- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Germain, “Albert”, Feyssaguet naît le 31 mai 1912 à Chaveroche, commune de Saint-Sulpice-les-Bois (Corrèze), fils de Jean-Baptiste Feyssaguet et d’Anna Bourneix, une famille de cultivateurs. À l’état civil, il a pour seul prénom “Germain”. Il a – au moins – un frère.
Le 29 octobre ou le 15 novembre 1938 à Levallois-Perret, il épouse Marie-Louise Patient, née le 24 janvier 1920 à Neuville (Corrèze). Le couple n’a pas d’enfant.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 52 ou au 132, rue Aristide-Briand à Levallois-Perret [1] (Seine / Hauts-de-Seine).
Chauffeur de taxi, “Albert” Feyssaguet est membre de la Chambre syndicale des cochers chauffeurs du département de la Seine, comme Paul Faury.
- Un taxi parisien au milieu de la circulation, place de l’Opéra
dans les années 1930. Carte Postale. Coll. Mémoire Vive.
En 1935, “Albert” Feyssaguet adhère au Parti communiste.
Rappelé à l’activité militaire lors de la “drôle de guerre”, il n’aurait été démobilisé que le 27 septembre 1940 (à vérifier…).
Dix jours plus tard, le 9 octobre 1940, il est arrêté chez lui par les services du commissariat de police de Levallois-Perret comme distributeur de tracts. La perquisition opérée à son domicile amène la découverte de 40 numéros de L’Humanité clandestine.
- Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)
Le 15 octobre, la 12e Chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à quatre mois d’emprisonnement pour « propagande clandestine ». Il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), puis à celle de Fresnes (Val-de-Marne – 94).
- La maison d’arrêt de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.
À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : le 10 janvier 1941, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif.
Le 17 janvier, “Albert” Feyssaguet fait partie d’un groupe de 24 militants communistes conduits au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
- Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,
le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.
Le 21 février, Madame Feyssaguet écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter l’autorisation de rendre visite à son mari. Celle-ci lui est accordée le 13 mars et elle en reçoit notification le 27 mars par le commissariat de police de Levallois-Perret.
Le 26 avril, “Albert” Feyssaguet est parmi les internés transférés au camp français (CSS) de Voves (Eure-et-Loir – 28) ; matricule 222.
Le 10 mai, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, “Albert” Feyssaguet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
- Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Germain “Albert” Feyssaguet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45539 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
- Portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia, semblable
à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différentsKommandos.
Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Albert Feyssaguet est dans la moitié du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).
Le 6 janvier 1943, son nom figure sur le registre de l’infirmerie de Birkenau où sont inscrits les détenus qui y reçoivent des médicaments.
“Albert” Feyssaguet meurt le 4 mars 1943, d’après les registres du camp.
En 1949, sa veuve habite toujours la même adresse et est ouvrière coiffeuse à la maison Jean Gauthier, 64 rue Pierre-Charron à Paris 8e.
“Albert” Feyssaguet homologué comme “Déporté politique”.Son nom est inscrit (avec le prénom “Germain”) sur le monument en forme de tombe érigé dans le cimetière communal de Levallois-Perret par la CGT « en hommage à ses camarades chauffeurs de taxis parisiens tombés dans les luttes pour l’émancipation des travailleurs, pour la liberté, pour la démocratie, pour la France, pour la République » (situé en vis-à-vis de la tombe de la communarde Louise Michel).
- Cimetière de Levallois-Perret.
Monument des chauffeurs de taxis parisiens CGT.
Le nom de Germain “Albert” Feyssaguet figure également sur le Monument aux Morts de Saint-Sulpice-les-Bois, commune où il est né.
La mention “mort en déportation” est apposée sur les actes de décès (J.O. du 5-02-2009).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 404.
Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national, liste incomplète par matricules du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, registre des déportés ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau du 1-11-1942 au 15-7-1943).
Claude Feyssaguet, neveu d’Albert Feyssaguet, message 02-2008 (acte de naissance, acte de décès d’Arolsen…).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), APPo, site du Pré-Saint-Gervais : Cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; Dossiers individuels des RG (77 W 1511), Feyssaguet Germain (35598).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt, notice individuelle (1W80).
Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 284 (12841/1942).
Site Mémorial GenWeb, 92-Levallois-Perret, relevé d’Émilie Pessy et de J.C., élèves de 3e5(04-2003).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 4-05-2016)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Levallois-Perret : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).