Aimé, Gaston, Louis, Doisy naît le 2 juillet 1897 à Paris 18e, fils d’Auguste Paul Doisy, 32 ans, palefrenier, et de Marie Ouvrard, son épouse, 26 ans, journalière, domiciliés au 58, rue de l’Orient.
Pendant un temps, Aimé Doisy habite avec ses parents, au 17, rue Trézel, à Levallois-Perret [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). Il travaille comme mécanicien-ajusteur, puis deviendra mouleur.
Le 11 janvier 1916, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 1er groupe d’aérostation. Le 5 janvier 1917, il passe au 1er groupe d’aviation. Le 4 octobre 1917, il passe au 2e groupe d’aviation. Le 28 août 1917, son unité est affectée en Italie, jusqu’au 26 mai 1918. Le 27 juillet 1919, il est démobilisé et se retire chez ses parents. Son père devient conducteur d’automobile.
Le 12 février 1921, à Levallois-Perret [1] (Seine / Hauts-de-Seine), Aimé Doisy se marie avec Marie, Simone, Doussot, née le 13 août 1900 (20 ans) à Paris 8e, cartonnière. Les témoins sont Annette Caquier, femme Doussot, domiciliée 4 rue Baudin à Asnières, et Henri Doussot, frappeur, domicilié au 28 rue Fouquet à Levallois.
Leur fille Gisèle naît le 19 novembre suivant.
En février 1923, la famille habite au 1, rue d’Alsace, à Levallois-Perret. En août 1925, elle est domiciliée au 3, rue Poyer, à « Clichy-Barrière ». À partir de juin 1929, ils demeurent chez les parents d’Aimé, rue Trézel à Levallois-Perret.
Déclaré comme ajusteur-mécanicien, Aimé Doisy est membre de la Chambre syndicale des cochers chauffeurs du département de la Seine ; peut-être travaille-t-il dans un atelier d’entretien d’une compagnie de taxis (à vérifier…).
Le 26 avril 1932, la 6e commission de réforme de la Seine lui reconnaît une invalidité non imputable au service armé.
C’est un militant communiste.
Sa fille Gisèle étudie à l’école de Levallois-Perret jusqu’à obtenir son brevet d’études primaires supérieures en 1938. Elle travaille ensuite comme confectionneuse à domicile avec sa mère.
Le 26 avril 1939, la 6e commission de réforme de la Seine reconnaît à Aimé Doisy une invalidité non imputable au service armé.
Le 27 décembre suivant, Aimé Doisy est affecté au bataillon de l’air 103. Il est démobilisé le 11 juin 1940.
Sous l’occupation, la police française le considère comme un « meneur communiste très actif ».
Le 9 octobre 1940, il est arrêté pour « diffusion de tracts » – dans la même affaire que Germain Feyssaguet et André Montagne, de Levallois -, et conduit au dépôt de la préfecture de police. Inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, les trois hommes sont écroués à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e.
Le 15 octobre, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine les condamne à quatre mois d’emprisonnement chacun pour« propagande clandestine ».
Le 28 octobre, ils sont transférés à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne).
À l’expiration de leur peine, le 10 janvier 1941, ils ne sont pas libérés, mais restent consignés sur ordre de la préfecture. Ce jour-là, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif d’Aimé Doisy. Il est probablement conduit au Dépôt.
Le 17 janvier, Aimé Doisy est dans un groupe de 24 militants communistes conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Le 20 mars, son épouse écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter une autorisation de visite (la suite donnée est inconnue…).
Le 6 septembre 1941, Aimé Doisy est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.
Au printemps, sa fille Gisèle postule pour un emploi à l’hôpital-hospice de la Salpétrière, à Paris 13e. Le directeur écrit au préfet de Seine-et-Oise afin de compléter son dossier.
Le 22 mai 1942, Aimé Doisy fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Aimé Doisy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le 8 juillet 1942, Aimé Doisy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45477, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Aimé Doisy.Il meurt à Auschwitz le 24 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Il est homologué comme “Déporté politique”.
Son nom est inscrit sur le monument en forme de tombe (cénotaphe) érigé dans le cimetière communal de Levallois-Perret par la CGT « en hommage à ses camarades chauffeurs de taxis parisiens tombés dans les luttes pour l’émancipation des travailleurs, pour la liberté, pour la démocratie, pour la France, pour la République » (situé en vis-à-vis de la tombe de la communarde Louise Michel).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 31-07-1988).
Un nommé Robert, Antonin, Doisy, d’Antony, né le 1er novembre 1924, est fusillé au Mont-Valérien le 5 mai 1944 : est-ce un parent ?
Notes :
[1] Levallois-Perret : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 402.
Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Archives municipales de Levallois-Perret.
Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 18e arrondissement, année 1897 (V4E 10365), acte n° 2876 (vue 7/31 en saisissant le patronyme « Doisy »).
Archives de Paris : registres des matricules du recrutement militaire de la Seine, classe 1917, 2e bureau, vol. 5001-5500 (D4R1 1979), matricule 5379.
Archives départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil : archives de la prison de Fresnes, maison d’arrêt, registre d’écrou 148 (2742w 15), n° 3960.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), (liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; cabinet du préfet, dossier individuel (1 W 615-23281) ; dossiers de la BS1 des RG, affaires traitées 1940-1941 (GB 29), 9 octobre 1940.
Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; centre de séjour surveillé d’Aincourt, notice individuelle (1W109).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 70.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 230 (32552/1942).
Site Mémorial GenWeb, 92-Levallois-Perret, relevé d’Émilie Pessy et de J.C., élèves de 3e 5 (04-2003).
MÉMOIRE VIVE
(Dernière mise à jour, le 12-10-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.