Ce transport, composé 230 femmes, est le seul convoi de résistantes à avoir été dirigé vers Auschwitz-Birkenau. Les autres femmes déportées par mesure de répression étaient envoyées au KL Ravensbrück.
Ces femmes étaient originaires des départements de la zone occupée avant novembre et principalement de villes de plus de 10 000 habitants. 106 d’entre elles, au moins venaient de la région parisienne. La moitié de ces déportées appartenaient à la classe ouvrière, un quart étaient des commerçantes ou des employées, les autres exerçaient une profession libérale ou intellectuelle avant leur arrestation. La plupart d’entre elles (222) avaient été extraites du Fort de Romainville, alors camp de détention allemande.
Sur ces 230 femmes, 85% d’entre elles étaient des résistantes : 119 étaient communistes ou proches du PCF et appartenaient au Front national pour la liberté et l’indépendance de la France. Quelques-unes avaient eu des responsabilités importantes comme Danielle Casanova et Marie-Claude Vaillant-Couturier. 53 d’entre elles au moins ont eu leur mari, compagnon ou fiancé fusillé (Charlotte Delbo, Marie Politzer, Hélène Solomon…), et 8 autres au moins un autre proche exécuté. Quelques-unes étaient des parentes de déportés du convoi du 6 juillet 1942 vers Auschwitz, ou de celui du 24 janvier 1943 vers le KL Sachsenhausen. Le convoi incluait également des résistantes d’autres réseaux et quelques isolées.
À leur arrivée au camp de femmes de Birkenau, le 27 janvier, elles passent le portail en chantant La Marseillaise. Elles sont immatriculées dans la série des « 31000 » du camp, entre les numéros 31625 et 31854.
Les premiers mois passés à Birkenau sont les plus meurtriers, en particulier à cause de l’épidémie de typhus qui sévit dans le camp et des diverses formes « sélection » qui conduisent les plus faibles dans les chambres à gaz. Charlotte Delbo, auteure d’un livre éponyme sur leur convoi, indique qu’elles n’étaient plus que 70, le 10 avril 1943. En juillet, les “31000” reçoivent le droit de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis. Puis, le 3 août, la plupart des 57 dernières survivantes sont placées en quarantaine, dans une baraque installée juste devant l’entrée du camp. Ce bâtiment servait essentiellement à mettre « à l’isolement, avant leur sortie, des Allemandes de droit commun qui avaient purgé leur peine ». Le 13 août, les détenus politiques français de sexe masculin, alors rassemblés au camp principal, connaissent, à leur tour, un sort semblable.
Pourquoi une telle quarantaine ? Faut-il la mettre en relation avec les démarches entreprises auprès de la Croix-Rouge par les familles des « 31000 » à la suite de la réception de plusieurs avis de décès, à partir d’avril 1943 ? Ou/et avec la diffusion, en mai 1943, d’un tract du Front national révélant le départ des communistes détenues à Romainville pour Auschwitz et dénonçant les conditions épouvantables de détention dans ce camp ? Le contenu de ce tract est repris par Fernand Grenier dans une émission de Radio-Londres, le 17 août. Durant toute leur quarantaine qui se prolonge jusqu’en juin 1944, les “31000” sont exemptées de travail, de marche, d’appel général et peuvent enfin se laver. Ce répit 1944, freine la mortalité du groupe des survivantes où uniquement 5décès sont à déplorer entre août et novembre 1943.
17 autres “31000” travaillent déjà dans un Kommando de Raisko, un laboratoire situé dans un hameau de l’espace concentrationnaire de Birkenau où des détenus placés sous la responsabilité de chercheurs expérimentent la culture du kok-saghiz, une sorte de pissenlit dont la racine contient une forte proportion de latex. Ici encore les “31000” connaissent un régime plus clément.
En 1944, le 7 janvier, les 3 et 16 août, les survivantes sont transférées au camp de femmes de Ravensbrück dans des transports différents. La majorité des 33 “31000”, arrivées dans ce camp le 4 août, sont placées au Block des détenus « Nacht und Nebel », ce qui signifie notamment qu’elles ne doivent pas être transférées dans des Kommandos de travail extérieurs.
En mars 1945, elles sont évacuées vers d’autres camps, principalement vers le KL Mauthausen. Un petit groupe reste à Ravensbrück. Libérées entre fin-mars et avril 1945, elles rejoignent la France entre avril et mi-juillet pour la dernière rapatriée, Marie-Jeanne Bauer, pourtant première libérée, à Auschwitz même. Marie-Claude Vaillant-Couturier et Adélaïde Hautval restent à Ravensbrück après la libération du camp jusqu’à l’évacuation des derniers malades.
Seules 49 d’entre elles ont survécu à leur déportation, ce qui correspond à un taux de mortalité de 79%, un chiffre particulièrement élevé pour des déportées de répression.