André, Louis, Faudry naît le 19 mai 1914 à Marspich (Moselle), fils de Joseph, Louis, Faudry, 32 ans, et de Marie, Hélène, Krestchmer, 23 ans. André a un frère plus âgé, Albert, Marius, né le 10 juillet 1910 à Differdange (Differdingen – Duché de Luxembourg, proche de la frontière française), où leur parents se sont mariés le 13 juin 1908.
En 1931, André habite avec ses parents au 2bis allée de la Gare à Saint-Maur-des-Fossés [1] (Seine / Val-de-Marne – 94).
En 1932, son frère Albert – électricien – déclare habiter à la même adresse.
André Faudry effectue son service militaire en 1934.
Le 17 mars de cette année, il se marie avec Albertine Poullain, née en 1914, bobineuse radio. Ils ont un fils, Claude, né en 1934.
En 1936, André Faudry déclare habiter au 2bis allée de la Gare.
Cependant, au recensement de 1936, toujours domiciliés à cette adresse, ses parents, Louis et Hélène Faudry, sans profession, hébergent seulement leur petit-fils Claude.
Au moment de son arrestation, André Faudry est domicilié au 15, avenue Desgenettes dans le quartier du Vieux Saint-Maur ; près de la gare Saint-Maur-Créteil.
Il est monteur-soudeur en chauffage.
Il est secrétaire d’une cellule du parti communiste.
Continuant à militer dans la clandestinité, il est considéré par la police française (R.G.) comme un « meneur communiste très actif », s’étant « fait remarquer dans la localité par ses propos révolutionnaires ».
Le 29 mars 1940, une perquisition infructueuse est effectuée au domicile de ses parents, devenus concierges (?), où est domicilié son frère, alors mobilisé comme “affecté spécial”, électricien, aux établissement Air Série à Bonneuil-sur-Marne, dépendant des usines Gourdou et Leseure, de Saint-Maur. Celui-ci sera démobilisé le 22 août suivant.
Le 27 juin 1941, vers cinq heures du matin, les deux frères Faudry sont appréhendés à leurs domiciles respectifs par le commissaire de police de la circonscription de Saint-Maur, qui les représente à la préfecture comme poursuivant leur activité. Ils sont pris dans le cadre d’une vague d’arrestations visant des militants ouvriers du département de la Seine. Le préfet de police a signé les arrêtés ordonnant leur internement administratif, mais les opérations sont menées en concertation avec l’occupant [1]. En effet, pendant quelques jours, des militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans ces conditions sont conduits dans la cour de l’hôtel Matignon [2], où ils sont livrés aux « autorités d’occupation » qui les rassemblent au Fort de Romainville (HL 122), sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis) [3].
Rapidement, ils sont conduits à la gare du Bourget où des trains les transportent à Compiègne (Oise), au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). André Faudry y est enregistré sous le matricule n° 494.
Quelques semaines plus tard, dans un rapport adressé à la préfecture, l’inspecteur Gentil déclare que le secteur de Saint-Maur est redevenu calme après l’arrestation des frères Faudry, d’Yves Dumont et de Marcel Vadé (tous deux interpellés le 4 juillet).
Entre fin avril et fin juin 1942, André Faudry est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Son frère est maintenu au camp, probablement en raison d’un mauvais état de santé.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus désignés sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, André Faudry est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45528 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Faudry est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Pendant un temps, il est assigné au Block 11, aux côtés de Roger Gaudeau, instituteur des Andelys (Eure) qu’il verra succomber du typhus. Il est lui même atteint par la maladie en septembre.
Le nom d’André Faudry est inscrit sur un registre de l’infirmerie (Revier) le 1er novembre 1942. Peut-être après avoir été blessé à l’extérieur de la jambe gauche (il reviendra avec une cicatrice douloureuse). Après sa guérison, il y devient veilleur de nuit, ce qui justifie qu’en mars 1943, il ne fasse pas partie des dix-sept “45000” rescapés de Birkenau conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !).
À Paris, le 25 mars 1943, les « autorités d’occupation” font conduire Albert Faudry à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce pour paralysie du côté droit.
En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), André Faudry reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.
À la mi-août, il est ramené à Auschwitz-I, avec Georges Marin qui était coiffeur au Revier de Birkenau et Robert Daune qui y était soigné clandestinement après avoir été l’objet d’une sélection pour la chambre à gaz.
