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André, Antoine, FÉLIX naît le 26 juillet 1904 à Paris (14e), au 16, rue Ferrus, fils d’Hippolyte Félix, 27 ans, carrier, et de Louise Léontine Balagny, 28 ans, couturière, son épouse, domiciliés au 55 rue Vallier à Levallois-Perret (Seine / Hauts-de-Seine). Deux des témoins pour l’enregistrement du nouveau-né à l’état civil sont une couturière « présente à l’accouchement » et un tailleur ; sa mère l’a-t-elle mise au monde dans l’atelier de couture où elle travaille ?
Le 22 octobre 1927 à Bretteville-sur-Laize (Calvados – 14), André Félix se marie avec Marthe Augustine Chopin, née le 5 février 1909 à Fontenay-le-Marmion (14). Ils auront six enfants : André Auguste, né le 13 octobre 1928, Marthe Gabrielle, née le 17 août 1930, tous deux à Bretteville, puis Renée Andrée, née le 29 novembre 1934, Marcel Edmond Michel, né le 16 avril 1939, et Hélène France Rachel, née le 25 janvier 1941, tous quatre à Fleury-sur-Orne [1] (14).
En 1931, ils logent route de Saint-André à Fleury. André Félix est alors carrier aux Docks Fouquet à Fleury (extraction souterraine de “pierre de Caen”, calcaire à bâtir). En 1936, la famille habite place Nationale, toujours à Fleury.
Au moment de son arrestation, André Félix est domicilié au 10, route de Caen, à Fleury.
Pendant un temps, il est mineur à May-sur-Orne ; Société des mines et produits chimiques de May (14).
- La mine de fer de Saint-Martin-de-Fontenay, à proximité
de May-sur-Orne, au sud de Caen. Carte postale.
Militant syndical CGT et membre du Parti communiste, il poursuit son engagement dans la clandestinité.
Sous l’Occupation, étant mère de six enfants, Madame Félix reçoit des autorités de Vichy la médaille de bronze de la famille française.
Le 7 mai 1942, vers 20 heures, André Félix est arrêté à son domicile par la police allemande, comme otage communiste lors de la deuxième vague d’arrestations qui a suivi le déraillement d’un train de permissionnaires allemands à Moult-Argences (Airan) [2].
Le 9 mai, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, André Félix est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Par l’intermédiaire de cheminots, André Félix transmet un message à son épouse : « Méfie-toi des personnes du voisinage » ; il est persuadé qu’il a été dénoncé.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, André Félix est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45533 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée).
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Félix est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I, selon Marcel Cimier, de Caen.
André Félix meurt à Birkenau le 17 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; atteint du typhus, d’après un témoignage recueilli par sa veuve.
En France, la première mention de son décès, en marge de son acte de naissance, le déclare décédé le 15 décembre 1942 à Mauthausen (Autriche). Le 24 mars 1995, cette date sera rectifiée par décision du procureur de la République de Paris.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 25-02-1996).Le nom d’André Félix est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.
Son petit-fils, Didier Rossi, mène un combat permanent pour sa mémoire.
Notes :
[1] Fleury-sur-Orne est mentionné sous la forme latinisée Alemannia en 1077, en français Allemagne jusqu’à la première guerre mondiale, devant sans doute ce nom à une garnison d’Alamans de l’armée romaine préposée à la garde du gué qui franchissait l’Orne à l’époque du Bas-Empire. Le 23 août 1916, le conseil municipal décide un remplacement du nom pour celui de Fleury-devant-Douaumont, en hommage à une commune de la Meuse détruite cette même année lors de la bataille de Verdun. Le nom de Fleury-sur-Orne devient officiel par un décret du 12 avril 1917.
[2] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.
L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.
Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.
Au soir de l’attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage. Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht.
Au total plus de la moitié des détenus sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.
Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.
Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).
Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.
La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).
Sources :
De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001 ; notice biographique par Claudine Cardon-Hamet page 27 ; pages 63 et 65, 70, 99.
Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 362 et 403.
Archives de Paris, site internet, archives en ligne ; année 1904, 14e arrondissement (14N 360), acte de naissance n° 6595 (vue 28/31).
Encyclopédie Wikipedia, Fleury-sur-Orne.
Journal de Marcel Cimier, Les incompris, publié en 1995 par les archives départementales et le conseil général du Calvados dans un recueil de témoignages rassemblés par Béatrice Poule dans la collection Cahiers de Mémoire sous le titre Déportés du Calvados (pages 82-115) ; note page 93.
Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004 ; liste page 138.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 281 (36265/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 16-09-2020)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.