts et à des sabotages ; actions de Résistance que connaissent sa femme et son fils.

Le 25 octobre 1941, il est arrêté par la police allemande, à son domicile, en présence de son épouse, pour distribution de tracts. Selon sa famille, en même temps que lui sont arrêtés Maurice et Maria D’Azevedo qui sont probablement relâchés [2]. Il fait partie des sept « personnes de l’arrondissement de Péronne arrêtées par l’autorité allemande » et transférées au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Maurice Dessein est enregistré en même temps que les deux frères Villa, Gerolamo et Fortunato, d’Albert. Au cours de sa détention dans ce camp, il sculpte une chaîne et un boulet en bois indiquant son matricule : 2054.

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Chaîne de forçat en bois avec son boulet, transmise
par Maurice Dessein à sa famille avant sa déportation.
Collection Johan Dessein.
Droits réservés.

Le 26 décembre 1941, le préfet de la Somme répond à Fernand de Brinon [3], Délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, sur les conditions dans lesquelles des habitants du département ont été arrêtés en octobre et internés à Compiègne. Pour Albert, il signale trois « personnes qui, en raison des renseignements défavorables recueillis au cours de l’enquête (ex-militants communistes), n’ont pas fait l’objet d’une demande de libération » à la Feldkommandantur 580 d’Amiens ; sont désignés Maurice Dessein et les frères.

Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Dessein est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Dessein est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45469 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Maurice Dessein est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

À une date restant à préciser, il est admis au Block 28 (médecine interne) de l’hôpital d’Auschwitz [4].

Maurice Dessein meurt à Auschwitz le 17 décembre 1942,  selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, et où est inscrit le matricule n° 45469 (ce local de regroupement temporaire des cadavres est situé au sous-sol du Block 28) [5].

Le 1er avril 1954, Eugène Garnier signe une attestation témoignant de l’activité de Maurice Dessein au sein de la Résistance.

Déclaré “Mort pour la France” (dossier n° 1683), il est homologué comme “Déporté politique” (carte n° 110209244).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 10-03-1988).

Notes :

[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).

[2] Maurice D’Azevedo, né le 8 juillet 1924 à Posto (Portugal) est définitivement arrêté le 4 juillet 1942 et déporté. Sylvia Maria D’Azevedo, née le 21 février 1901 à Giao (Portugal) est définitivement arrêté le 4 juillet 1942 et déportée. Americo D’Azevedo, né le 7 juillet 1896 à Giao (Portugal) est arrêté le 1er mai 1941 pour distribution de tracts ; il meurt le 18 février 1944 à Amiens (dans quelles circonstances ?).

[3] (de) Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand (de) Brinon est alors Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes sont formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmet à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre est ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en a fait la demande : elle leur annonce que l’intervention a eu lieu et leur fait part de la réponse fournie par les autorités allemandes.

Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant d’une forme de statut “NN”.

La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au BAVCC (anciennement archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants).

Jugé après la Libération, Fernand de Brinon est condamné à mort et fusillé le 15 avril 1947 au fort de Montrouge, sur la commune d’Arcueil.

[4] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”. Mais les « 31000 » et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme « Revier » : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

[5] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Maurice Dessein, c’est le 16 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

 

Sources :

- Johan Dessein, son petit-fils : archives familiales, questionnaire rempli par sa mère.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 379 et 402.
- Archives départementales de la Somme (AD 80), Amiens, site internet, archives en ligne : correspondance de la préfecture sous l’occupation () ; état civil de la commune d’Albert, année 1902, acte n°70 (2E 16/13, vue 564/767).
- Archives départementales de l’Aisne (AD 02), Laon : dossiers du commissariat régional aux Renseignements généraux, partis politiques des départements voisins : Ardennes, Somme et Oise (970w58).
- Archives départementales de l’Oise (AD 60), Beauvais : carton Internement administratif (141W 1162).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.