Ils rejoignent les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) et mis en “quarantaine” au premier étage du Block 11, la prison du camp. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques, et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
À Paris, le 30 août 1943, le S.D. (“Gestapo”) décide de remettre à la police française Albert Faudry, toujours hospitalisé au Val-de-Grâce et « considéré comme incurable ». Le 13 décembre suivant, le préfet de police rapporte l’arrêté d’internement le concernant, et le détenu est aussitôt extrait de l’établissement.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, la plupart sont renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
André Faudry fait alors partie d’un petit groupe de “45000” qui arrivent à se rencontrer assez souvent :Georges Brumm, Georges Guinchan, Mickey Guilbert, Robert Lambotte, Guy Lecrux, de Reims, Roger Pélissou, René Petitjean, Robert Rosse. Il entre dans le groupe français de résistance au sein du Comité international créé par des communistes autrichiens. L’organisation clandestine arrive à lui faire intégrer l’hôpital d’Auschwitz-I, à l’étage du Block 19, avec un statut – officieux – d’infirmier ou de chef de salle.
À la fin de l’été 1944, il est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres rescapés du convoi sont transférés vers d’autres camps.
Pendant les mois d’hiver 1944-1945, André Faudry prend en charge Maurice Cling, un jeune Français de quinze ans, déporté avec sa famille comme juif dans le convoi parti de Drancy-Le Bourget le 20 mai 1944 (n°74). Séparé de son père et de sa mère lors de la sélection à l’arrivée, Maurice entre au camp avec son frère Willy, plus âgé. Après plusieurs mois vécus ensemble dans divers Kommandos (celui des ordures notamment), il voit ce dernier être emmené au lendemain d’une sélection. En octobre 1944, Maurice Cling est admis comme malade au Revier, au-rez-de-chaussée du Block 19, et affecté plus tard dans la chambrée d’André Faudry comme auxiliaire chargé du ménage et de la distribution de nourriture. Il survivra aux marches et aux trains de la mort.
En France, le 11 septembre 1944, peu après la libération de Paris et de sa banlieue, son frère Albert se déclarant membre de la commission d’épuration de Saint-Maur, écrit au préfet de police pour demander la « pièce accusatrice » – supposant une délation – qui devrait se trouver dans son propre dossier aux archives des Renseignements généraux. Par les courriers reçu partir de l’été 1943, il sait que son frère se trouve alors au camp d’Auschwitz, en Haute-Silésie. Le 4 octobre, le chef du 1er bureau au cabinet du préfet de police, demande au commissaire de Saint-Maur de faire savoir au demandeur que « l’examen de son dossier ne relève pas qu’il ait fait l‘objet d’une dénonciation quelconque, et qu‘il a été interné parce qu’il était connu pour avoir manifesté ouvertement sa sympathie à l’égard du Parti communiste ».
En janvier 1945, au moment de l’évacuation des camps et Kommandos d’Auschwitz, André Faudry propose à René Besse d’attendre avec lui l’arrivée de l’Armée rouge en se dissimulant dans des soutes à charbon. Mais celui-ci craint l’explosion des grandes quantités de carburant (méthanol) qui ont été déversées au garage voisin et rejoint une colonne d’évacuation.
Le 27 janvier 1945, André Faudry est libéré à Auschwitz par l’Armée Rouge, comme Eugène Garnier. Il témoigne devant une commission d’enquête soviétique à deux reprises, notamment le 15 février 1945.
Le 12 mai 1945, il est rapatrié via le port de Marseille.
Son frère, Albert Faudry, décède le 30 octobre 1949 à Saint-Maur, âgé de 39 ans ; à une date restant à préciser a été déposé auprès du ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG), un dossier pour demander l’attribution du titre d’interné résistant… qui restera sans suite (?).
Notes :
[1] Saint-Maur-des-Fossés : Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.
En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.
Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[3] L’hôtel Matignon, 57 rue de Varenne (Paris 7e) : le 8 septembre 1940, les Renseignements généraux de la préfecture de police constatent la réquisition de l’hôtel pour le bureau de cantonnement des hommes de la police militaire secrète : Geheime Feldpolizei – Dienstelle – Männer-Unterkunft (source : Cécile Desprairies, Paris dans la Collaboration, éditions du Seuil, mars 2009, page 268).
[3] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine :Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention « communiste », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 179, 224-225, 358, 389 et 403.
Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, Éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 518.
Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
René Besse, conférences du 27 janvier 2006 à Limoges (lycée Maryse Bastié et médiathèque).
Maurice Cling, Vous qui entrez ici… Un enfant à Auschwitz, FNDIRP en coédition avec les Éditions Graphein, Paris mai 1999.
Françoise Tomeno, petite-nièce d’Ernest Pignet, de la Somme (message du 20 janvier 2006).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, liste des internés communistes (BA 2397) ; dossiers individuels au cabinet du préfet de police, André et Albert Faudry (1 W 615 – 23283 et 23284).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 13-04-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.[1] Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).